[Interview] SANGDRAGON

Herbert Al West - Réanimateur Recalé
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En 1993 et 1995, sortaient deux albums mystiques autant que mythiques (même si le passage du temps était nécessaire pour mériter le second descriptif), l’un venant de Daemonium et l’autre d’Akhenaton. Ces albums décrivaient les aventures d’un prénommé Serphanim et derrière le nom de ces groupes se cachait un homme, un seul, Lord Vincent. 20 ans se sont écoulés, ce qui n’est rien dans le mystère des plans, et Serphanim nous revient pour traverser le dernier obstacle, celui du plan physique, avec l’entité Sangdragon. Petite passe d’armes avec Lord Vincent (compositeur, chant) et Will Hien (basse, chœurs) afin d’en savoir plus.

LOC : Vincent, plus de vingt ans se sont écoulés entre l’album sorti sous le nom d’Akhenaton et le nouvel opus, Requiem for Apocalypse, qui sort actuellement sous l’étiquette Sangdragon. Peux-tu résumer brièvement les éléments marquants de ta vie et ayant nourri ta musique durant ces quatre derniers lustres ?

Vincent : Brièvement, on va dire de la composition, la rencontre et aboutissement avec mes frères du Sangdragon, l’escrime médiévale avec ceux de la Maisnie du Chevalier Bragon, les organisations d’évènements tel que le Festival de Chair et d’Acier, la fauconnerie, l’équitation, la vie professionnelle de mon shop L’Oeil du Dragon et l’apprentissage du tatouage… sans oublier ma vie de famille et de grosses bringues. Une vraie vie quoi 😉 Ah ah ah…

LOC : Vingt ans se sont donc écoulés depuis les précédentes aventures de Serphanim. Tu avais toujours gardé à l’esprit de clôre ce qui était dès le début perçu comme une trilogie. Il y a eu cet épisode malheureux de perte du matériel enregistré sur ton ordinateur, tu as également connu d’autres expériences musicales. Comment a évolué au fil du temps la construction de ce nouvel album ?

Vincent : J’ai composé et oeuvré sur scène avec Winds Of Sirius en 2000 et The Seven Gates en 2007. Certaines mélodies et riffs étaient déjà de côté pour le futur album de Sangdragon, avec une volonté de les sortir un jour. Après mon départ de T7G, je me suis remis au travail et ai pu enfin exploité des choses qui n’étaient pas possibles avec ces deux groupes. En 3 mois, j’ai composé l’album comme une seule et même chanson, à la guitare sèche et aux claviers, ainsi que l’ensemble des arrangements dans ma tête, avec d’anciennes et de nouvelles choses. J’ai rencontré Will et Matt, puis Ed, qui m’ont aidé à mettre tout cela à plat. Nous avons fini par sortir cet album entièrement financé par les fans, sur Wake Up Dead Records, label associatif que nous avons créé, car plus efficace que ce que l’on pouvait nous proposer.

LOC : Sur les deux premiers opus de la trilogie mystique, tu avais réussi l’exploit de tout gérer de A à Z, en véritable homme-orchestre, un peu à la manière d’un Varg Vikernes, double schizophrénique de Burzum. Tu t’es aujourd’hui entouré d’une véritable équipe, comme Régis Cognard, avec lequel tu as déjà travaillé au sein de The Seven Gates, mais aussi Stéphane Buriez (Loudblast) à la production ou encore Matthieu Asselberghs (Nightmare). Comment as-tu vécu cette nouvelle façon de travailler ?

Vincent : Alors que j’avais tout composé et commencé à enregistrer chez moi, j’ai rencontré cette fine équipe. Nous avons travaillé chaque semaine avec Ed qui a fait un incroyable travail pour décrypter mes gammes bizarroïdes, afin de permettre aux autres de comprendre les morceaux et de se les accaparer. J’ai appris que lorsqu’un musicien s’éclate et amène sa touche, il se sent plus concerné par la musique et le message qu’elle veut véhiculer. Nous avons fait intervenir nos amis sur studio comme en live. Ainsi, le Sangdragon devint une histoire d’amitié car on s’est tous bien trouvé ! Nous connaissions Steph depuis longtemps et son travail nous a impressionnés sur le dernier Loudblast, et comme avec Internet, pas besoin de se déplacer, l’affaire fut vite faite puisqu’il était très motivé par le projet. Pareil pour le studio Américain de Sage Audio en ce qui concerne le mastering. Bref, Sangdragon est sorti sur le domaine physique comme il aurait dû sortir : avec des membres fiers et unis !

