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Note : 9/10
« Pendant toute une année, j’ai cru que j’avais une mononucléose, en fait je me suis aperçu que c’était de l’ennui profond ». Et puis ZAANG est arrivé.
Inutile de vous le cacher, j’attendais cet album avec grande impatience. Inutile de vous le cacher, j’ai un grand respect pour ces mecs. Inutile de vous le cacher, le groupe que je chronique ici sont des copains. Ce n’est pas le fruit du hasard si je suis ZAANG (non, ce n’est pas moi ZAANG, c’est eux. Moi, je ne suis que de passage…) depuis quelques temps maintenant. Non seulement ces gars sont droits dans leur musique mais en plus, et ce qui n’est pas toujours aussi fréquent qu’on veut bien le penser, ils sont droits dans leurs bottes dans les relations qu’ils entretiennent avec les gens qu’ils croisent. Alors, oui, ces mecs sont des potes, ça se trouve assez facilement sur le net et pour les grognons qui crieraient au scandale et au nom d’une objectivité bafouée, faîtes-vous plaisir, enlevez un demi point à la note globale si ça vous chante, on sera assez certain d’approcher la note objective… si tant est qu’il faille compter un demi point par complaisance amicale. Ca, je n’en suis pas sûr mais au moins vous irez casser les pieds à d’autres! Rassurez-vous, chroniquer des copains n’a rien d’évident mais suivre l’évolution d’un groupe permet également d’avoir une idée du point de vue à développer.
« Résumé des épisodes précédents ».
2007 ; Nord-Pas-De-Calais ; EP « Characters » (2011) ; 5 puis 6 musiciens issus de la scène locale (SERENITY AT DUSK, AWESOME, MONSTERS) ; et patronyme repris d’un film culte pour toute une génération d’ados qui ont un jour chanté du QUEEN dans leur Flat Uno. Voilà, tout est là, on ne pourra pas dire que j’ai fait la feignasse !
Première entrée : l’artwork (créé par Maxime Décarsin et Wendy) qui, rappelant quelques idées de visuels comme le « Headquake » de ELDRITCH ou bien « Once In A Livetime » de DREAM THEATER, est fort évocateur du contenu qu’il cache. Beau travail graphique (avec cependant quelques finitions plastiques dysharmoniques à mon goût) aux vertus prémonitoires, mettant en scène un visage concentré se perdant dans un enchevêtrement de chemins à emprunter. On aurait aussi pu imaginer un râtelier à flingues mais… « Un râtelier ?! À flingues ?! Mais j’ai pas la queue d’un flingue, si j’en avais disons une dizaine, j’aurais peut être un besoin quelconque de c’tas d’ merde ! Qu’est ce que j’vais foutre, d’un râtelier à flingue ?! ». Ok, restons sur les escaliers alors. Sept pour être précis, comme les sept morceaux que composent « Perdition ». Arpentons donc ces marches et voyons où elles sont susceptibles de nous mener.
Metal alternatif et progressif, telle est l’étiquette collée sur la package. A peine les premières marches gravies, on est frappé par un gros son, quelque chose de très caractéristique des productions modernes, laissant une place d’honneur aux rythmes saccadés, marqués par le jeu de double pédale. La basse de Niko Frizz, bien présente et claquante, appuie le groove et la dynamique des morceaux.
Au départ, j’avoue avoir pris un peu peur avec cette production (Hé, c’est que je suis un pur produit old-school, messieurs dames) mais le groupe a suffisamment de personnalité pour ne pas être tombé dans le piège qui va de paire (celui notamment d’avoir le même gros son que tout le monde).
C’est une musique massive, modelée par Simone MULARONI (DGM, EMPYRIOS, entre autres), qui se dégage du premier tour d’horizon. La batterie de Stéph tape brutalement pour appuyer les riffs lourds et insidieux de Mike et Fred. Cependant, tout est réglé avec finesse et les structures évolutives et mouvantes au fil des titres ont tôt fait de nous dévoiler bon nombre de trésors.
Juste derrière ce premier escalier, il y a une échelle bien droite, solide comme un pilier…
… C’est la voix de Jay qu’on y trouve. Et cette voix-là, croyez-moi, elle a fait du chemin. Avec corps et tenue, je lui trouve une réelle valeur. Tantôt saturée et frappant de plein fouet, tantôt posée et dans un registre Rock alternatif, parfois « rapée », elle contribue à donner cette couleur actuelle et variée à la musique du groupe. Si l’intéressé m’a déjà maintes fois exprimé son admiration pour des groupes comme ARK, ALICE IN CHAINS, TESLA, SKID ROW ou encore FAITH NO MORE, c’est notamment le chant brutal, voire fusion, que ZAANG l’a amené à travailler davantage. Cela dit, on aurait tendance, sur certains passages s’y prêtant, à avoir envie de l’entendre partir sur des terrains un peu plus lyriques (je vois bien un truc à la « Land Of Sunshine » de FAITH NO MORE par exemple ou plus si affinités). Ceci permettrait d’élever encore la musique et ouvrir toujours plus le propos.
Jay adapte son chant au fil des atmosphères et, sur des titres comme «Je suis le Roi » ou « Dégage » (« – Dis donc, t’as parlé ou t’as pété ? T’es complètement gol ! J’me casse d’ici Casimir !
– Va-t’en alors !
– J’me casse !
– Casse-toi !
– J’suis parti !
– Tchao !
– J’suis plus là !
– Casse-toi !
J’suis ailleurs »…), il va donner toute son expressivité (son théâtralisme, oserais-je dire?) à la musique, comme si cette dernière suivait le plan émotionnel tracé par le texte.
