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Rudesse du béton, audace de l’architecture, le tout sur fond de ciel bleu après tant de jours de pluie, nous sommes bien devant les portes du Metronum, à Toulouse, attendant que lesdites portes s’ouvrent à l’heure prévue. Quand 19h00 arrive, nul besoin d’invoquer Sésame, et la file ayant pris consistance disparaît peu à peu dans le patio à ciel ouvert, avant de s’engouffrer dans la salle préparée pour les hostilités.
La déco est déjà posée, et ce sera cette fois-ci aux norvégiens de Triosphere de verser le premier sang. Du heavy speed mélodique, avec quelques touches de prog, voilà ce que le quatuor va nous proposer ce soir. Trois atouts non négligeables vont rehausser l’intérêt de cette première partie : la personnalité de Ida Haukland, chanteuse et bassiste du groupe, forte d’un grand potentiel. Elle envoie du bois
malgré sa petite taille et cet immense instrument à cinq cordes qu’elle maîtrise à la perfection. Sa voix forte et mélodique sait s’imposer et la dame a l’élégance de se mettre en retrait quand il est temps de lancer la place au second argument de Triosphere : sa paire de guitaristes habile aussi bien en rythmique qu’en soli. L’équilibre est parfait : un blond à droite, un brun sur la gauche, et tous deux aussi doués l’un que l’autre, plaquant de belles mélodies sur leurs six cordes ! La cerise sur le gâteau, c’est la force de frappe du batteur, Ørjan Aare Jørgensen, sacrément doué pour imposer une rythmique d’enfer. Les titres du troisième et dernier album en date, The Heart of the Matter, son bien évidemment mis en avant, avec les efficaces Breathless et As I Call, mais d’autres titres, plus complexes dans leurs structures et un peu plus difficiles d’accès, sont efficacement défendus. Il faut dire que le public, même s’il écoute tout cela très sagement, ponctue chaque titre d’une belle et chaleureuse ovation. Beaucoup découvrent ce soir le sympathique quatuor, et certains prennent note, se promettant de fouiller plus avant la discographie de ce groupe, aventure à laquelle invite d’ailleurs la tempétueuse Ida à la fin du set, indiquant où se trouve leur espace merchandising en priant tous ceux qui avaient aimé le set à le prouver séance tenante.
Première pause afin d’installer la machine de guerre des canadiens de Striker. Les roadies s’affairent, ça bouge dans tous les sens avec fébrilité et dans une visible bonne humeur. J’avoue (avec une certaine honte désormais tant le groupe m’a séduit) ne pas savoir ce qui m’attend. Du heavy de chez heavy, à l’ancienne, dit-on ici ou là, un metal forgé dans l’acier des années 80, avec tout ce qu’il faut de sueur, de fureur, de patchs sur les vestes et de jeans en piteux état. Et ils arrivent les doux bûcherons, la barbe mal taillée, le cheveu lisse ou frisé, ou carrément boule à zéro. Le fil du micro claque tel un fouet, les ziquos s’emparent de leurs espaces comme s’ils étaient leurs depuis des lustres et qu’ils étaient prêts à les défendre jusqu’à la mort si nécessaire. La batterie envoie sévère, les riffs taillent dans le vif, la voix vrille les tympans et les poses iconiques se succèdent, au rythme de tubes imparables (Locked In,
Former Glory, Fight for your Life, Born to Lose…). Les guitares se répondent, jouent l’une avec l’autre, et on pense à Maiden et Judas pour les influences les plus anciennes, à Enforcer pour s’ancrer dans le présent. La voix de Dan Cleary, leader à l’aisance évidente, fait penser à Dickinson sur les notes les plus hautes, alliant justesse et puissance.
En neuf titres, le groupe s’impose comme ce qui sera la grosse surprise du concert. Ce qui lui manque en finesse, le groupe sait largement le compenser par une pêche d’enfer bousculant tout sur son passage, à l’image d’Adam Brown qui martèle ses fûts tout en affichant un sourire indéfectible faisant plaisir à voir. L’entrain est communicatif, et la salle se prend à bouger enfin et lever les poings avec force et envie. Nous sommes sacrément éloignés de la musique proposée par la tête d’affiche et peu des personnes présentes ce soir maîtrisaient la discographie pourtant déjà fournie du combo (5 albums quand même !), mais cela n’a pas empêché les musiciens de faire entonner le refrain de leur dernier titre par la salle entière : « Fight for your life, fight for your freeeeeeedom » ! Simple, bien sûr, mais diablement efficace ! Le parfum du bon heavy d’antan est perceptible – ça commence d’ailleurs à fortement sentir la sueur ! -, et ce déluge de riffs et d’hymnes a su procurer un évident plaisir coupable. Échanger avec le guitariste Timothy Brown au moment de l’achat de quelques uns des albums du groupe fut d’ailleurs un moment fort plaisant (il avait commencé à bien boire sur scène le lascar !).
