Parce que la scène metal n’est pas constituée que des groupes et leurs membres, et que son univers va bien plus loin que la simple musique, je me suis lancée le défi de vous faire découvrir les acteurs qui gravitent tout autour. Aujourd’hui, je vous propose un échange avec Emilie Garcin, photographe depuis 2010 qui aime prendre des photos live mais pas seulement…
Bonjour Emilie, merci de m’accorder du temps, pour commencer peux tu te présenter personnellement et rapidement ton parcours pour les gens qui ne te connaissent pas ?
Bonjour, je suis Emilie, je vais sur mes 29 ans et je suis photographe professionnelle. Si je dis « professionnelle » ce n’est pas pour me vanter ou autre c’est juste parce que je suis déclarée et je fais de la photo depuis 2010, je me suis mise à mon compte en 2015. J’ai commencé la photo par la photo de concert et ça a été un pilier assez important dans mon parcours.
C’est un pilier important mais ce n’est qu’une partie de ton travail, car tu fais également de la photo de mariages, d’événements,…
J’ai en effet commencé par la photo de concert et par un heureux hasard, je n’avais pas prévu d’en faire mais 1 mois à peine après avoir eu mon premier appareil photo, le fan club d’Epica dont je faisais partie à l’époque m’a demandé si je pouvais faire des photos de leurs concerts à Strasbourg et à Lyon. J’ai accepté et c’est comme ça que tout a commencé. Ensuite, souvent parce qu’on me le demandait, j’ai commencé à faire de la photo plus événementielle, aujourd’hui je fais en effet de la photo de mariage, j’ai aussi pas mal de projets personnels, des portraits, je travaille aussi pour des entreprises mais ce qui me touche le plus c’est l’événementiel, l’Humain, raconter des choses à travers mes photos, ma passion, les façons dont je vois les choses.
D’ailleurs sur ton site internet, dans ta bio tu dis « Je ne photographie pas ce que je vois mais ce que je ressens »
Oui, c’est exactement ça, ça va mieux maintenant mais avant j’étais très timide, et la photo m’a vraiment aidée à m’extérioriser. La musique et plus précisemment le metal c’est ma passion, j’adore ça et c’est vrai que ça m’a permis de pouvoir le montrer, montrer la façon dont la musique me touchait, que ce soit par rapport au cadrage, au traitement etc… Tous les photographes ont un style différent qui nous définit. Et en dehors des concerts c’est pareil, je suis sur un registre plutôt romantico-mélancolique parce que c’est ce qui me touche et je considère que quand les gens aiment mes photos, ils aiment ma façon de voir les choses.
Est-ce que tu abordes de différente manière les différents types de photo que tu prends?
Si je prends le concert par exemple, je suis assez habituée à en faire donc il y a moins de préparation. Pour un mariage, par contre, c’est beaucoup plus de travail. Il y a plusieurs rendez-vous avant le jour J, une séance photo, etc c’est beaucoup d’organisation. Les conditions sont toujours différentes en fonction du lieu, du monde etc. Le concert, me demande moins de travail au niveau des réglages, c’est plus « facile ». Je photographie aussi de plus en plus de groupes que je connais maintenant professionnellement ou personnellement alors je sais quel genre de photos ils aiment, je sais que certaines personnes, ne s’aiment pas sous certains angles etc alors j’essaye de faire des photos qui vont leur plaire.
Tu parles de ces artistes que tu connais maintenant au delà de l’univers professionnel, est-ce que faire de la photo a changé ton rapport à la musique? Est-ce que ça a fait évoluer tes goûts par exemple?
Avant de faire de la photo, j’achetais mon ticket, j’allais au concert et j’étais super contente. Aujourd’hui j’ai du mal à profiter d’un concert sans prendre de photos, je suis devenue complètement accro ! Mais en ce moment, j’ai aussi parfois envie de profiter de la musique sans forcément être derrière mon appareil. Mais la photo m’a vraiment emmenée loin dans le sens où je me suis rapprochée de certains artistes, ce qui n’aurait pas forcément été possible si je n’avais pas fait de photo. Même si je ne fais pas de la photo pour ça bien sûr!
Dans ton métier, et plus particulièrement dans la branche des concerts, qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi?
J’ai rencontré 2 difficultés principales. La 1ère c’est que je ne fais pas forcément mon âge et je poste très rarement des photos de moi sur les réseaux sociaux par exemple, et il est arrivé parfois que les gens connaissent mon nom mais ne me reconnaissent pas quand on se rencontre et de fait, il arrive, que je ne sois pas prise au sérieux. Par exemple, sur un gros concert, avec d’autres photographes que je ne connaissais pas, ils m’ont pris de haut, ne m’ont pas dit bonjour etc et j’ai su ensuite qu’ils ne comprenaient pas ce qu’une « gamine » faisait dans le pit pour prendre ses photos. Le fait de paraître jeune a vraiment pu poser problème, c’est pour ça que maintenant j’essaie de préciser mon âge.
La 2ème chose, certains gros promoteurs américains, n’accordent pas vraiment d’importance et de respect au travail des photographes en remettant parfois la faute sur l’artiste alors qu’il n’a rien demandé. D’autres problèmes peuvent se poser aussi quand on a pas d’accès au pit photos ou encore quand on essaye de nous virer de la salle après les 3 premiers morceaux même en étant sur la guest list. Tout ça ne facilite pas le travail et on est parfois ammenés à se dire « mais à quoi bon continuer? »
Au contraire, quelle est ta plus belle victoire dans ton travail artistique?
