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Dans le tumulte des bacs à disques, alors que l’oreille n’a pas encore découvert les trésors auditifs qu’ils recèlent, l’œil, lui, se fait déjà une idée. Un album, c’est bien sûr une collection de chansons mais aurait-il le même impact sans le travail visuel élaboré pour le mettre en valeur (ou parfois, malheureusement, le saborder… mais ce n’est pas le propos du jour !) ? LORDS OF CHAOS a souhaité se pencher sur des acteurs qui, parfois dans l’ombre des musiciens, enrobent les produits musicaux pour leurs donner une couleur propre, une essence picturale. Car nous sommes véritablement face à une œuvre dans l’œuvre, un tableau, un dessin, un graphisme pouvant être admiré indépendamment mais qui, à l’écoute de l’album, s’avère indissociable de la musique qu’il illustre. Après que quelques-unes de ses œuvres soient passées entre les mains de nos chroniqueurs (« Possessed By Thrash » de THRASHBACK, « Ultimatum » de ADX ou encore, prochainement, « Metal Influences » de DESILLUSION par exemple), Stan W. Decker, premier représentant de ces magiciens hauts en couleur que nous vous présentons, a aimablement répondu à nos questions. Tout a commencé par Eddie…
Salut Stan et merci d’accorder un peu de ton précieux temps à LORDS OF CHAOS WEBZINE. Tout d’abord, peux-tu nous retracer comment tu en es arrivé à illustrer des albums Metal ?
Au début des années ’80, un de mes voisins portait depuis un moment le T-Shirt de « Killers » d’IRON MAIDEN. J’étais fasciné par ce personnage décrépi. Tout a débuté à ce moment-là. Un peu plus tard, j’ai fait des pieds et des mains pour obtenir le poster de « Somewhere In Time »… sachant que je ne connaissais même pas la musique du groupe. J’ai donc découvert MAIDEN avec « 7th Son Of A 7th Son » et la communion musique/graphisme a été totale, une révélation, un sacerdoce par la suite. L’anecdote veut que je sois entré aux Beaux-Arts avec un dossier comprenant une grosse moitié de copies à la gouache d’illustrations de Derek Riggs. Dans les ’90, j’ai bien entendu « designé » des démos et des T-shirts que je peignais un par un pour mes propres groupes de musique, ainsi que des copies uniques des artworks de MAIDEN sur les vestes en jeans de mes potes… Mon premier véritable album fut celui de HELLRAISER (fr) en 1999. Puis, après un break de quelques années pour cause de surcharge professionnelle, j’ai décidé de me lancer dans un projet plus sérieux, celui de réaliser au moins 6 artworks par an, dès 2006. J’ai commencé, là aussi, par des démos de groupes locaux, puis régionaux, puis nationaux pour finir par travailler essentiellement à l’international pour des labels. Un parcours assez classique qui demande juste de l’acharnement et d’être un hyperactif.
Quel bagage as-tu en termes de formation artistique ?
Mon parcours a été un peu chaotique. J’ai toujours dessiné mais mon lycée ne proposait pas de filière artistique. J’ai donc passé un bac littéraire avant de me diriger vers les Beaux-Arts alors que le monde de la publicité m’attirait. J’ai tenu 3 ans aux Beaux-Arts avant de laisser tomber pour un B.T.S en communication, afin d’embrasser une carrière de concepteur-rédacteur (on est un peu éloigné du graphisme). Suite à une formation complémentaire d’un an en P.A.O., j’ai rejoint une grosse agence de communication, durant 12 ans, en tant que graphiste puis D.A. Rien de bien époustouflant, donc.
Avec ADX, VULCAIN, VANDEN PLAS, etc., tu as un beau palmarès. Pourrais-tu nous présenter une de tes œuvres et nous expliquer pourquoi tu choisis celle-ci, pourquoi tu en es fier ?
