[Chronique from the crypt] MELODIUS DEITE – Episode II : Voyage Through the World of Fantasy (mars 2014)

Herbert Al West - Réanimateur Recalé
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Quand on pratique comme moi le doux hobby de chroniqueur pour un webzine metal, il est fréquent de voir d’étonnantes surprises vous tomber sur le coin de la figure, surtout quand on se spécialise dans la plongée sans bouteille ni tuba au sein du monde étrange et abyssal de l’undergound. Il y a parfois de quoi être effrayé, d’autres de quoi pleurer d’émotion, de rire, et souvent aussi de quoi être sacrément intrigué.

C’est ainsi que j’ai récemment récupéré un étrange double CD venant d’un groupe dont j’ignorais alors jusqu’à l’existence même, Melodius Deite, sobrement intitulé Episode II : Voyage Through the World of Fantasy. Étiquette attribuée à la livraison : power prog metal néo-classique made in Bangkok, Thaïlande ! Rien que ça !

Et là, je croyais être sur le point de faire la découverte du siècle, à savoir le secret du metal muay-thaï, distribué à coups de coudes et de genoux dans la tronche ! Et finalement… oui,… mais non !

Petite rétrospective : le groupe est né Melodius en 2008 et a publié un album, Dream On, à la pochette aux couleurs criardes et baveuses, voire carrément dégoulinantes, et au contenu très moyennement accueilli par les critiques : références européennes trop marquées, insistant surtout sur les tares du genre néo-classique, morceaux inutilement rallongés, technique existante bien que mal maîtrisée…

Fin 2014, on rajoute Deite à Melodius, et on sort un second épisode donc. Alors qu’en est-il de ce nouvel ouvrage ? Les défauts de jeunesse du gang de Bangkok ont-ils été gommés ?

Ne tergiversons pas, la réponse est clairement « non ». Mais cela est-il pour autant de nature à rendre la chose inutile, voire insipide ? Et là, je réponds encore « non » !

La première écoute du disque, celle qui vous laisse la bouche grande ouverte ou vous donne envie de passer à autre chose, m’a carrément scotché, et ce tout au long de ses 77 mn, les qualités étant donc en toute logique pour moi plus marquantes que les défauts. Première constatation, le metal muay-thaï n’existe pas, en tout cas pas ici, car j’ai véritablement eu l’impression de naviguer en terrain connu tout au long de cet étrange voyage. Longue intro, classique pour le genre, belle aussi, mais longue, avec une narration féminine façon Cradle of Filth sur l’album Cruelty and the Beast, le sentiment d’inquiétude en moins bien sûr. Puis arrive le morceau Land of Fantasy, pour lequel un clip mettant le groupe en scène a été filmé. Et là, on comprend tout : des claviers à la Royal Hunt, une guitare héroïque à la Symphony X ou Majestic, et une voix pouvant tutoyer dans les aigus les plus périlleux le grand Andre Matos lui-même (Note de Bernard-Henri Leviathan : Personne ! Tu m’entends ? Personne n’est en mesure d’approcher le grand Andre Matos !) ! Bref, toute la perception occidentale d’un power prog metal dont les tables de la loi ont été gravées dans la pierre il y a plus de vingt ans. D’où l’impression de déjà-entendu, et d’où la relative déception de découvrir un groupe oriental jouant une musique tout à fait… similaire à celle que nous connaissons déjà, nous autres occidentaux !

Attention, il y a tout de même quelques couleurs locales, parfois légères comme la brise glissant sur les flancs rebondis du Bouddha, et parfois lourdes comme l’architecture surchargée des temples d’Angkor Vat, reflétant toute l’étrangeté d’un album qui va jouer sur les antagonismes et les contraires qui s’attirent. La Thaïlande, c’est avant tout pour nous, occidentaux, une série d’images d’Épinal et de clichés : terre lointaine synonyme de voyage tout d’abord, et l’album ne va pas nous tromper, nous embarquant vite en un sacré périple effectué à bord de quelque formidable galion… ou plutôt jonque impériale ; pays de relaxation aussi, où l’esprit se veut en harmonie avec le corps et les éléments, comme sur l’instrumental The Dawn of Journey qui finit, hélas, par vous donner l’impression de parcourir les rayons d’une boutique Nature et Découvertes au milieu de chants d’oiseaux et de musique new age. Et le voyage, hélas encore, bien que palpable, rappelle trop souvent que les navires des temps anciens étaient tributaires pour avancer, du bon vouloir des éléments. Cela va vite parfois, très vite même, quand le vent gonfle les voiles de Land of Fantasy. Mais le vent parfois cesse et plus rien ne se passe, comme sur une mer étale (The Dawn of Journey et la quasi-totalité des trop longues intro plombant les chansons fleuves de l’album, soit la majorité des titres dont deux flirtent tout de même avec les quinze minutes. Civilization, que j’adore, débute ainsi à plus de trois minutes !!! Pareil pour Sailing Around the World).