Par rapport au concert, c’est sans doute de travailler avec des groupes dont j’apprécie la musique. C’est même pas un rêve, mais ça fait tellement plaisir d’avoir la reconnaissance d’artistes qui m’ont fait rêver quand j’avais 18 ans. Je pense notamment à EPICA, c’est grâce à eux que je suis tombée amoureuse du metal. Ma plus belle victoire d’une manière générale c’est quand les groupes apprécient ce que je fais, même ceux que je ne connais pas forcément.
Est-ce que tu as des photographes que tu suis, qui t’inspirent,…?
Beaucoup des photographes que je connais sont des amis, il y a une petite communauté à Lyon c’est vraiment très sympa. Il y a quelques noms qui me viennent, Anthéa (Son site) , je m’entends aussi très bien avec Eric Bagnaro (Ozirith), toujours sur Lyon (Sa page Facebook) . Mais je suis aussi beaucoup de photographes qui ne font pas forcément de la photo de concert comme par exemple Sébastien Roignant qui fait beaucoup de photos de mariages et de portraits (Son site) , et bien sûr Jessica Evrard (Son site) . Toutes ces influences m’ont beaucoup aidée à évoluer.
Une question un peu plus pointue au cas où des spécialistes nous liraient, quel matériel tu utilises?
J’ai un Nikon D800-E et un Nikon D850, les 2 sont très différents au niveau du rendu mais en concert j’utilise principalement le D850. J’ai 3 objectifs différents: 14/24, 24/70, 70/200. Pour les mariages, je suis sur une focale fixe, j’ai un 35mm, un 50mm et un 135mm. J’apprécie de plus en plus la focale fixe, j’essaye de l’utiliser en concert mais c’est assez difficile. D’une manière générale j’utilise des objectifs très lumineux.
Tu as probablement suivi, il y a quelques mois le « scandale » des photos « volées » de ARCH ENEMY. Qu’en penses tu? As-tu déjà été confrontée à ce genre de problème?
Je pense que ça ne partait vraiment pas d’une mauvaise intention mais surtout de beaucoup d’ignorance. Les gens pensent que du moment où ils apparaissent sur une photo, la photo leur appartient mais c’est exactement comme en musique, ce n’est pas parce que j’achète un CD que la musique m’appartient. Le groupe a peut être réagi de manière un peu excessive, ça a pris des proportions énormes. D’un autre côté, ce n’est pas parce qu’on prend quelqu’un en photo, que l’on peut faire ce que l’on veut de cette image. De mon coté, je n’ai jamais eu de mauvaises expériences en photo de concert, même s’il est déjà arrivé que des fans me prennent des photos, enlèvent le watermark et là par contre je ne laisse pas passer. La plus mauvaise expérience, ce n’était pas en photo de concert mais un photographe utilisait une de mes photos de mariage sur son compte Instagram. Mais là c’est beaucoup plus grave parce qu’on parle de l’image de particuliers avec qui j’ai signé un contrat etc. Heureusement, après ma demande, il a retiré cette photo mais cela aurait pu aller beaucoup plus loin.
On a parlé de tes influences parmi les photographes, quelles sont maintenant tes influences musicales? Est-ce que le fait de travailler avec certains d’entre eux t’as fait changer de regard sur leur travail?
Ma chanteuse préférée est Marcela Bovio, elle est dans un registre mélancolique qui me touche beaucoup. J’ai eu l’occasion de prendre les photos promo de son dernier album.
J’ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup d’artistes, via la photo mais également parce que je suis bénévole pour une orga de concert. Les artistes sont comme nous, ils n’ont pas toujours envie de parler, ils peuvent être fatigués et surtout ils n’ont pas forcément envie de faire la connaissance de centaines de gens qu’ils croisent sur la route. Mais de manière générale, ça s’est toujours bien passé, je n’ai pas vraiment eu de mauvaises expériences ou de mauvais souvenirs.
Et est-ce qu’il y en a un ou une qui t’a vraiment impressionnée par son charisme ou son aura?
Il y a toujours une forme de stress, notamment dans le cadre des photos promo, on se retrouve face à une personne qu’on a vu sur scène et là un nouveau rapport s’instaure. Ce qui m’a le plus impressionnée c’est que bien sûr tous ces artistes avaient l’habitude, savaient poser et étaient très à l’aise. C’est différent d’avec des mariés par exemple.
Aujourd’hui qu’est-ce que la photo pour toi?
Ça reste une passion avant tout. Le jour où la photo ne sera plus ma passion je n’en ferai plus mon travail. Je suis heureuse de pouvoir vivre de quelque chose qui m’a vraiment fait vibrer autant au début que maintenant. Je suis quelqu’un qui s’ennuie très vite mais heureusement, la photo me permet de pouvoir toujours me renouveler.
Quels conseils tu donnerais à un jeune photographe qui veut se lancer dans la photographie professionnelle?
Il faut y croire, c’est très naïf mais vrai. Quand je me suis lancée, j’ai entendu de partout que c’était très difficile d’en vivre, je ne dis pas que je gagne des millions mais je m’y retrouve aujourd’hui et pour en arriver là, je n’ai jamais lâché. Des choses se sont parfois mal passées, mais c’est de l’expérience avant tout et cela ne doit pas empêcher d’avancer. Il faut aussi se réjouir pour les autres et ne pas laisser s’instaurer un climat de concurrence.
Je n’ai plus de questions Emilie, je te laisse le mot de la fin…
Merci pour cette interview, les photographes n’ont pas souvent la possibilité de pouvoir s’exprimer sur ce qu’ils font et ça a été assez intéressant pour moi d’en parler.
Pour suivre Emilie: Son site internet / Ses photos de concert / Sa page Facebook