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C’est au fond du mythique et incontournable Feelgood de Bastille que je rencontre aujourd’hui Georges Bodossian.
Pour ceux qui ne le savent pas c’est le guitariste et membre fondateur du groupe OCEAN , une de nos fierté nationale, un groupe qui a partagé la scène avec les plus grands, AC/DC, Maiden (…) c’est aussi l’incarnation d’un rêve et un modèle pour beaucoup de groupes.
Une interview que j’ai abordée sans préparation, simplement dans une discussion à bâtons rompus sans face cachée sur 40 ans de carrière !
Océan c’est 40 ans de musique, quel est ton ressenti par rapport à ça ?
En fait c’est assez fou de se retrouver après 40 ans, il y a bien eu des rééditions et des enregistrements mais pas tant de choses que ça.
Ce sont des choses par période. On a tout de même eu une grosse envie de remonter le groupe entre 2000 et 2003 mais notre chanteur est décédé à ce moment là et pour moi c’était hors de question de remonter quoi que ce soit.
Alors mon ressenti aujourd’hui c’est que c’est formidable de se retrouver avec les mêmes mecs et ce nouveau chanteur.
Mais c’est surtout l’étonnement car en y pensant je ne connais pas beaucoup de groupes qui ont sorti un album tant d’années après avec presque la même équipe.
Si l’on compare les conditions d’aujourd’hui et ce que le groupe a connu tu trouves beaucoup de changements ?
Alors sans une grosse maison de disques ça a toujours été compliqué mais je crois qu’ aujourd’hui ça l’est encore plus.
On a très peu de visibilité, les groupes qui n’ont pas une major sont peu exposés et ont beaucoup de mal à faire parler d’eux.
Nous avons toujours eu la chance d’avoir de bonnes maisons de disques, tu avais la possibilité de faire des tournées de 80 dates, de faire des premières parties, des ouvertures…
Tu avais des lieux qui programmaient des groupes, aujourd’hui on loue les endroits, à l’époque les salles qui programmaient des groupes connus en prenaient des moins connus pour leur donner une visibilité.
Aujourd’hui les groupes sont livrés à eux même et ce qui est emmerdant c’est aussi la disparition du support. Quand tu sortais un disque tu avais beaucoup plus de royalties et aujourd’hui tu n’as pas facilement de quoi produire un album avec le précédent.
Est-ce qu’avec ton recul tu n’as pas l’impression qu’avec le désengagement des maisons de disques, plus de groupes n’ont pas d’avantages de chance qu’avant de sortir ? Avant lorsqu’un groupe occupait un segment musical il n’y avait aucune place pour un autre.
Ce que je vois c’est qu’il y a une offre absolument énorme et les gens zappent en permanence et en fait on a pas le temps de se concentrer sur quelque chose.
Avec Le streaming on a toutes les friandises du magasin et tu te gaves d’un seul coup et au bout d’un moment tu as l’impression que tout est uniforme.
C’est dû à notre époque, tu as plein d’informations mais tu n’as rien derrière, on visualise plus l’image que le contenu, c’est surtout ça mon impression.
Si je te renvoies en 1974, tu te souviens que vous étiez un groupe de jeunes qui se faisaient plaisir et qui s’amusaient ou vous aviez déjà l’ambition de devenir un groupe professionnel ?
Au départ on ne savait pas, en tous cas on voulait aller assez loin, on avait 25 ans, on voulait bouffer le monde. C’était les balbutiements du hard-rock.
On était un peu les enfants de Led Zep, de Cream, dans une musique rock, blues et un peu progressive et donc c’était un peu spécial.
On ne faisait que ça du matin au soir jusqu’au moment où on a trouvé une maison de disque.
Cette maison de disques ce n’était pas encore Barclay ?
Non la première c’était Crypto qui était alimenté par le groupe Ange.
Jusqu’en 81 tout semble se passer bien, c’est une impression ou c’est en réalité plus compliqué que lorsqu’on lit une biographie ?
Alors il y a deux périodes avec le premier petit label, on tournait tout le temps.
Quand on allait dans un petit patelin c’était l’événement, les salles étaient pleines.
Je me souviens de la salle culturelle de Dijon par exemple, c’était un événement, tout le monde venait dès qu’il se passait quelque chose, quelques soient les goût musicaux.
Après on a réussi à signer chez Barclay, là ça prend une autre dimension, Barclay prend le groupe en main, on a des services promo, on fait des télévisions, on a tous les médias, les radios. ..