Il faut du temps pour préparer la scène de Sonata Arctica. La salle est bien remplie mais n’a pas atteint sa capacité maximale. Alors tout ce petit monde en profite pour échanger et parler des surprises que représentaient pour beaucoup les premières parties. Pendant ce temps, le mur du fond prend les couleurs du dernier album, The Ninth Hour. Le set de batterie est curieusement placé dans un espace surélevé de la salle, sur le coin gauche. Alors si vous pensez ici que l’instrument sera relégué au second rang, vous vous trompez carrément ! Pareil si vous aviez trouvé que sur le dernier album la basse avait été trop mise en avant, et que le tir allait être corrigé ce soir. Elle sera plus présente que jamais, massive, dominatrice, et nettement trop forte en gueule !!! La rythmique va vite s’avérer l’un des gros défauts du set présenté ce soir. Basse et batterie dominent le tout en un fracas vite assourdissant, beaucoup trop mis en avant et laissant un espace plus restreint à la guitare heureusement bien tenue par ce vieux briscard d’Elias Viljanen, hélas un poil trop discret, à la différence du dernier arrivé dans le gang finlandais, le bassiste Pasi Kauppinen. Heureusement, Tony Kakko ne sait pas donner de la voix que sur album, et il se montrera d’une grande justesse ce soir, même s’il ne parviendra jamais à insuffler cette magie qui traverse nombre des compos du groupe sur album. Trop rigide, mécanique. Nous aurons bien droit à quelques frissons durant The Wolves Die Young, Tallulah, The Power of One (impérial, comme ce titre l’exige !), et Life, tiré du dernier album, recevra un bien bel accueil, mais c’est en entendant le succès rencontré par Fullmoon que l’on se dit que les titres speed du début de la carrière des
finlandais manquent cruellement aux attentes de cette foule venue soutenir le groupe ce soir. Où sont donc passés Replica, My Land, Wolf & Raven, San Sebastian ? Il est évidemment difficile de contenter tout le monde, car chacun possède son titre qui lui est cher et il est vrai que la discographie du groupe est riche et variée. Mais comment réussir à capter l’intérêt du public en débutant avec le fadasse Closer to an Animal (la véritable surprise eut été de jouer la version acoustique du morceau, tiens) ? Pourquoi imposer le bavard et inutile I Have a Right en rappel, morceau qui laisse visiblement de marbre (malgré quelques poings machinalement levés) et fait tourner le dos à nombre de fans de la première heure ? Abandoned, Pleased, Brainwashed, Exploited ressuscite un peu le speed mélodique des débuts, mais le son éreintant de la rythmique (même si la batterie se doit de s’imposer sur un tel morceau, ok) noie tout le potentiel de ce titre. Le set se terminera avec un peu plus de spontanéité (mais il est trop tard !),
quand Timo enfin bavard annonce un Don’t say a « motherfucker » word ! Le show fut très professionnel, mais ce qu’il a gagné en mécanique bien huilée, il l’a perdu en magie. Même la superbe Tallulah, interprétée de façon intimiste, à deux pas du public, l’espace réduit par un savant jeu de lumière, a perdu de son pouvoir de séduction. Et que dire de la mine déconfite du claviériste Henrik Klingenberg, paraissant la plupart du temps s’ennuyer ferme malgré l’appui de sa fidèle Roland AX-Synth (on aurait dit Droopy sous Temesta).
Je me prends à essayer d’imaginer ce qu’un titre osé comme Deathaura aurait pu apporter, ou l’ambitieux White Pearl, Black Oceans, ou bien tout simplement un morceau plus rentre dedans comme Wildfire… Shamandalie au lieu de Tallulah eut été aussi une bonne idée, apportant de la mélodie et de l’émotion sans pour autant casser le rythme. Voir la foule bouger, prendre son pied, sauter, cela aurait dû être mais ne se pouvait logiquement pas avec une set-list pareille. The Ninth Hour reste un bon album, qu’il convenait de défendre en live, mais il est tombé à un moment difficile de la carrière du groupe, enfanté dans la douleur, et il n’aura pas offert au public la tournée que tous nous attendions. Nous pardonnons volontiers à Timo de nous avoir chaudement remerciés d’avoir été présents ce soir, donnant ainsi la vie aux tournées et aux live, alors qu’il avait semble t-il oublié que la magie devait aussi venir… de lui. Il faudra la prochaine fois venir avec autre chose dans sa besace,
quelque chose de plus consistant, avec surtout un esprit speed enfin retrouvé !