[Chronique] TEMPLE OF BAAL – Mysterium

Herbert Al West - Réanimateur Recalé
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Reverbnation

Note : 09/10

Par le feu d’Assurbanipal ! Comme s’écrierait Robert Howard, créateur de Conan et adorateur des mythes anciens façon bigger than life !

Je me remets avec peine de l’écoute du cinquième album des parisiens de Temple of Baal ! C’est bien simple, j’ai l’impression d’avoir été passé à tabac par tout le panthéon des dieux sémites, akkadiens, cananéens et phéniciens réunis, sans oublier l’ensemble de leurs avatars égyptiens !

La faute à tout ce fort parfum de mythes anciens brassés par le quatuor infernal et cette chose monstrueuse qui a vu le jour en 1998. La faute aussi à cette production massive qui permettrait à une mouche, si tant est qu’elle parvienne à survivre au sein du maelstrom furieux des notes lâchées comme une meute de chiens enragés,  à faire entendre le battement fragile de ses ailes ! La faute à cette voix hurlante et rugueuse – et pourtant étonnamment intelligible -, soufflant le feu et les ténèbres voraces des temps primordiaux, capable de mater des foules entières. Et la faute enfin à cette infatigable batterie alternant inlassablement blasts et mid-tempo, et à cette guitare hallucinée s’affolant brutalement en de redoutables et hallucinants solis.

Mysterium, c’est une expérience un brin éreintante, et le sentiment final que oui, décidément, cette France a actuellement de sacrés arguments pour peser d’un poids évident sur la scène extrême nationale. Et dire qu’avant Verses of Fire, sorti en 2013 et déjà fort remarqué, peu de monde aurait misé sur ce groupe qui jouait alors un black-metal ultra classique et balisé. Il aura fallu rajouter le côté technique et plus maîtrisé du death pour faire toute la différence et découvrir les griffes et les plumes du sphinx sous la roche ancienne.

Mysterium, c’est tout d’abord un bloc, une gigantesque masse rocheuse pesant de tout son poids sur l’auditeur, lui donnant l’impression de se retrouver à la surface d’un monde à la gravité bien plus dense que celle de notre bonne vieille terre. De quoi vous donner envie d’étirer vos membres de temps en temps histoire de vérifier que quelques centimètres n’ont pas été perdus au passage de cette force tellurique irrépressible. C’est lourd, sombre, presque fatiguant, et vous vous dites après la première écoute (55 bonnes minutes quand même, ça peut faire mal !) que la maçonnerie est trop parfaite, que le ciment est à peine visible entre les pierres de l’édifice, et que tout cela est peut-être un peu trop uniforme dans sa brutalité. Mais quelque chose vous demande d’y retourner, comme une voix ancienne et mauvaise, qui aurait pu chuchoter aux oreilles du tyran Hannibal et lui donner envie de malmener les romains, encore et encore, comme une épine dans le pied d’un géant. Et les nuances apparaissent et la brume se dissipe. Le jeu insolent de la batterie éclate de richesse, bien plus subtil que dans nombre de formations du genre, alternant galops et marches au pas, brutale ou menaçante. Puis les solis de guitare brillent dans le noir, laissant l’empreinte d’une bête antique dont la furie n’est maîtrisée qu’avec le plus grand des efforts. Il n’y a qu’à écouter le long morceau introductif (euh, à vrai dire, chaque morceau flirte avec les 8 minutes, hormis le court interlude Dictum Ignis), Lord of Knowledge and Death, pour deviner à quoi l’on est confronté. Mais le black-death se teinte alors de thrash alors que nous avions cru tout comprendre, sur le phénoménal et brutal Divine Scythe, la rapidité de ce genre s’alliant à la technicité du death pour le plus beau des mélanges. Pourtant, le morceau avait commencé à la façon d’un Dimmu Borgir, histoire de brouiller les pistes, mais très vite, le titre se mute en folie pure et contagieuse. Plongez vous aussi dans la noirceur d’Hosanna, vous n’en sortirez pas ! Bourré de breaks et d’idées, ce titre lourd et incantatoire annonce que la messe est dite, mutant la guitare en un essaim de criquets s’abattant comme une plaie biblique sur les hordes impies, faisant monter la pression au fur et à mesure que s’écoule le grain du sablier. C’est là que j’ai dû me jeter à travers ma porte, criblant mon corps d’échardes de bois, estimant que c’était la plus rapide des façons pour arriver à la cave et gratter la terre afin d’y chercher quelque relique ancienne. Soudain épuisé, la bouche fatiguée de prononcer un énième Hosanna, j’ai alors entamé la seconde partie de l’album, après le menaçant interlude franchi comme le seuil d’une porte mystique.

Black Redeeming Flame enfonce le clou avec ses chœurs monstrueux tandis que Holy Art Thou blaste à tout va comme un sévère passage à tabac. Et l’on termine épuisé mais heureux avec le certes plus anecdotique All In Your Name, dont la puissance phénoménale fera pourtant trembler les murs sur leur base mieux que ne le ferait un mouvement de plaques tectoniques au sommet de l’échelle de Richter ! La batterie de Skvm alterne là encore morceaux rapides et pesants avec une aisance déconcertante tandis que les guitares d’Amduscias et Saroth tranchent avec la douceur d’une tronçonneuse et que la basse d’Arkdaemon fait vibrer le tout à en décrocher ses plombages ! Et toujours cette place pour un solo possédé, accouché dans la douleur mais avec une grande maîtrise et signifiant bien qui est le maître à bord de cette arche biblique.

Impressionnant comme le plus violent des orages. Imposant comme le hurlement d’Amduscias, terrifiant écho de la voix des dieux anciens. Temple Of Baal atteint ici le sommet d’une pyramide dont il sera peu évident de hausser le faîte, mais nul doute que sur leur incroyable lancée les musiciens vont savoir nous surprendre encore et réussir l’impossible. Pour l’instant, je ne saurais que trop vous suggérer de savourer sans modération et sans brider le son la fureur de ces français dont nous pouvons tous être fiers !

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