A cette époque ce sont des radios libres, la Fm , on était programmé partout.
A cette époque tu avais Océan, Trust un tout petit peu après, Téléphone.
La grande différence avec eux c’est sûrement que nous n’avons pas fait de gros tubes.
On a vendu beaucoup d’albums, le dernier a du faire dans les 80.000 copies, on avait la notoriété mais nous n’avons pas eu le succès pour aller encore plus loin mais on a fait des choses à des niveaux qu’on ne pourrait plus imaginer.
Aujourd’hui ce niveau est peut-être occupé par des groupes comme Gojira ou Mass Hysteria.
Tu as l’air de sous-entendre qu’Océan est un groupe « intermédiaire » ?
Disons qu’actuellement on est pas dans une situation où le Hellfest ne va pas nous appeler de lui même pour qu’on vienne jouer, il faut quand même aller faire la démarche, on est pas incontournables, Téléphone vend 200 000 places dans la journée, nous on est pas à ce niveau là.
Tu n’as pas l’impression d’être coincé entre deux mondes, entre une époque où tout le monde écoutait plutôt du rock et une époque beaucoup plus éclectique ?
C’est vrai qu’on va devoir faire un gros travail on a attaqué avec 4000 copies comme ça mais on n’a plus 20 ans donc on va devoir travailler vite. Mais bon c’est que du bonus.
Si on se repenche sur l’histoire du groupe, on voit le groupe se scinder en deux fin 81 début 82, quel était le déclencheur ?
Le groupe tournait beaucoup depuis 75/76 et c’était une fatigue générale, nos potes de Téléphone s’en sortaient pas mal mais on commençait à avoir un peu de mal, tout l’argent gagné par le groupe était dépensé sur les tournées, ce n’était plus suffisant donc c’était un premier problème.
On commençait aussi à avoir des questions familiales et c’est aussi une époque où on tournait 2 mois, on faisait un break pendant deux mois.
Pendant ces deux mois de break chacun pouvait faire autre chose, travailler sur d’autres titres ou autre, alors moi à cette époque je travaillais beaucoup en Angleterre comme compositeur pour d’autres artistes ou comme producteur.
Certains on cru dans le groupe que je m’en détachais ce qui n’était pourtant pas le cas.
C’est une situation que notre manager de l’époque n’a pas su non plus gérer.
C’est aussi un moment ou le fond d’artistes de Barclay est racheté et la nouvelle maison de disque qui n’a pas voulu conserver les mêmes conditions et le groupe n’était pas d’accord dans son ensemble . Ça s’est arrêté bêtement un soir où deux ont dit lors d’un dîner « on est pas d’accord on se barre ».
Du coup le 45 tour Spécial Polar/ Super Machine qui est sorti avec deux membres d’origine seulement , c’est un 45 tours d’Océan ou non ?
Bien sûr parce que le soir même après ce dîner de rupture, de divorce, j’ai dit à Noël (Alberola) notre bassiste que j’en avais marre, que j’arrêtais que je ne revendiquerais pas le nom et qu’ils pouvaient continuer.
Après ça ils cherchent un batteur à la place d’Alain qui était parti aussi, c’est d’ailleurs le road qui a pris la place et finalement Farid (Medjane) qui est devenu ensuite le batteur de Trust.
Avec Farid ils ont fait ce single mais ça a duré six mois car ils étaient aussi essoufflés.
Après 82 tout le monde veut du punk ou des groupes comme Indochine et la musique un peu hard devient marginale.
Vers 84 et 85 il y a les débuts de Satan Joker et Sortilège mais il n’y a plus les mêmes attentes du public.
En 86 Robert ( Belmonte , chant) se fâche avec le manager et on choisit de se retrouver en pleine période Rock FM pour sortir un 45 tours avec lequel on fait pas mal de plateaux FM, c’était ridicule, tu montais sur une scène, tu envoyais un play back mais tu avais 2000 personnes à chaque fois qui étaient là.
C’était symbolique mais ça nous a vite gonflé ce genre de trucs et on s’est arrêté.
Après on a fait des choses ensemble de manière très épisodique.
Quand je regarde votre discographie, je vois beaucoup de rééditions et de compilations. C’est un choix du groupes, des maisons de disques ?
Alors ce n’est pas un choix du groupe.
A l’époque je reçoit un coup de fil du label Axe killer, fin 90, et les albums de Océan n’étaient jamais sortis en format CD.
Ils voulaient ressortir « God’s Clown » le premier album mais je trouvais ça curieux car ce n’est pas le plus représentatif mais ils maintenaient qu’il y avait de la demande.
