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Petit cours de géométrie appliquée au metal. Pour arriver d’un point A à un point B, le chemin le plus évident n’est pas forcément la ligne droite ! Allez, c’est parti, vous n’allez pas être déçus du voyage, un périple que je vous promets tortueux à souhait ! Les indiens Algonquins et Micmacs avaient leurs habitations à eux, de forme circulaire ou allongée, et même que l’on appelait ça un wigwam. Vous suivez ? Cela a donné une étrange idée à des norvégiens en 2001 – tenez-vous bien ! -, celle de s’inventer un passé, une naissance un certain 1er avril 1970 (on sentait déjà venir la blague, hein !), dans le quartier polonais de New-York, le Bronx. Ils auraient même, en ce temps béni où le metal se construisait, sorti plusieurs albums avant d’émigrer en Norvège… sauf que tout ça c’était du flan ! Nous sommes bel et bien en 2001, et le groupe est bel et bien norvégien, composé de musiciens ayant déjà fourbi leurs armes ici ou là. Leur but dans la vie ? Gravir le sommet de la montagne en créant un groupe de glam, à une époque où le genre n’existe plus (ouais, Steel Panther n’était pas encore là !). Fallait oser ! En 2005, le groupe participe pour la seconde fois à l’Eurovision, avec le titre In My Dreams, composé par le guitariste Teeny, et remporte alors la neuvième place (ouais, ça fait rêver les français !). Le mascara et les fringues impossibles sont de retour ! Refrain imparable, et belle petite carrière qui commence avant l’inévitable essoufflement. Coup de grisou en 2014 avec la séparation, et chacun cherche alors une occupation nouvelle. Teeny le guitariste, et compositeur du tube suscité, reprend son véritable nom, Trond Holter, et oriente ses pas vers la comédie musicale, façon metal opera, avec des grosses guitares, pour illustrer en musique le thème immortel de Dracula ! Voilà qui s’appelle un sacré virage ! L’interprète du Seigneur des Ténèbres ? L’incroyable vocaliste Jorn Lande, avec lequel le guitariste a déjà travaillé côté carrière solo, et qui donne sur Swing of Death (2015) le meilleur de lui-même, comme souvent lorsqu’il est guidé par un bon compositeur. Rythmiques heavy, guitares acoustiques, baroques parfois, morceaux de flamenco, un Jorn qui se la joue crooner, l’album s’avère être une véritable perle de heavy mélodique et qui a de plus la bonne idée de se la jouer concis, ne dépassant guère les 45 mn. Le projet n’étant pour le label Frontiers qu’un one shot (Jorn a de quoi s’occuper, pas forcément besoin de Trond), le guitariste est poussé par les critiques et la demande à gratter le bois du cercueil et de continuer l’aventure. Swing of Death racontait l’histoire de Dracula ? Allez, on peut maintenant s’attaquer aux origines du Mal, car la mode est au préquel ! Tout metalleux le sait, le personnage qui a pour grande partie inspiré le sinistre nosferatu n’est autre que le réel et terrifiant voïvode roumain, prince de Valachie, Vlad Tepes, dit l’Empaleur. Le but est simple : retrouver le brio du premier opus en jouant sur un terrain légèrement différent. Le vampire était doté d’un aspect romantique indéniable, le prince ténébreux était quant à lui carrément terrifiant, foncièrement violent ! Mission accomplie ? A moitié dirons-nous, avec heureusement suffisamment d’atouts dans la manche pour valoir le détour.
