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Tu vois l’image qui tourne à toutes les sauces, sur les réseaux, montrant Batman qui met un pain à Robin ? … Et bien 2020, c’était… TA GUEUUUUUUUUULE!!! En tout cas, beaucoup (et j’en fais partie) s’accorde à dire qu’on a eu là une année faste en termes de sorties musicales. Comme quoi, le malheur des uns fait la créativité des autres… alors je ne vous raconte pas quand le malheur est partagé par tous!! On a parlé d’énormément de disques cette année, à travers notre rubrique confinée « Un jour, un album », mais pas toujours de toutes ces belles nouveautés. J’en ai sélectionné 10 parmi celles-ci. Ce ne sera pas forcément toujours les 10 que tu aurais choisies, c’est normal il est écrit « Top albums de Bernard-Henri Leviathan »… mais la sélection est suffisamment hétéroclite pour que tu y trouves un peu de bonheur! Voici donc 10 disques dont j’ai eu envie de parler, 10 mini-chroniques en rétrospective de cette année spéciale.
Un album qui aura fait couler de l’encre, la pandémie n’ayant à ce moment pas encore obnubilé les besoins irrépressibles de prise de positions en tout genre ! Le grand papa du Metal à la carrière aussi longue que l’histoire du style en lui-même, le Madman, le Prince des ténèbres à l’agonie revenant avec une forme olympique, au bras d’un jeune producteur douteux, voilà qui a pu déranger. De mon côté, j’ai décidé d’accueillir les choses comme elles venaient, sans trop me poser de questions… Et à partir de là, il ne restait que le plaisir de retrouver cette légende encore debout et avec l’envie de le rester. Quand on se plonge dans l’œuvre, on peut dire que nous n’avions pas vu Ozzy si vivant depuis bien longtemps. Derrière cette belle pochette au goût de ténèbres, la gravité est saisissante. Bien qu’Ozzy resserve quelques relents Sabbathien (« Straight To Hell », « Under the Graveyard »), l’album se veut assez calme et apaisant, comme l’était « Ozzmosis » en son temps. La seconde partie du tracklisting me parait encore plus intéressante, le gros rock mélodique (« Scary Little Green Man ») croise des inspirations 70’s voire 60’s (« Holy For Tonight ») et le Heavy survitaminé et politiquement incorrecte (« Eat Me », « It’s A Raid »). Seule la dernière piste, « Take What You Want » (avec la participation de Post Malone et Travis Scott) représente une véritable faute de goût… mais on se console en se disant qu’elle n’avait pas été composée pour l’album. « Ordinary Man » est touchant, il sonne comme le testament, la rédemption d’un homme pas si ordinaire et c’est ce qui donne tant de force et de caractère à ce disque.
Jamais dans toute sa discographie, AYREON n’aura été aussi loin dans le théâtralisme de ses productions. « Transitus » relève même de la comédie musicale, ce qui en aura sans doute freiné certain.es. Avec un casting envoûtant composé, entre autres, de Tommy Karevik, Simone Simons, Dee Snider, Paul Manzi et la belle découverte en la personne de Cammie Gilbert, Arjen Lucassen nous emmène un ou deux siècles auparavant, dans une sombre histoire de discrimination sociale amenant à la case « Transitus », l’entre-deux entre la vie sur terre et l’ailleurs après la mort. Des thèmes forts s’entrecroisent et se retrouvent au fil des titres. On reconnait l’écriture du Néérlandais, un peu de « The Final Experiment » ici, un peu de « Star One » là, ou encore de « Guilt Machine » ici, tout en évoluant dans un espace sonore toutefois bien à lui, toujours extrêmement bien composé mais plus accessible qu’à l’accoutumée. Comment tout cela peut-il sortir d’une seule tête ? « Transitus » est un voyage progressif et lumineux, qui m’aura pleinement épaulé quand, au fond de mon lit, je pestais contre ce fichu virus qui s’occupait de moi ! Et si de ce voyage, vous souhaitez en savoir davantage, plongez-vous dans sa chronique complète ici.
Si, comme moi, vous attendez le jour où Yngwie Malmsteen se réveillera pour à nouveau faire rêver des hordes de disciples de la guitare, tournez-vous vers le Brésil. Je suis tombé sur Jeff Metal au travers de l’opéra Metal Gio Smet’s GIOTOPIA et ai découvert cet afficionado perpétuant la flamme néo-classique outre-Atlantique. « God Created Rock », pour l’instant uniquement sorti en version digitale, est une rencontre ultra-mélodique avec le grand Yngwie, quelque part entre « Odyssey », « Magnum Opus » et « Alchemy », ses suivants comme NARNIA ou RING OF FIRE, et des groupes de White Metal tels que STRYPER (en effet, les textes sont très explicites quant à la foi du jeune homme). Jeff Metal, c’est aussi une voix rocailleuse, rappelant par exemple Stephen Fredrick (KENZINER), qui sait monter dans les suraigus, un peu forcée parfois mais prometteuse. Si les compositions, riffs et soli, rappellent les heures glorieuses du lunatique Suédois, la fluidité d’interprétation est parfois un peu plus garage. Cependant, ceci, ajouté à une production assez old-school signée Gio Smet justement (d’ailleurs, les 2 compères auront également sorti un projet commun dans l’année, du nom de DEVIL’S DESIRE), apporte un caractère sincère et organique. Celui-là même qui se perd toujours davantage dans les exercices de démonstration technique et leurs mises en son fort actuelles, certes parfaites mais clairement déshumanisées.