Je botte en touche ! Faire un choix est assez compliqué, chaque illustration ayant son histoire propre. Je ne crois pas être « fier » au sens premier, j’ai l’amour du travail bien fait et je fonctionne plus en tant qu’« artisan » qu’en tant qu’« artiste ». Servir la musique et lui donner un sens supplémentaire par le biais d’un artwork adapté me semble primordial, sans reléguer au second plan la musique. C’est une histoire d’équilibre. Je dirais donc que la véritable satisfaction est le retour positif du groupe pour lequel j’ai travaillé et, bien entendu, je ne néglige pas le fait qu’on parle de moi dans certaines chroniques!
Quelles techniques utilises-tu ? Quelles sont les différentes étapes de la réalisation d’un artwork complet ?
Ayant fait mes armes sur papier avant de bifurquer très tôt vers le graphisme via un logiciel de dessin (Degas-Elite et Neochrome vers 1992-93, sur Atari ST), je mixe un peu tout. Je travaille par esquisse ou dessin abouti sur papier, parfois par collage ou peinture acrylique que je scanne. Je finalise cependant le tout via Photoshop, puis via In Design pour la mise en page des packagings. C’est nécessaire et incontournable de nos jours. Quant aux étapes de réalisation, je fais généralement valider un croquis ou une illustration en noir et blanc avant d’attaquer la réalisation pure et dure. Celle-ci peut consister en une refonte complète de ma première idée ou à une reprise partielle de l’illustration soumise. J’affine en plusieurs étapes, le cas échéant.
Quels types de projets t’intéressent ? Les choisis-tu ou réponds-tu à toutes les demandes ?
Éclectisme est mon second prénom! Je suis potentiellement intéressé par tout style musical. Je n’y vois que des groupes dont la musique me parle…ou pas. J’écoute énormément de Metal mais, ayant une certaine bouteille, je suis toujours accro à la Cold/New Wave anglo-saxonne ainsi qu’au très vieux son underground prog’ 70. Peu de barrières musicales que je ne franchisse.
Comment te viennent les idées ? Les groupes te laissent-ils carte blanche ou préfères-tu avoir, au préalable, quelques orientations, voire une idée précise ?
C’est en fait très varié et il n’existe pas de généralités. Je m’adapte aux désirs des groupes et des labels qui me contactent. Cependant, j’essaie de les conseiller si j’estime qu’ils font fausse route, donnant des conseils dans la mesure du possible tout en respectant au mieux leur idée de départ. Discuter est essentiel et amène parfois à des revirements d’idées.
Pour quels albums travailles-tu actuellement ou quels sont ceux qui sont dans tes projets futurs ?
De nombreux artworks pour Frontiers Records m’occupent pas mal : ALLEN/LANDE, NIGHT RANGER, KISKE/SOMMERVILLE, un nouvel album de Jorn LANDE, le prochain IRON MASK, MANIGANCE, le nouveau double live de KILLERS, une nouvelle compil pour Dooweet (label)… Pas mal de trucs Heavy en ce moment mais j’ai également en cours quelques projets Thrash, Hard Rock, Progressif, Djent… Mon travail ne s’arrête pas aux covers d’albums car je « designe » actuellement une caisse claire et pas mal de modèles de T-shirts dont un pour le Hellfest 2014. C’est varié…et c’est tant mieux !
LORDS OF CHAOS WEBZINE supporte prioritairement la scène émergente et, donc, pas forcément celle qui a le plus de moyens au départ. Beaucoup de groupes hésitent à faire appel directement à un illustrateur pour cette raison. Que leur répondrais-tu ?
Je n’ai pas forcément constaté ceci et je pense que beaucoup de groupes émergeants comprennent la nécessité de mettre en avant leur musique par d’autres moyens que la qualité unique de leur art. Avoir un bel écrin couplé à une communication solide est la base d’une exposition d’album. De nos jours, le nombre de sorties mensuelles de qualité frôle l’indécence et se mettre en avant est de plus en plus compliqué. Avoir un artwork qui claque est déjà un premier pas vers la reconnaissance.
As-tu déjà réalisé des visuels pour d’autres styles de musique, voire pour d’autres objectifs que la musique ?