L’opération a néanmoins marché et suite à cela ils ont voulu rééditer le dernier album (Aristo, Rock’n’roll, A force de gueuler…).
Ils nous ont aussi placés sur quelques compilations à ce moment.
Suite à cela il y a un tribute à Trust en projet, un coffret avec des reprises par des groupes français très hétéroclites de Martin Circus à ADX.
On décide de reprendre « Ton dernier acte » qui est un hommage à Bon Scott avec qui nous avions d’ailleurs tourné.
Nous décidons d’y participer avec Robert et c’est là la vraie reprise de contact car c’est la première fois qu’on se retrouve en studio.
C’était donc, pour revenir à ta question, vraiment indépendant de notre volonté, c’était une demande.
Le décès de Robert ne vous laisse pas le choix et vous arrêtez. Il y a bien quelques prestations live, un coffret avec l’intégrale et quelques best-of qui sortent et on arrive à « C’est la fin ». Cela a supposé de retrouver un chanteur, comme cela c’est-il fait ?
Alors l’événement important c’est la sortie du coffret. En 2004 on voulait vraiment remonter le groupe mais sans lui je n’avais vraiment plus aucune envie.
Mais quand on nous a proposé de sortir ce coffret, nous avons eu envie de le faire en hommage à Robert, au groupe à nos fans et on se dit que ce serait bien de faire un événement, que ce n’était quand même pas rien mais nous n’avions pas de chanteur.
Nous avons pensé à faire un concert avec plein de chanteurs invités, j’avais même pensé le faire tout en anglais pour symboliser qu’on ne pouvait pas remplacer Robert et finalement nous avons appelé Phil ‘Em ‘All qui montait son Paris Metal France Festival.
Phil m’a dit qu’il fallait auditionner car les gens voudraient nos chansons.
Nous sommes tombés sur Steph au casting et ça s’est imposé.
On a alors commencé à travailler et finalement pour des raisons indépendantes le festival a été annulé et je me retrouve avec ce groupe (vente de la Loco à Paris, Océan devait se produire sur la 4ème édition, il sera à l’affiche de la 5ème par la suite).
Là je reçois un coup de fil du manager de Louis Bertignac ( alors ex guitariste de Téléphone) qui me dit qu’il a entendu parlé de notre reformation et nous a proposé une date officielle au Bus palladium avec Veryshow.
Ce concert a très bien marché et ça a marqué le vrai retour du groupe.
Alors pour répondre à ta question sur mon ressentiment….
…oui car un chanteur c’est aussi un frontman, c’est l’identité visuelle et vocale d’un groupe, ce n’est pas si simple de prendre les chaussons d’un autre…
Alors oui c’était compliqué car Steph devait reproduire ce que faisait Robert ce qui n’était pas franchement à la porté de tout le monde.
Leurs voix ont les mêmes caractères mais pas les même tessitures ni les mêmes tonalités mais Steph a su donner sa couleur tout en respectant les titres.
C’était pourtant un peu ingrat pour lui de chanter des titres composés 30 ans avant par un autre, c’est un peu comme si on prenait Axl pour chanter disons du Led zeppelin.
« C ‘est la fin » c’est une rupture avec le passé mais que trouve-t-on dedans ? Ce sont des choses entièrement neuves, des choses composées en partie avant ?
Au départ il y a une vingtaine de titres de composition récente et d’autres de composition plus ancienne mais au final nous avons écarté les anciennes et gardé ce qui nous paraît actuel et surtout fait pour Steph.
Ce qui était important c’était de lui donner sa place tout en faisant tout de même un trait d’union avec le passé pour les fans et les nostalgiques .
Le dernier album en date avait tout de même marqué une génération, il ne fallait pas la décevoir mais nous sommes en 2016 et malgré le style nous ne voulions pas jouer sans le son d’aujourd’hui, on ne voulait pas refaire du 1980.
Je t’avoue que cet album a un son effectivement actuel ce qui est surprenant car on a beaucoup de groupes qui reviennent et ne veulent justement pas du tout changer. Ce qui est surprenant à l’écoute c’est qu’il y a une justesse de composition , de jeu, sur scène aussi d’ailleurs, de toute évidence vous n’avez- pas arrêté de jouer pendant ces années Off pour Océan ?
Et bien bonne question, moi je n’ai jamais arrêté de jouer pendant 40 ans, c’est mon métier, j’ai joué pour d’autres, j’ai été guitariste pour d’autres, j’ai produit beaucoup d’albums, j’ai eu mon studio d’enregistrement.