LOC : Tes influences sont riches, diverses. L’aspect symphonique – même s’il est plus juste de parler de multi-instrumentiste – est bel et bien présent, comme sur les premiers albums, mais traduit cette fois-ci une approche différente, très visuelle, cinégénique, évoquant les bandes originales de films. Quels sont les compositeurs qui ont pu influencer ton travail ?

Vincent : La musique de film a toujours été ma musique préférée. Polédouris, Goldsmith, Morricone puis Shore restent mes idoles. Je n’ai qu’un seul critère dans la musique, c’est qu’elle m’envoie des images. Cela a toujours été le cas dans tout ce que j’ai pu composer. Ainsi, je vais choisir un black/death super violent pour exprimer une émotion de rage, mais aussi plus baroque pour la mélancolie, ou bien celtique pour la joie… Cependant, je ne pense pas avoir composé une simple compile (lol), mais un mélange de ce que je trouvais opportun au long de l’histoire, tout en restant cohérent et homogène. Aussi, je pense que ce mélange est original, même si ce n’était pas le but premier. J’ai choisi les instruments qui interviennent en fonction de l’émotion exprimée, exécuté par moi ou l’un de mes comparses, maîtrisant leur instrument bien mieux que moi.

LOC : Le morceau « Krakenfyr » est à ce titre véritablement impressionnant. Il rappelle dans sa structure et sa progression le morceau « Battle » de la BO du film Gladiator, mais avec l’arrivée des guitares et des riffs menaçants, la puissance évocatrice du morceau est soudain décuplée et dépasse le propos initial en force et en vigueur, nous plongeant au cœur d’une bataille dont on ressent la rage et la bestialité. J’ai souvent rêvé d’une telle mixité dans les musiques de film. Penses-tu qu’un jour un compositeur issu du milieu metal puisse illustrer un film épique de grande ampleur, poussant plus loin l’effort de Tyler Bates pour le film 300, et si oui… pourquoi pas toi ?

Vincent : Effectivement, tu touches juste, car nous préparons un clip scénarisé pour ce titre qui s’y prête tant… Normalement, ce court métrage n’aura pas lieu de décevoir, car j’ai beaucoup d’amis dans le milieu médiéval qui devraient faire intervenir leur compétences martiales, de dresseurs ou de comédien… A suivre? donc 😉 Quant à la musique de film metal, je suis persuadé que John Carpenter en est le précurseur, ainsi que les Mangas dont les génériques sont du véritable heavy metal depuis 30 ans, alors qu’ici, on avait Bernard Minet … Ah ah ah !

LOC : Ta musique est ainsi très visuelle, et cela prend tout son sens sur scène où le spectacle est total, avec combats à l’épée et autres cracheurs de feu. Y a t-il des lieux à l’image de tes goûts où tu aimerais par dessus tout te produire et quelles seraient alors tes ambitions scéniques ?

Vincent : Tu sais, il y a 30ans, j’ai vu Alice Cooper sur scène par hasard (j’avais gagné une place) alors que c’était sa période la plus glamouze… Beurk ! En revanche, le show était tellement chouette que j’ai apprécié, et que je suis passé outre la musique de chiottes (ah ah ah). Au moins, il proposait un véritable spectacle vivant, qui m’a fait voyager. Proposer quelque chose de riche est exaltant artistiquement, et même celui qui n’apprécie pas peut peut-être adhérer de par le spectacle et l’ambiance, et peut ne pas regretter le prix de sa place ! Ah ah ! Je ne fais pas ça pour plaire à tout le monde, mais attention, je kiffe ! Pour être un bon maître de jeu, il faut être un bon joueur et donc avoir des attentes. Personnellement, c’est ce que j’attends d’un concert : qu’il me transporte. Du coup, mes ambitions scéniques sont infinies car je suis difficile et pleins d’idées… 😉