Les textes tiens, parlons-en. Trempés dans les tripes et quasi-exclusivement écrits en français (excepté l’espagnol traînant sur « Perdition » – la chanson), ils nous plongent dans une vision torturée mais bien contemporaine de notre espèce. Et pour les allergiques au chant français, croyez-moi, ça passe nickel !
On aborde a priori une musique très actuelle, du moins dans l’approche sonore car, par cette petite porte dérobée dans un recoin sombre de l’esprit, on arrive sur un second escalier bifurquant violemment vers la droite.
Il aurait été extrêmement réducteur de s’arrêter si vite en chemin car, en farfouillant ci et là, ZAANG sonne comme le cheminement de metalleux ayant construit leur culture au grès des époques. Derrière le son moderne se cache un véritable melting pot de racines old-school. Comment ne pas penser, en effet, à l’enseignement du Death Metal ou encore du Thrash derrière ce jeu de guitare en allers-retours présents sur des titres comme « Machine » ou « Perdition », ou encore à l’écoute de ces bons gros blasts sur « Je Suis Le Roi », par exemple. « Madoff » également nous balance, après une longue intro, un riff que Mustaine aurait pu écrire pour les premiers albums de son monstre MEGADETH. De même, le travail du riff sur « Dégage »
(« – J’me casse !
– Casse-toi !
– J’suis parti !
– Tchao ! » … ouais c’est bon là !) se rapproche de la Bay Area (avec les cris plus aigus, bon point à conserver, je dirais même presque SLAYER). De manière moins traditionnaliste, c’est aussi l’enseignement de groupes comme NEVERMORE que l’on peut percevoir.
Dans les années 90 à 2000, une flopée de noms tels que PAIN OF SALVATION, THRESHOLD, ELDRITCH déjà cité, et bien d’autres ont su enrichir les rangs du Metal Progressif. On retrouve également de cet héritage là, pas dans le dédale de partitions interminables et indomptables, non, mais dans la manière d’aborder les plans véloces de guitare, de distribuer du riff plombé à la manière de SUPERIOR, de faire évoluer ces cassures de rythme ou de marier les guitares au clavier. « Tombe de Haut » en est un beau témoignage. Les synthés de RV, très discrets jusque là, se dévoilent enfin à leur juste valeur et accompagnent un slap de basse sur un très beau passage atmosphérique rappelant quelques mesures du « Lifting Shadow Off A Dream » de DREAM THEATER.
Et au fil de l’album, à entendre ce son doté d’une basse toujours présente et bien définie, j’ai même envie de citer CRIMSON GLORY et son album « Astronomica ».
Nous voici à l’étage des réclamations. Si cet album est un bel accomplissement, je reste avec le sentiment que le groupe garde encore beaucoup de surprises pour la suite. En effet, il y a de purs passages de folie instrumentale sur cet album : verbiages guitaristiques tout en maestria à la Vai ou Mattias Eklundh, claviers nappant les atmosphères voire prenant les devants au cours d’interludes déjà cités ou, mieux, de l’introduction très électro de « Je Suis Le Roi ». Cependant, ils restent assez brefs alors qu’on en voudrait encore et encore et encore et encore et encore… (non, mais vous ne pouvez pas comprendre, vous n’avez qu’à acheter l’album!).
Il m’est avis que le groupe gagnerait encore à développer cette facette de sa musique, quitte à rallonger légèrement les chansons pour étaler les parties atmosphériques ou mélodiques.
Ce qui est génial, c’est qu’il n’y a rien à regretter sur ce disque, tout ce que je viens de dire là n’est qu’idées pour la suite…. Hé, on ne s’envole pas vers les cieux si facilement. D’ailleurs, c’est bien connu, « si les crapauds avaient des ailes, ils se cogneraient pas les couilles quand ils sautent. »
Il reste une dernière ascension et celle-ci, je l’ai gardée pour la fin. Juste un petit plaisir solitaire. Mené par les doigts de Mike montant et descendant les cordes dans une inspiration presque néoclassique et soutenu par des nappes de clavier faisant le contre-point, il existe dans ce disque, au beau milieu de la quatrième piste, un ultime instant de bravoure instrumentale qui mérite à lui-seul ces quelques lignes. Voilà ce que je disais plus haut, ZAANG a un véritable potentiel harmonique et celui-ci on aurait souhaité le voir se dérouler encore et encore et encore et encore…
Maintenant, il est temps de se diriger vers la sortie…
« « Perdition » c’est plus qu’un disque, c’est un état d’esprit ! »
ZAANG a pris le temps de digérer ses compositions pour sortir un album mature, inventif, peut-être court pour certain mais complexe et très bien fourni. S’il n’y a pas de titre faible, il est également difficile d’en extraire un préféré de par la qualité étalée sur toute la durée du disque…. quoique « Je Suis le Roi »… ou « Tombe de Haut »… peut-être « Dégage »… j’adore aussi « Madoff »… et « Dans l’Obscurité »… ou « Machine » ?. .. Non, « Perdition » ?…. Oh merde !
« A côté de vous AC/DC c’est de la Pipo et Molo font du ski, bonne nuit les petits, un supo et au lit ! Nan, avec un p’tit coup de pouce, vous allez casser la baraque, hein ! »
ZAANG nous a sorti une perle à laquelle je donne RDV en décembre… au moment des tops albums de l’année 2015. Il sera certainement là…. en tout cas pas trop loin du dernier GHOST parce que, hé, je suis Bernard-Henri Leviathan quand même !
Megateuf, ZAANG !
3 commentaires sur “[Chronique] ZAANG – Perdition”