A la grande période NTM j’ai un peu bossé avec eux, j’ai fait des musiques de films, je suis parti en tournée avec Jeanne Mas par exemple, j’ai aussi bossé aux Etats Unis, c’était mon métier de musicien.
Notre batteur est parti avec H.F. Thiefaine puis avec Bertignac et Soan plus récemment donc tu vois on est resté actifs.
Il n’y a que Noel qui avait un autre parcours professionnel mais il n’a jamais laissé la basse pour autant.
Bref on a toujours été dedans.
On peut donc vraiment considérer que « C’est la fin » est un plaisir et nullement une fin musicale en soi ?
Non non, ce n’est absolument pas une finalité en soi, c’est juste une fin d’époque pour moi.
Mais il faut être réaliste, c’est surtout l’occasion de s’amuser encore un peu parce que le plus gros est derrière nous, partir en tournée avec AC/DC ou Maiden je le souhaite à tous les petits groupes du monde mais on ne le refera plus.
Ça veut dire qu’il y a une frustration quelque part aujourd’hui ?
Non ma seule frustration, enfin mon seul mécontentement c’est que le support a disparu et que les opérateurs et les maisons de disques s’enrichissent alors que ça ne rapporte quasiment plus aux musiciens.
Tout ce que je vois aujourd’hui ce sont des petits groupes faire des bars et plein de petits endroits et vendre les CD au cul du camion, moi je n’ai pas connu ça, une distribution c’était d’office 25000 albums….
Tu as commencé à avoir des retours sur l’album ?
Alors oui c’est très positif mais ce n’est pas révélateur car ce sont beaucoup des fans ou des amis.
Néanmoins on a été numéro un des ventes sur Amazon et nous avons été très bien classés dans Rock Hard donc c’est quand même agréable.
Je pense que pas mal de gens l’attendaient, évidemment ce n’est pas du métal extrême mais il y a un public pour ce qu’on fait.
D’ailleurs je suis surpris quand même de voir que certains chroniqueurs qui écoutent de l’extrême ont bien dit que ce n’était pas leur musique et qu’ils étaient tout de même surpris de la qualité générale de l’album et ça ça fait plaisir d’autant plus.
Tu savais où vous alliez avec cet album ? En termes de compositions et de résultat mais aussi en termes de stratégie de promo, de distribution ?
Alors musicalement je voulais bien que ce soit du Océan en 2016 donc j’avais une idée précise oui et ça a pris du temps. En tous cas je savais ce que je ne voulais pas.
Je pense qu’on a pas pris de risques , si on en prend ce sera sur le prochain album qui devrait arriver assez vite car on a de la matière.
Coté entourage pour les six mois qui viennent on sait où on va, on est toujours chez Axe Killer, les résultats de la promo de leur coté sont bons, il y a des dates qui tombent à partir de septembre notamment une grosse date parisienne, il y a un tournage de clip qui se prépare donc on ne manque pas d’objectifs..
On prévoit aussi d’aller faire un tour en Belgique…
En tous cas on se donne les moyens de toucher des médias nationaux , c’est ce qui joue sur la possibilité de sortir des albums. Si par chance tu as un titre qui tourne ça peut accélérer les choses sinon tu dois tourner encore et encore pour te faire un nom, c’est pour tout le monde pareil.
Nous on a plus le temps alors on se donne le maximum de moyens mais tout cela ça reste au niveau du plaisir, c’est le plus important.
On va terminer cette interview sur une note positive, quel est ton meilleur souvenir sur ce nouvel album ?
Par rapport à ça c’est quand on s’est retrouvé en studio, là ce ne sont pas les mots, ça ne suffit plus c’est le truc dans le regard où on se dit oui là on est en train de bander !
Je connais Océan et, plus particulièrement Georges, depuis leurs débuts et j’ai toujours aimé ce groupe, sa musique, le talent et la bonne osmose qui unit toujours les divers éléments. Ils ne sont pas sans me rappeler Magma, groupe mythique s’il en est, où les musiciens passent mais le groupe demeure autour de son créateur Christian Vander. C’est pareil pour Océan autour de Georges, leader charismatique même s’il refuse cette position. Le « pape de la Lespaul » comme je l’appelle parfois, est incontournable et, sans lui, Océan ne serait pas revenu au premier plan comme ils sont en train de le faire. Bonne et longue route à ce groupe renaissant qui tient une place importante dans mes fibres musicales !