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Note : 9/10
Sous des cieux ombrés d’orage, avançait sur une vaste et morne plaine, un millier de cavaliers au cœur empli de rage, bardés d’acier, de pics et de tranchants, les yeux brûlants de haine.
Leur faisant face, dix fois leur nombre, imposant mur à la froideur de glace, néant surgi des ombres armé de crocs, de griffes, front de gueules affamées promettant la souffrance et la mort.
L’ost flamboyant heurta en un glorieux fracas la carapace infernale, faisant trembler un instant la sinistre bacchanale, et un éclat d’argent flamboya dans l’océan de charbon. Mais le sort de la flamme est de s’éteindre dans l’obscurité, et très vite la marée sombre engloutit au son de cors funèbres le corps éclatant dont la triste gloire est célébrée par un chœur ténébreux.
Ainsi pourrait-être résumé Hatred from the Core : Tempus Incognito, premier titre issu de The Hierarch, quatrième opus des montpelliérains d’Hegemon, groupe de black metal dont la création remonte tout de même à 1996 et se voulant plus entité qu’addition d’individualités (à vrai dire, on sait peu de choses sur les membres du groupe, l’image du groupe à la une le dit mieux que des mots). Autant dire que leurs sorties sont rares, Contemptus Mundi remontant déjà à 2008 ! Rares, et précieuses aussi, tant chaque oeuvre est ciselée à l’or fin, forgée tel un acier mille fois trempé afin d’obtenir un ensemble parfait et de grande qualité, comme les meilleures lames du Moyen-Âge pouvaient l’être, commandées à de renommés artisans des années à l’avance.
Le black metal des français est guerrier, indéniablement, mais ne verse en rien dans le trip heroic black metal des anglais désormais silencieux de Bal-Sagoth. Non, ici, tout ressemble plutôt à la charge désespérée des cavaliers du Gondor contre les ruines d’Osgiliath et la mort qui les y attend de pied ferme. Au fil des morceaux (comme des albums d’ailleurs) on se trouve confronté à une certaine vision – sombre à n’en pas douter -, de l’être humain qui, au cours des âges, n’a eu de cesse de provoquer des conflits à seule fin de mieux se pourfendre et s’étriper. Amer constat se traduisant par de complexes et envoûtantes structures puisant leur inspiration tant dans les œuvres d’Emperor que de Dimmu Borgir, le vent glacé des compositions d’Immortal soufflant également au travers de quelques riffs et du jeu subtil de batterie, la diversité du jeu de ΑΔ, le nouveau batteur en poste, éclatant au travers de blasts ravageurs comme de frappes adoptant la nuance du mid-tempo.
Les deux premiers albums brillaient par la présence d’une basse omniprésente, mais depuis déjà le précédent opus, ce sont les guitares qui sont mises en avant, ce qui n’est finalement pas un mal tant celles-ci sont efficaces tant dans la rythmiques avec des riffs tranchants au possible et indéniablement marqués par une empreinte metal plus classique, que dans les nombreux passages acoustiques (ahhh, Credo Quia Absurdum ! Et que dire aussi d’Interpreting Signs For War : Aruspicine – sont cultivés en plus ! – ou encore le très beau Rays of Lie : There Will Be a Time You Will Give Anything for a Piece of Salvation). Les chœurs sont beaux à en mourir, comme sur le premier morceau déjà cité ou sur Elysean Expectations, Earthly Deceptions, tristes à s’en tailler les veines, la force de ces éléments étant d’être imbriqués au sein d’une construction diaboliquement travaillée et de n’avoir jamais fonction de simple ornement. Tout est pensé pour peindre l’émotion voulue par les musiciens de l’ombre, la richesse des nuances assurant un plaisir qui s’enflera au nombre des écoutes.
Hegemon, c’est aussi un soin particulier apporté aux visuels. Les deux premiers albums possédaient la beauté d’un Gustave Doré auquel on aurait rajouté la couleur, en nuances monochromes. Le troisième album possédait le charme oriental (que l’on retrouvait d’ailleurs au fil de l’album) que n’aurait pas renié un Septicflesh par exemple. Ici, un être gigantesque, aveugle et au visage creusé en une bouche démesurée semble dominer de toute sa puissance un monde à sa merci, parfaite image d’un groupe en pleine possession de ses moyens, livrant avec ce somptueux Hierarch un black metal sombre et racé, ayant parfaitement digéré ses influences scandinaves pour être aujourd’hui l’un des plus beaux fleurons du metal extrème français.
Voici une bien belle façon de finir l’année 2015, et pour les retardataires, de bien commencer 2016 !