[Chronique] LABYRINTH – Architecture of a God

Herbert Al West - Réanimateur Recalé
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Crète, aux alentours de 1700 avant notre ère. Nous sommes à Cnossos, cité du roi Minos. La femme du monarque a été dupée par Poséïdon et s’est accouplée avec un taureau, chose fort commune en ces temps où l’internet n’existait pas. Il fallait tout de même bien s’amuser ! De cette union contre nature naquit le Minotaure, enfant fort turbulent qui se comportait mal en société. Profitant de la venue de Dédale en sa verte cité, Minos lui demanda de bâtir un édifice permettant de contenir les appétits du fruit de l’adultère de Pasiphaé, son épouse un peu honteuse ayant depuis bien du mal à s’asseoir.

C’est ainsi que fut construit le labyrinthe, succession de couloirs sans fin se mêlant et se croisant en un schéma rendant impossible – ou presque – toute évasion, même pour les as de Prison Break. Le monstre y fut enfermé et lui furent livrés chaque année en tribut par Athènes, cité vaincue, sept jeunes hommes et autant de jeunes femmes, en version hardcore des corridas de Pampelune. La suite, vous la connaissez, Thésée tua le Minotaure et se sortit du labyrinthe grâce au fil d’Ariane tandis qu’Icare, fils de Dédale, enfermé à son tour dans le piège tentaculaire, s’en évada grâce aux ailes confectionnées par papounet à l’aide de plumes et de cire. Mais à trop s’approcher du soleil, cire et plumes se désolidarisèrent de ses bras et le pauvre termina dans les flots de ce qui est aujourd’hui la Mer Icarienne. Ouais, c’est triste et beau, je sais, et surtout c’est pas fini !!! Vous allez rire !

Les troyens se firent démonter après 10 ans de rudes combats par la malice d’Ulysse, et les survivants, réunis autour du vaillant Enée, père de la lignée des Césars, furent chargés à bord de navires comme d’antiques migrants qu’ils étaient, abordèrent les rivages de la future Italie et ne tardèrent pas à y fonder la civilisation romaine. Lavinium. Rome. Capitole, lions dans l’arène et recette des spaghettis bolognaises !

A 400 kms au dessus de Rome se situe de nos jours un petit village, situé en bord de mer, quelque part dans la Toscane entre Gênes et Pise. Y fut créé en 1991 un groupe de power metal qui décida de prendre le nom de Labyrinth, car ils avaient pris conscience que leur histoire serait digne de l’édifice mythique dont ils s’approprièrent le patronyme. Prenez le nom du premier chanteur par exemple : il se nommait Fabio Tordiglione, mais préféra vite prendre le pseudonyme de Joe Terry. Après le tâtonnant No Limits, premier long sorti en 1995, il partira et prendra le nom de FabioLione ! Là, ça vous dit quelque chose tout d’un coup ! Pour les autres, c’est du tout pareil au niveau des blases, et ça brouille sacrément les pistes quand les ritals se transforment d’un coup de baguette magique en vikings chevelus ! Avouez que passer de Carlo Andrea Magnani à Olaf Thorsen, tête pensante du groupe, y’a d’quoi s’la prendre et s’la mordre ! Et les changements de line-up vont se succéder, ôtant le critère de stabilité qui caractérise les grands groupes et fragilisera sans aucun doute l’entité. Faut dire aussi qu’Olaf se distrayait souvent auprès de son autre pouliche, l’excellent Vision Divine, et conduire deux chars en même temps dans une arène à la Ben-Hur, c’est forcément casse-gueule. Après Fabio Lione, Roberto Tiranti (ou Robert Tyrant selon les albums) se montrera LA voix du groupe, ce qui ne l’empêchera pas d’aller et venir (ah, ils aiment ça les italiens !), d’être un temps remplacé par Mark Boals, le mercenaire du metal dont je défie quiconque de pouvoir citer tous les groupes et projets pour lesquels il a bossé !!!