SNAKESKIN est le projet parallèle de Tilo Wolff, maestro romantico-goth de LACRIMOSA et « Medusa’s Spell » son 4ème album. J’annonce tout de suite : pas question de Metal ici mais d’un électro-goth baroque et finement orchestré ! C’est le grand écart depuis le primitif premier album datant de 2004 mais ce nouveau disque s’inscrit dans la continuité évolutive de la discographie, avec toutefois davantage de cohérence et la présentation d’un véritable groupe derrière lequel Tilo semble s’effacer discrètement. Si l’on reconnait la patte lyrique (à nouveau interprétée par la soprano Kerstin Doelle) et harmonique du leader, la musique est co-écrite et co-interprétée par ses nouveaux comparses que sont Thomas Daverio et HannesB qui apportent, dans leurs incarnations vocales, un lustrage Cold Wave, ou parfois même cet attendu plus Metal. « Medusa’s Spell » alterne les envolées poétiques, les gros rythmes, et les intensités rugueuses, sombres et torturées, pour un rendu global toutefois terriblement dansant ! Si vous êtes prêts à vous laisser séduire par une musique gothique très personnelle, pas forcément toujours facile d’accès mais réfléchie, et dans un habillage sonore purement synthétique, ce nouvel album de SNAKESKIN vaut vraiment le détour…. en attendant le nouveau chef d’oeuvre de LACRIMOSA !
En dépit du fait que le groupe sorte son 4ème album, j’ai découvert OCEANS OF SLUMBER cette année grâce à l’album d’AYREON évoqué plus haut. J’ai succombé au chant de la sirène Cammie Gilbert, incarnant avec tant de passion la jeune première dans l’opéra metal, m’enjoignant de pousser les investigations à son propos… et bien tombé, le groupe américain dont elle est avant tout frontwoman venait de sortir son nouveau disque ! OCEANS OF SLUMBER délivre un Metal qui aime à brouiller les pistes, étalant beaucoup de moments de plénitude, laissant la guitare acoustique, le piano ou les cordes tapisser l’espace sonore, pour ensuite céder la place à des murs de son érigés par les guitares sous-accordées et la batterie imposante. Il y a une part de Doom/Death, d’ambiances gothiques aussi, et surtout une approche progressive qui joue beaucoup sur les contrastes et les ruptures de rythmes. Et aux devants, c’est la voix charismatique de Cammie, à l’essence Rock, voire Soul, à la chaleur presque Jazz, pouvant parfois rappeler Björk, qui insuffle un groove tout particulier et des émotions fortes à ces chansons. On n’est plus dans le chant lyrique typique devenu un code trop récurrent, même si on n’évitera pas le poncif de la formule « Beauty & The Beast ». Ainsi, les growls masculins viennent compléter le tableau lors des accès furieux, jusqu’à animer cependant une intéressante et puissante montée Black/Death sur « Total Failure Apparatus ». Enfin, en guise de final, le groupe nous glisse une superbe reprise, très personnelle, du « Wolf Moon » de TYPE O NEGATIVE. Au milieu de cette année noire, voilà un album qui aura été comme une belle lumière.
Un nouveau PAIN OF SALVATION, c’est toujours l’assurance de se plonger dans une musique élevée au rang d’érudite, animée par des concepts toujours très élaborés, métaphysiques, philosophiques et souvent un brin autobiographiques, en ce qui concerne en tout cas Daniel Gildenlöw, son frontman. Ici, il est notamment question d’une panthère au milieu d’un monde de chiens, allégorie de la différence, de ces gens qui tentent d’évoluer en dehors des carcans sociétaux. Faisant suite à l’introspectif « In The Passing Light Of Day », « Panther » est un album d’apparence très calme mais qui cache de belles envolées soniques, et cette urgence rythmique toujours ultra contrôlée. Au sein de son Rock/Metal progressif urbain, POS évolue ici parfois dans un esprit trip hop, même sur le fil du hip hop (« Panther », la chanson) et ce, depuis au moins l’album « Scarsick ». PAIN OF SALVATION joue sur les ambiances, les textures et touche à tout ce qui lui tombe sous la main pour étoffer sa musique : banjo et mandoline (« Fur »), machines, programmations, bruitages du quotidien. Sur la corde sensible, les émotions retransmises sont toujours à fleur de peau et le travail vocal est en ce sens toujours exceptionnel. La production, très dynamique, joue beaucoup avec les volumes, la matière et replace, par exemple, la batterie dans un bon équilibre, au-delà de sa suprématie sur l’espace percussif qu’on retrouve dans les productions actuelles. En résumé, « Panther » est un poème magnifique de bout en bout !