Will : Personnellement, je rêve d’être un jour sur scène avec mes potes, avec derrière nous un orchestre complet, avec choristes, etc., un peu à la manière de ce qu’ont pu faire ces dernières années des groupes comme Dimmu Borgir ou Satyricon. Je suis certain qu’Edouard et Vincent seraient capables de bosser avec un chef d’orchestre pour rendre les choses vraiment intéressantes et suffisamment complexes pour tout le monde (car c’est bien connu, les musiciens d’orchestre s’emmerdent vite si ce n’est pas assez compliqué), et ce serait si puissant ! Si en plus, on a en décor de fond un château en pierres et des combattants pour illustrer nos chansons, alors là, je ne réponds plus de rien… Maintenant, si on nous invite un jour au Hellfest ou sur d’autres gros festivals, je risque de ne plus répondre de rien non plus. 🙂 On a de grosses ambitions scéniques avec ce groupe, car on n’est pas comme tout le monde et on n’a pas peur d’occuper de grosses scènes.

LOC : Où en est à l’heure actuelle le projet de sortir sous forme de triple vinyle l’intégrale de la trilogie mystique ? Que penses-tu d’ailleurs du retour en force du vinyle, très prisé par les fans, à l’heure pourtant où le téléchargement fait tant débat dans l’industrie musicale ?

Will : On va étudier différentes options car ce n’est pas si simple ! La “simplicité” voudrait que l’on regroupe les trois disques dans une box vinyle en édition limitée, mais on a un peu peur que le son vraiment “roots” des deux premiers disques fasse tâche par rapport à celui de Sangdragon. Du coup, on se demande carrément si on ne va pas réenregistrer les deux premiers disques pour vraiment marquer le coup, sauf que les die hard fans du groupe, les plus old school, risquent de voir ça comme une hérésie ! En même temps, si on réenregistre les deux premiers disques et qu’on ne les sort pas aussi en CD, beaucoup vont être déçus. Comme tu vois, ce n’est pas si simple… Dans tous les cas, si ça se fait, je pense qu’on cherchera un autre label spécialisé dans la distribution et la production de vinyles, qui voudra bien financer le projet parce que le truc risque de coûter un peu d’argent, quoi…

Vincent : En même temps, les die hard fans l’ont en version originale !! 😉

LOC : Que nous réserve le futur du valeureux Serphanim ? Evoluera t-il à nouveau sous le nom de Sangdragon ou le cumul de sa triple expérience initiatique amènera t-il à créer une nouvelle entité, ce qui somme toute serait assez logique et traduirait une nouvelle façon d’appréhender la musique, chaque nouvelle aventure se traduisant par l’utilisation d’un véhicule différent ?

Vincent : Des morceaux sont déjà en route. Le but étant d’étoffer l’univers du Sangdragon, puisqu’il s’agit du plan physique, avec la compréhension des deux autres, tout comme Tolkien l’a fait en écrivant le Silmarillion après le Seigneurs des Anneaux… mais c’est une autre histoire, pas pour tout de suite…

LOC : Tu évolues dans un univers musical où tes goûts et ta philosophie de la vie peuvent s’épanouir librement ; tu tiens, si je ne me trompe pas, une boutique entièrement dédiée à l’art médiéval et fais partie d’une troupe (la Maisnie du Chevalier Bragon) au sein de laquelle tu vis pleinement ta passion pour l’art des combats à l’épée, effectués bien évidemment en tenue moyenâgeuse. Peut-on en conclure que tu es un homme heureux, qui vit ses rêves au lieu de les contempler ?

Vincent : Je vois que tu es bien renseigné et la réponse est : absolument. Le chemin initiatique proposé dans ces oeuvres est la maîtrise du macrocosme, via celle du microcosme. Sa compréhension, son apprentissage, puis son verbe. Je pense que n’importe qui peut pleurer sur son sort, mais aussi se battre pour faire en sorte que sa vie et celle de ses congénères soient meilleures. Les peuples appelés “barbares” ne sacrifiaient pas les leurs au nom d’un dieu, à l’instar des peuples soi-disant “civilisés” : ils les protégeaient. Plus que n’importe où et n’importe quand, cette phrase est applicable: ”La liberté est une victoire, ce qu’elle suggère des combats”. Restez vous-mêmes et soyez-en fiers !

LOC : Merci pour le temps que vous nous avez consacré. Quant à vous cers lecteurs, vous êtes désormais en mesure de trouver chez LOC une approche triptyque de Sangdragon avec cette interview, la chronique de l’album que vous pouvez retrouver ICI, ainsi que la couverture du Festival de Chair et d’Acier qui se trouve juste ICI.

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