[Chronique] MOONSPELL – Extinct

Bernard-Henri Leviathan
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Note : 9/10

D’aussi loin que je me souvienne, MOONSPELL a toujours fait partie de ma vie de metalleux. De très près à certaines périodes, d’un peu plus loin à d’autres. C’est comme ça et c’est comme pour tout, il y a des groupes pour lesquels une affection particulière se crée. Une fascination aussi et c’est vrai qu’à ce jeu là, MOONSPELL a toujours su s’auréoler de mystère à commencer par son parcours imprévisible.

Entre ses débuts Black ethnique (démos de 92 et 93 puis le superbe premier EP « Under The Moonspell »), les lettres de noblesse qu’il a contribué à donner au Metal Gothique avec PARADISE LOST et TYPE O NEGATIVE (« Wolfheart », « Irreligious »), le Metal atmosphérique emprunt de Rock Gothique (« Sin/Pecado », « Darkness & Hope »), les expérimentations d’avant-garde (« The Butterfly Effect », « The Antidote »), le retour aux racines Dark Metal (« Memorial », « Under Satanae », « Night Eternal »), le groupe a de multiples visages.

Les Portugais nous avaient laissés en 2012 avec l’ambitieuse idée de disséquer leur musique et d’en extraire les facettes en sortant simultanément deux albums bien distincts mais ô combien complémentaires (démarche qui avait déjà été entreprise en 1998, de manière plus discrète, avec « Sin/Pecado » et le projet parallèle DAEMONARCH). « Alpha Noir » renfermait donc le côté le plus brut, viscéral et violent du groupe alors qu’ « Omega White » présentait une musique posée, douce et au romantisme des plus ardents.

Avec ces deux disques, on se demandait bien quel chemin MOONSPELL allait poursuivre. Comme à chacun de ses albums, on ne peut jurer de rien tant que le produit n’est pas dans la platine. Bien qu’avec ce visuel à l’anthropologisme occulte, une fois encore signé Seth (SCEPTIC FLESH), on sente les dérives d’« Alpha Noir » ou « Night Eternal », « Extinct » (onzième album déjà) ne déroge pas à la règle.

« Breathe (Until We Are No More) », le très dansant « Extinct » et « Medusalem » sont une entrée en matière fort accrocheuse. Dans ces trois morceaux, on va retrouver des mélanges. Le Rock/Metal Gothique, style qui « Omega White » mis à part, avait été relativement mis de côté depuis « The Antidote » en 2003, refait surface.Quelques incursions Dark vont aussi apparaitre le temps d’un couplet ou d’un refrain hurlé, d’un blast, d’une attaque plus agressive. MOONSPELL brouille les pistes de cette dichotomie qu’il avait souhaitée sur sa dernière livraison.

Sur la première mais surtout la troisième, de superbes arrangements arabisants avec le bouzouki de Yossi Sassi (ORPHANED LAND), la contribution d’un orchestre à cordes turco-iranien ou encore la narration féminine en langue iranienne nous rappellent que ces influences ethniques ont toujours collé à la peau des membres du groupe. Il faut dire que l’Iran et le Portugal ont ces origines indo-européennes communes (ceux que l’on appelait les lusitaniens sur l’ouest de la péninsule ibérique).

De « Medusalem » aux abords très SISTERS OF MERCY, en remontant par le touchant « Domina » et « The Last Of Us » à rapprocher de THE 69 EYES, le groupe se pose et se concentre davantage sur un style plus propre, doux. On pense à un petit retour à « Sin/Pecado » ou « Darkness And Hope », ou encore « Omega White ». Et cette fois, pour cette propreté, le groupe s’en remet à Jens Bogren, producteur en vogue ayant nettement contribué à développer le son de cet album.

Du point de vue des structures, MOONSPELL veut rattraper les formats chanson plus classiques. Les arrangements sont fouillés pour un rendu mélodique et il y a un véritable travail d’atmosphères entre les claviers clair-obscur renaissants de Pedro Paixao et les guitares de Ricardo Amorim (et ce même Pedro au double emploi). En dehors des parties les plus extrêmes, l’accent Metal est porté par les rythmiques et la frappe de Miguel Gaspar qui vont alourdir l’espace sonore.

Même si la base reste fortement claire, il faut attendre « Malignia » pour replonger dans les éructations agressives de Fernando Ribeiro. « Funeral Bloom » et « A Dying Breed » fonctionnent sur ce modèle avec une recherche sur les ambiances rappelant, une fois encore, « Sin/Pecado » pour l’un et les claviers plus symphoniques de « Night Eternal » pour l’autre. En neuvième piste, « The Future Is Black » condense une noirceur sensible dans ce qui restera certainement un morceau abonné aux futures set-lists du groupe.

Fernando tantôt suave, emprunt d’une certaine mélancolie, tantôt rugissant, est toujours aussi charismatique et imposant. Jouant entre délicatesse et bestialité ténébreuse, il chante décidément aussi bien que sur le diptyque « Alpha/Omega ». Il nous livre quelques lignes de chant plus complexes et de très beaux refrains à l’émotion directement touchante, immédiatement identifiables. Pour poursuivre sur les parties solistes, on retrouve la patte et les schémas reconnaissables entre mille des soli de Ricardo, rapides et techniques comme sur « Domina » ou plus souvent éthérés.

Avec ces neuf titres, MOONSPELL nous offre un beau moment aux prises avec son Metal personnel. Cependant, c’est avec « La Baphomette », qui clôt l’album comme pour garder le secret le plus longuement possible, que la surprise éclate véritablement. Petit bijou de décadence et de grandiloquence, la courte chanson se présente comme un piano-bar bancal d’une sombre beauté qui monte en intensité avec la voix râpeuse de Fernando, étouffée peu à peu par des claviers puissants et des chœurs emportant le morceau vers d’autres sphères. Le type de chanson qu’affectionnerait Tom Waits, par exemple, et qui insuffle une véritable émotion à l’auditeur. Cerise sur le gâteau et cadeau aux fans francophones, « La Baphomette », que le visuel d’album illustre parfaitement, est interprétée en français et l’accent de Fernando sublime le texte en lui conférant des airs vaudous. Une totale réussite !

Tout en conservant son identité reconnaissable entre tous, MOONSPELL arrive encore à décliner sa musique. Dans « Extinct », on trouve divers éléments de sa discographie sans toutefois retomber dans une quelconque redite. Et même si certains morceaux, à mi-parcours, marquent moins l’esprit, le groupe nous livre un nouvel album mature, posé, riche, empli d’émotion et à la noirceur envoûtante. Un album qui pointe autant les ténèbres que l’espoir, comme ça a toujours été le cas avec MOONSPELL. « Extinct », déjà un grand moment de 2015… pour certains en tout cas car la prise de parti risque bien de diviser mais, ça, MOONSPELL y est habitué.

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