S’il y avait un podium de la brutalité orchestrée, la médaille d’or serait sans doute attribuée cette année à PUTRID OFFAL ! Dans l’accalmie sociétale de l’entre-deux confinements, le Grind Death Gore de « Sickness Obsession » déboule avec sa fureur libératrice, à la manière d’une catharsis de toutes les frustrations, émotions acides engrangées durant la période. Les rythmes médusant, les riffs chirurgicaux et les vocaux de spéléologues qui s’étalent sur les 17 titres que composent l’album font un bien fou. Au milieu de ce déferlement de saturation, le quatuor nordiste réserve cependant quelques surprises sonores… En quelques mots, PUTRID OFFAL délivre une œuvre très cohérente, glaçante, à la violence primale mais toutefois raffinée, empreinte d’une grande maturité… et arrivant à point nommé ! Ne reconnait-on pas ici la marque des grands ? Mes filles au nez fin ont en tout cas adopté ce « Sickness Obsessions » pour le headbang familial du dimanche matin ! Pour une dissection plus avancée, avec blouse et scalpel aiguisé, suivez les traces rouges ->->->
« The Mother Of All Plagues” de MERCYLESS fait office de perle noire dans cette sélection. Et pour cause, 4 ans après un excellent « Pathetic Divinity » justement mis en son par Phil Reinhalter, guitariste de PUTRID OFFAL cité plus haut, la bande de Max Otero revient avec toujours autant de passion et d’inspiration. A l’image du superbe visuel signé Nestor Avalos, les lourdes et destructrices compositions, aux ambiances malsaines et antichrétiennes, dépeignent un nuancier sonore de noir et de gris jamais trop lumineux. Les guitares, monstrueuses dans l’exercice du riff et soignées dans l’expérience des soli, prennent les devants à la manière d’un MORBID ANGEL, célèbre influence non masquée. Toujours très organique et fondateur (33 ans de carrière tout de même !) dans ses interprétations, le Death Metal de MERCYLESS ne se répète pas, se développe même et offre au genre, en 35 petites mais très intenses minutes, une qualité indéniable ! Depuis, le groupe a trouvé le temps (oui, il y avait de quoi mais bon…) de sortir un nouvel EP de reprises… Une année de merde, mais une année MERCYLESS… l’un dans l’autre, on s’arrange.
« The Armor Of Ire », le premier album d’ETERNAL CHAMPION, avait déjà pris place dans un précédent top albums. Le groupe américain de Heavy Metal épique, barbare et bien cliché comme un bon gros MANOWAR, reprend place cette année avec son nouvel album « Ravening Iron ». Dans l’étroite lignée du précédent, la musique continue à développer, à partir des codes à l’ancienne, ce qu’il faut pour imaginer de longues et glorieuses épopées. La science du riff guerrier, simple mais tranchant, lourd et efficace y est pour beaucoup dans le fait que le groupe fasse mouche. Les titres gagnent en diversité, en cohérence aussi. On retrouve cette voix, pas foncièrement exceptionnelle, qui atteint vite ses limites, mais qui donne une couleur marquée aux chansons. Le genre de groupe entrainant, dont les petits défauts font tout le charme ! Pas besoin d’en dire plus, moi, j’adore !
J’ai déjà évoqué Gio Smet dans ces lignes. C’est que le bonhomme est un passionné très prolifique. Non content de produire l’album de Jeff Metal, de sortir le premier album de DEVIL’S DESIRE, de peaufiner le troisième acte de son Opera Metal GIOTOPIA, le voici qui dévoile « No Place To Hide », premier disque d’HORRORWISH, projet qu’il composera, interprètera et enregistrera seul. Si l’on reconnaît aisément son style, son Power-Heavy Metal caractéristique emprunte des détours Doom, gothique, voire plus Thrash. La ribambelle de riffs lourds et la voix grave si caractéristique de Gio, apportant une véritable personnalité à l’ensemble, illustrent ainsi de sombres fables qui font froid dans le dos. Les chansons sont massives et nécessitent que l’on prenne du temps pour les disséquer et en déguster toute la moelle. On a affaire à du complet DIY et même du complet Do It Alone, et même si la batterie est programmée, elle a ses moments d’intensité brute. Ce qu’il y a d’enivrant dans l’œuvre de Gio Smet, c’est cette sincérité, ce plaisir et cette passion qu’il renouvelle dans ses compositions et que l’on ressent d’emblée. HORRORWISH ne déroge pas à la règle. Espérons maintenant que le contexte permette à ce projet de prendre vie sur les planches, avec une véritable équipe, comme le souhaite son géniteur. En attendant, vous pouvez toujours vous plonger dans la description plus détaillée de l’album ici-même.
Voilà! Maintenant, place à 2021. Je sais pas vous, mais moi je vois déjà poindre quelques sorties bieeeeen prometteuses!!! On s’en reparle!