Ayant travaillé en tant que graphiste puis directeur artistique dans une agence de communication, j’ai donc pu et dû travailler pour de nombreuses enseignes/entreprises. Du côté de la musique, j’ai conçu des visuels et des logos pour des groupes de Rap et d’Electro US, de Pop-Rock, de chanson française, pas mal d’affiches de concerts et de festivals, du merch’ (entre autre pour le Hellfest 2012 et 2014), des modèles de Tattoo… Le Metal dans sa globalité est mon credo mais je suis quelqu’un d’ouvert aux gens et aux genres et si un projet me plait, je fonce.
Tu en as déjà parlé, tu accordes une grande importance au travail de Derek Riggs et tu aimes également travailler autour de l’univers visuel d’IRON MAIDEN…
Derek Riggs est le tout premier artiste dont l’œuvre m’ait fascinée puis inspirée. C’est l’illustration de « Killers » qui a tout déclenché. Son travail représente 100% de mon adolescence, forcément, ça laisse des traces. Je pense d’ailleurs avoir (re)peint toutes les covers de Maiden jusqu’à « No Prayer For The Dying » ainsi que nombre de singles (tous les singles de « Somewhere In Time », de « 7th Son Of A 7th Son » et d’autres). Il faut dire qu’une belle collection de cartes postales d’IRON MAIDEN me suit depuis le début des ‘90 et que celle-ci m’a fortement aidé.
Quelles autres références artistiques (graphiques, musicales, etc) revendiques-tu ?
Je suis un gros fan de Roger Dean (l’illustrateur historique de YES, d’ASIA et graphiste pour le studio de jeu video « Psygnosis – Shadow of the Beast » en tête pour les connaisseurs), de Dave Mac Kean, « plasticien » touche à tout qui a signé le « Shades Of God » de PARADISE LOST mais qui est également à l’origine d’un Comics qui m’a traumatisé « Batman, Arkham Asylum ». Je rajoute le travail de Paul Romano (tout MASTODON). Mike Mignola, créateur du personnage d’Hellboy, m’influence également énormément par son jeu d’ombres et sa filiation avec la poésie sombre de Lovecraft… Du côté du cinéma, on peut chercher chez Del Toro, JP Jeunet, Ridley Scott (Dan O’Bannon/Giger et le mythe « Alien »… forcément).
Arrives-tu à vivre de cette activité ?
Étant dans une période de transition, c’est difficile d’avoir un recul sur le fait d’en vivre ou non. On verra surtout si je suis toujours là dans 10 ans!
Quelle est, actuellement et selon toi, la place du graphisme dans le monde du Metal ? Et de manière générale, dans le monde artistique ?
Le graphisme a toujours été indissociable du rock, d’une manière générale et particulièrement depuis les années ’70. L’attitude provocatrice de cette musique a toujours nécessité un visuel fort, qu’il soit photographique ou illustré. Je prendrais simplement le « Sticky Fingers » des ROLLING STONES comme exemple fondateur pour son visuel crade et rebelle (pour l’époque).
Que ce soit TYPE O NEGATIVE ou CANNIBAL CORPSE, IRON MAIDEN, KISS ou GWAR, associer un graphisme typique à un groupe a toujours eu un résultat positif sur les groupes : les fans se rangent sous une bannière (par les patches, les T-shirts… les logos dessinés sur les trousses), s’amusent à former leur tribu, à se reconnaître, à se détester aussi.
Peux-tu nous parler également du Stan musicien ?
Faire de la musique, c’est mon autre passion. Je joue de plusieurs instruments (clavier, basse, guitare) et chante. J’ai été bassiste dans un groupe de Metal-Prog pendant pas loin de 12 ans et viens de jeter l’éponge. A ceci, on peut rajouter le poste de chanteur/bassiste dans des groupes de Heavy/Thrash, de Hard-Rock Sleaze/Punk. Actuellement, je calme le jeu et me consacre à un groupe de reprises Psyché-Hard ’70 où j’officie en tant que claviériste et bassiste selon les titres.
Il me semble avoir fait un bon tour d’horizon… as-tu quelque chose à ajouter ?
Il s’agira surtout de te remercier pour cette interview, pour ces questions pertinentes !
LORDS OF CHAOS WEBZINE te remercie et encourage chacun à aller de ce pas visiter ta galerie si ce n’est pas déjà fait!
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