And what about the noise, me direz-vous ? Ou si vous voulez, pour faire couleur locale, « et a proposito figlio di du » ? Le son du groupe est du power metal pur jus, influencé, avec plus ou moins de succès selon les albums, par le speed metal joué à la façon de groupes teutons tels qu’Helloween, la recherche de la mélodie en plus, jusqu’à arriver après 7 ans d’absence à cet Architecture of a God, signé chez Frontiers. Et qui dit Frontiers dit forcément mélodie ! D’où une avancée significative dans la direction prise par ce huitième effort : la mé-lo-di-ci-té ! Le son de Labyrinth a toujours été marqué par la patte de ses deux piliers, les guitaristes Olaf Thorsen et Anders Rain, rivalisant chacun de virtuosité pour plaquer des soli efficaces à faire pleurer dans les chaumières et imposer aux morceaux une fougue de tous les instants avec des riffs puissants, renforcés dans leur travail par une rythmique d’enfer (ici représentée par Nik MazzuconiEdge of Forever – à la basse et John Macaluso à la batterie, cador des fûts ayant sévi dans une infinité de projets prestigieux depuis 1986). Et n’oublions surtout pas Oleg Smirnoff (putain, j’ai soif tout d’un coup !), qui n’a bien entendu absolument rien de russe et se prénomme en fait… Giacomo Biagini (Eldritch, Vision Divine, Death SS…), qui aère chaque morceau avec des claviers ayant toujours l’intelligence de ne pas en faire trop et de souligner le jeu des guitares plutôt que de leur faire de l’ombre. Labyrinth version 2017, c’est un peu du Royal Hunt époque Fear, avec des guitares qui auraient pris le pas sur les claviers. Et la voix de Robert Tyrant, assez proche de celle de John West, avec son timbre chaud et d’une grande amplitude, renforce le parallèle. Les grands vainqueurs de l’album seront d’ailleurs sans surprise le chanteur, de plus en plus à l’aise sur un registre qu’il maîtrise à la perfection, semblant d’ailleurs se bonifier avec les ans comme un diable de vin français, et les guitaristes, rivalisant de maestria en alternant soli impeccables (omniprésents mais jamais démonstratifs, inspirés et toujours bien placés) – cf les deux premiers morceaux, annonçant clairement la couleur, ahhhh, quel pied que ce formidable et bien nommé Bullets !!! -, riffs puissants et breaks saisissants (cf le titre éponyme et ses changements de rythme faisant allègrement flirter le morceau avec le prog à la Vanden Plas). La rythmique, comme déjà dit, n’est pas en reste et l’on ne pourra que se féliciter de la rondeur de la basse, véritable hommage à la Santa Monica Belluci, forte dans son intro sur Still Alive, et essentielle dans le lancement du break d’Architecture of a God ! Les claviers ? Ils sont constamment de la fête, alternant moments aériens – l’intro à la Blade Runner de Bullets, l’intimiste Random Logics – et échappées dignes d’un space opera (comme sur le féroce et speed Take on my Legacy).

Côté musique, c’est plus varié qu’à l’ordinaire. Il y a du speed oui, sur Take on my Legacy, Stardust and Ashes, morceaux plutôt bien fichus, avec un regain de pêche pour le dernier. Du hard FM aussi sur le mid tempo Still Alive. ou l’entraînant, l’ensorcelant A New Dream. Il y a de la power ballade réussie avec Someone Says et Those Days (ahhh, les guitares à chialer, comme au bon vieux temps des eighties…). Et cette voix, mon dieu cette voix ! Rob n’a jamais été aussi bon. A ce niveau, ce n’est plus du chant mais de la parade amoureuse : sur Bullets et Still Alive, il enrobe chaque phrase, chaque couplet de sa voix langoureuse, prompt à donner des envies à chaque mâle en puissance de s’imaginer à sa place, une foule de nanas toutes plus canons les unes que les autres se trémoussant dans la fosse, toutes mouillées, prêtes à balancer leur petite culotte sur un torse luisant, puissant… Ah, j’arrête, je suis trop excité ! Comme vous l’aurez compris, Architecture of a God, malgré sont titre fort peu modeste lancé comme une invit’ à la critique, assume sa réussite, assoit chaque composition avec un savoir faire digne d’éloges. Bon, y’a juste quand même le loupé, la reprise inutile du morceau dance Children, de Robert Miles. Je fais le kéké à vous dire ça, mais j’ai dû chercher pour savoir de quoi il s’agissait. Les guitares saturées sur un morceau de cet acabit, bof, ouais, bof bof bof. Au moins, cela aura eu le mérite de me faire chercher d’où venait ce putain de refrain que je connaissais sans parvenir à me rappeler (1995 quand même !). Y’a plus qu’à souhaiter à la fine équipe de se concentrer à nouveau sur ce joli navire qu’est Labyrinth, prêt à reprendre la tête de la flotte de guerre du metal transalpin, surtout maintenant que Rhapsody part en sucette. Bon, attention, y’a DGM quand même, groupe à l’abominable patronyme mais ayant sorti l’an dernier un excellent album, The Passage. Vrai qu’ils me donneraient des difficultés pour lancer ma chronique ceux-là, car va chercher une histoire à broder autour de trois lettres…

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