Côté rythmique, on ne change pas une équipe qui gagne, et Per Morten Bergseth (batterie) ainsi que Bernt Jansen (basse), ne déméritent pas un seul instant, renforçant le côté heavy que nécessitait le sombre sujet (écoutez pour vous en convaincre Awakened, ou le martial et bien nommé Drums of Doom). La guitare du sieur Holter n’est pas en reste, livrant des riffs plus lourds, plus tranchants (I’ll Die for You !), donnant bien entendu du solo quand il faut ! Mais puisque je vous ai dit que Jorn était parti, qui donc peut bien avoir gagné la rude tâche de le remplacer ? La mission « presque » impossible a été confiée au ténébreux Nils K. Rue (Eidolon, et surtout Pagan’s Mind), auquel ne manquait qu’une belle moustache pour pousser une ressemblance étonnante avec le boyard sanguinaire (et sur le clip I’ll Die for You, il s’en donne à cœur joie de ce regard souligné de khôl qui tue la mort !). Et le bougre s’en sort sacrément bien, allant même jusqu’à faire penser à un certain Ralph Scheepers sur certains titres. Il sait, on le sent, qu’il ne possède pas ce grain inimitable dont est doté Jorn, permettant à ce dernier quand il s’en donne la peine de dévorer à proprement parler les compositions ainsi que l’auditeur, repoussant l’adversaire du moment dans les cordes (ouais, j’ai beau adorer Russell Allen, mais sur l’affaire Allen/Lande, y’a pas photo, le second est vainqueur par KO, servi il est vrai par des compositions taillées pour lui). Alors Nils, conscient de l’épreuve qui l’attendait, module à volonté, grogne, pousse dans les aigus, donne dans l’émotion dès que le titre l’exige, et se risque même sur le terrain plus glissant du metal opera (ce que n’est clairement plus Vlad the Impaler), de façon presque furtive, sur le court Without You. Et ne l’oublions pas, il y a l’autre voix, féminine, qui nous joue la surprise en se montrant beaucoup plus présente qu’elle ne l’était sur Swing of Death. Eva Iselinn Erichsen remplace Lena Fløitmoen Børresen et se montre plus qu’un simple faire valoir, brillant de son joli (et puissant !) timbre de voix sur des titres aussi différents que sont Shadows of Love, superbe ballade avec son clavecin mélancolique, ou Under My Skin, morceau carrément hard-rock commençant avec une voix trafiquée et un tempo mi disco mi dark-wave.
Alors me direz-vous, où donc se trouve le revers de la médaille ? Où se cache le vide du verre à moitié plein ? Dans l’incompréhensible manque d’ambition qui fait de cet album pourtant fort agréable à écouter un frère mal nourri ayant grandi dans l’ombre de son aîné. Après la réussite qu’était Swing of Death, pourquoi ne pas avoir joué la surenchère et creusé le terrain du metal opera, qui avait tant contribué à la réussite du premier né ? OK, le thème plus sombre de ce cruel seigneur ayant réellement existé tendait peut-être moins à la comédie, et interdisait tout motif d’exister à un morceau comme le titre éponyme du précédent opus, géniale antienne qui pouvait regarder dans les yeux les étonnants Some Folks et Give the Kid a Break du grand Alice Cooper, brisant une certaine linéarité sans jamais retirer l’intérêt du concept album auquel ils appartenaient, bien au contraire. Bon, alors après tout, pourquoi ne pas attaquer la légende sous un autre angle, celui du réalisme cru, teinté d’un exotisme de bon aloi, voire de relents épiques ? C’eut été une idée fort intéressante. Mais où donc se trouvent les instruments évoquant un quelconque folklore médiéval ? Où se trouve le vent tempétueux d’orchestrations héroïques ? Où donc est cette ambiance de terreur que pouvait laisser présager l’histoire d’un homme qui pour défendre son pays contre l’envahisseur turc n’hésita pas à décorer ses champs de centaines voire de milliers d’ennemis empalés, images et sons (oui, on ne meurt pas rapidement sur un pal, surtout si le bout en a été arrondi et graissé, foi de Docteur Herbert !) propres à décourager toute avancée sur ses terres ? Pour tout dire, à l’écoute de cet album, rien n’évoque, musicalement parlant (restent les paroles), l’histoire à peine croyable de ce boyard qui finit trahi par son frère, Radu, sa tête envoyée dans un panier à l’ennemi en signe d’allégeance et de paix (du coup, difficile de se relever et renaître vampire !).
Alors ne nous arrêtons pas à ces détails et regardons plutôt Vlad the Impaler pour ce qu’il est : un bon album de heavy metal, certes plan plan dans son exécution (intro, couplet, refrain, solo, quasiment aucun break), mais plutôt bien fichu et doté de titres assez accrocheurs, comme la triplette que représentent les trois premiers morceaux, Worlds on Fire, Awakened et Drums of Doom, sans oublier le single I’ll Die for You (l’aspect romantique du personnage, annonçant la mort du boyard avant sa résurrection en tant que vampire/la fausse annonce de mort ayant entraîné le suicide de sa bien aimée) ni les deux chansons de la belle Eva, ainsi que l’instrumental Vlad the Impaler, même si lui manque le côté folklorique que l’on pouvait attendre, on ne peut lui nier une certaine velléité épique, d’autant plus surprenante lorsque le hollywood metal mute en furie électrique. Pour l’avoir écouté plus que de raison, je peux avouer que même si l’album est loin d’être parfait, il donne régulièrement ce petit plus qui distingue les albums donnant envie de revenir de temps en temps tourner sur la platine. Alors oui, à ceux qui attendaient du très grand ils n’auront que du bon, mais les amateurs de heavy classique et efficace devraient y trouver largement leur compte. Et pour les autres, allez vous faire empaler !!!