La référence qui perce au travers de cet Episode II, c’est bien sûr Angra, celui de Holy Land (Land of Fantasy a d’ailleurs un air vraiment très très prononcé de ZITO). (Note de Bernard-Henri Leviathan : Personne ! Tu m’entends ? Personne n’est en mesure d’approcher Holy Land !!) Pour le chant bien sûr, avec un Ake N. Kerpanich souvent bluffant, carrément impérial dans les notes les plus hautes, et qui réussit l’exploit loin d’être mince de chanter plus que correctement dans une langue – l’anglais – totalement différente de la sienne. Essayez de chanter en Thaï, vous allez faire marrer vos amis ! Pour la capacité à nous faire voyager aussi, mais là où le groupe brésilien teintait son metal de références propres à sa culture métissée, Melodius Deite joue la carte de suiveur, oubliant au passage d’apporter le supplément d’âme que nous étions en droit d’attendre. On peut comprendre le désir du groupe de s’intégrer dans un monde possédant déjà ses codes et ses repères, mais il est juste dommage de n’avoir pas saisi l’occasion de porter ici un vent nouveau illustrant la lutte incessante de Rama et d’Hanuman, évoquant les goules et les guerriers de pierre. C’est formidable de jouer aussi vite et bien que les cadors du genre, mais n’est-ce pas un peu vain quand d’autres cartes sont en main ? Un plat thaïlandais réussi se doit d’être relevé, preuve en est le dernier auquel j’ai goûté qui m’a fait pleurer à chaudes larmes, véridique !

A côté de cela, il faut bien avouer que les morceaux sont solides, techniquement très efficaces même si vitesse est parfois confondue avec précipitation, faisant crouler certains morceaux sous des flots de lignes musicales ou de bruitages souvent inutiles finissant par alourdir le propos (Alexander the Great et ses inutiles cavalcades). Le claviériste, Biggie P. Phanrath (qui tient aussi l’une des guitares et reste le compositeur du groupe) est un sacré virtuose, ses doigts glissant sur les touches à une vitesse proprement hallucinante, mais il gagnerait sincèrement à en faire… moins. Mais bon sang, que Civilization est bon ! Excellent même, avec cette voix se frayant un passage au travers d’une superbe rythmique pour éclater en un artifice beau à en pleurer ! Très belle idée que de faire intervenir aux deux tiers du morceau cette petite rengaine de boîte à musique, petit artifice qui apporte une soudaine dimension mélancolique et rêveuse avant que la voix ne s’élance à nouveau. Pareil pour The Sun of Aztec, véritable prouesse vocale qui doit être un cauchemar sur scène pour le chanteur tant celui-ci doit y repousser héroïquement ses limites. Réussite aussi pour le Dream-Theateresque Pyramids of Egypts et sa menaçante progression, ou encore Sailing Around the World se terminant enfin par des notes musicales thaïlandaises ! Il est dommage que ces premiers pas dans un monde pour nous, public occidental, nouveau, ne se fasse qu’à la toute fin, comme si les musiciens n’avaient pas osé le faire plus tôt. Mais peut-être est-ce tout simplement une façon de marquer la fin de leur voyage et le retour au bercail… genre « Le style occidental est maîtrisé, maintenant nous allons passer à autre chose »…

Gageons que cette sortie sous le label Avatarn Records soit un véritable galop d’essai après le brouillon du premier album et que nos talentueux musiciens – car cela ne peut être mis en doute, ils sont sacrément doués ! -, vont la prochaine fois nous livrer quelque chose de plus personnel et surtout de moins démonstratif. Pour ma part, je prends le pari et vote pour l’Episode III !!!

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1 commentaire sur “[Chronique from the crypt] MELODIUS DEITE – Episode II : Voyage Through the World of Fantasy (mars 2014)”

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