[Chronique] ZOHAMAH – Spread My Ashes (01/02/2018)

Herbert Al West - Réanimateur Recalé
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Étrange expérience que nous offre Zohamah avec son premier album, Spread My Ashes. Entité composée d’une seule et unique personne au moment de sa conception, Zohamah aurait aussi bien pu se nommer Hezi Menashe’s Band. Le musicien, qui a traîné ses guêtres dans divers projets musicaux, dont Romuvos et Spawn of Evil (du death technique et costaud où il officie au poste de bassiste et vocaliste rugueux), a ici travaillé en partant des riffs de guitares, y rajoutant ensuite les autres espaces musicaux (basse, l’instrument qu’il maîtrise depuis l’âge de 12 ans, la batterie, son arme de prédilection, des bruitages divers) avant d’y coller les messages que transporte la musique.

Définir la musique de Zohamah est un exercice périlleux. Pour les connaisseurs, on est assez proche de la musique des italiens de Forgotten Tomb, mais qui ferait de larges coupes au sein de ses longues plaintes déchirantes et aurait gommé ses influences gothiques. On pourrait parler d’une collision entre death dépressif et black atmosphérique, mais ce serait mettre de côté l’influence doom essentielle sur certains titres. Pour mieux comprendre le message, il faut savoir que chaque titre a été conçu en totale liberté (quand on est seul, ça aide !) afin de retracer les états d’âme du musicien au moment de la composition. Et autant dire qu’il ne devait pas être à la joie à ce moment là ! Du funeral doom death hurlé avec un chant black, voilà un peu ce qu’est Zohamah, mot hébraïque issu de la Kabbale et signifiant « ténèbres » ou « pollution ». Transposé au spirituel et à l »hermétisme qui transpirent de la Kabbale, il s’agit d’une forme de mal ancien causant d’irrémédiables dommages à l’esprit de l’homme qui s’en trouve pour son plus grand malheur souillé. Et la musique d’Hezi Menashe traduit assez bien ce sentiment d’oppression, de chute vers les tréfonds d’un enfer sans limites. Elle traduit tellement bien ce qu’elle vise qu’elle en est parfois impossible à cerner. Zohamah s’entend comme un long cri de désespoir et de rage qui s’étire sur 30 mn, ce qui peu faire long pour un cri mais court pour un album. Et l’on se surprend à ne pas avoir tout saisi, puis à remettre le disque, et constater encore une fois que l’on a raté quelque chose, encore, et encore. Inattention passagère ? Trop parfaite définition d’un univers complexe et hermétique ? Navigation difficile entre des genres différents qui se croisent et se heurtent et finissent par nous perdre en chemin ? Chacun aura son opinion.

Ce qui est sûr, c’est qu’il y a beaucoup sur un aussi court format, et nul ne peut remettre en cause le talent de compositeur et de créateur d’ambiances qu’est Hezi Menashe. Zohamah est un comme un monument perdu au milieu d’un vaste désert de roche noire, une sorte de cube fait de matière sombre au sein duquel se terre quelque insondable mystère, et dont on a beau faire le tour, jamais on ne trouve de porte y permettant l’accès. Cela peut dérouter, cela peut agacer aussi, mais on peut aussi s’en émerveiller, tant d’albums étant pensés comme de faciles photocopies sans âme. Le disque est déstabilisant comme peut l’être New World, morceau ouvrant l’album, avec son intro bâtie de vent et d’orage, ses vociférations lupines à la Moonspell juste avant le break acoustique et son calme trompeur avant que le riff lourd ne revienne en force. Tout du long, le son de la batterie est parfait, tout en maîtrise, pesant comme des pas avançant dans une fange épaisse, sentiment rehaussé par la lourdeur des riffs, impitoyables de force. Côté voix, Hezi envoie du lourd, donnant dans un registre résolument black metal, et pousse parfois sa voix sur des hurlements dignes du Legion de Marduk (écoutez Emptiness). Black Cloud forme un monument de doom metal, avec une basse au rôle décisif, et des riffs de guitare qui semblent au début se chercher avant de déployer enfin toute la puissance et la noirceur du titre. Nous sommes à la limite du funeral doom, mais les titres sont ici très courts, Hezi estimant de son aveu qu’il n’avait pas ressenti le besoin de s’étendre sur plus de 10 mn pour traduire son propre ressenti. Ce sentiment se retrouve sur A Broken Mirror, déprimant au possible avec son rythme énervé entrecoupé de plages plus calmes, et le musicien réussit ici un tour de force en donnant en seulement 4 mn 30 l’illusion d’un morceau beaucoup plus long et ne rimant jamais avec ennui. Il ne faut pas relâcher son attention au court de cette écoute, car les changements de direction (particulièrement marquants sur ce morceau) peuvent donner le réel sentiment d’avoir raté quelque chose, d’être peut-être passé au morceau suivant par accident. Morceau déroutant, assurément, beaucoup plus complexe qu’il n’y parait, mais riche de ces ombres et de ces quelques lumières nous guidant au sein de ce labyrinthe infernal, si tant est que la clé y donnant accès ait été enfin trouvée. Le triste instrumental empli de bruitages annonce le final dantesque qu’est Zohamah, titre alternant séquences d’une lourdeur presque écrasante, avec ses énormes riffs, et les accès de rage imposés par des blasts ravageurs, avant que des lignes de guitares plus douces et volontairement mises en retrait dans le mix (petite erreur à mon sens, la musique de Zohamah ne devant pas se résumer au riffing épais d’un funeral doom qu’il n’est pas) ne viennent tempérer le propos.

Le disque a jalousement pour moi gardé certains de ses secrets, et ce sera probablement le cas pour nombre de ses auditeurs, n’offrant pas aisément le secret caché dans cette pièce mystique qu’il traduit en musique, et c’est à coup sûr tout son attrait. Si cet aspect peut rebuter, le mur qui se dresse soudain devant nous, et possédant l’étrange propriété de pouvoir se jeter violemment contre notre figure, aura de quoi ravir les amateurs de douceurs à la saveur épicée. Pas exotique pour un sou (cliché quand on parle de metal oriental), ce joyau noir venu d’Israël possède un potentiel énorme qu’il convient de surveiller de très près. Belle sortie de Redefining Darkness Records.

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