[Chronique] EXCALIBUR – Generación Maldita (12/12/2018)

Herbert Al West - Réanimateur Recalé
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30 ans ! Il aura fallu 30 ans pour ressortir cet album qui a tout d’une légende, comme le patronyme du groupe pouvait le laisser présager. Pour la petite histoire, l’album Generación Maldita est sorti en 1988, premier long après une formation du groupe en 1984. Et peut-être que cette génération était réellement maudite, car sorti en format vinyle, sous le modeste chiffre de 500 exemplaires, un mauvais coup du sort fit que 400 copies partirent en fumée lors d’un incendie accidentel et qu’aujourd’hui, pour se procurer une édition originale de l’album (100 exemplaires donc !), il faut mettre la main au portefeuille sans craindre les oursins, ce qui fait d’ailleurs de ce disque l’un des plus chers du marché espagnol !
Surfant sur la vague de la malédiction, le groupe enregistra son second album en… 1996 ! Album qui ne trouva malheureusement pas de distributeur et resta dans les tiroirs. Puis vint le sauveur providentiel, le label Fighter Records, qui offrit aux espagnols, tant son amour du style old-school est grand, de produire un nouvel album et de rééditer l’album maudit du début, celui par lequel commença la malédiction… euh, la légende !
Humo Negro sortit en 2017 et ne fit pas de vagues, moyennement accueilli par les critiques et le public. Nous reviendrons peut-être un jour sur cet album, mais pour l’heure, ce qui nous intéresse est la réédition de ce fameux Generación Maldita. Et le moins que l’on puisse dire est que Fighter Records a mis les petits plats dans les grands ! Les 8 titres de l’album original ont bien entendu été remastérisés, puis gonflés de 2 titres inédits initialement destinés à l’album, mais non enregistrés faute de budget, et qui ont connu un retour en studio pour l’occasion, 3 démos de 1985 et 2 de 1989, ainsi que l’EP de 1990 (2 titres dont une reprise), 3 titres issus de splits CD de 1985 et 1988 (Vinalopop I et II), et pas moins de 5 titres live ! Pas de bol, le choix a été fait de garder la pochette originale, assez horrible il faut le dire, mais qui laisse un petit côté historique à la chose, respecte le groupe et montre aussi la vérité sur une époque où fleurissaient nombre de pochettes de ce genre.
Par où commencer ? Ben par l’album original ! Alors je vous le dis tout de suite, ce Generación Maldita n’a rien de légendaire, si ce n’est son incroyable histoire. Il reste malgré tout un beau témoignage de ce heavy à l’ancienne, typé eighties, plein de claviers, tel qu’aimait le pratiquer l’Espagne, pays souvent en retard d’un wagon par rapport à d’autres (et ce quels que soient les genres de musique pratiqués : rappelez vous les cours d’espagnol au lycée avec ces chansons que les profs nous passaient, sympathiques au demeurant, mais souvent datées alors qu’elles venaient juste de sortir !). Quand on pense en écoutant cet album que le Nevermind de Nirvana allait sortir seulement 3 ans plus tard, on comprend mieux que nombre de groupes de heavy-metal ne survécurent pas. Les compos sont accrocheuses, il faut le reconnaître, les riffs honnêtes, la rythmique solide (très belle prestation de la basse, tenue par le chanteur, Paco Mira !) et le mix met en avant la voix qui déclame le mal d’une génération perdue dans sa langue natale, ce qui rajoute un charme certain aux compositions (mais en horripilera plus d’un). On remarquera le titre éponyme, doté d’un joli solo et d’une effroyable capacité à rester dans votre tête, et en écoutant bien, on y trouve de légers relents psychés dus aux claviers. Belle montée dans les aigus sur La Trampa, chanson dotée d’une rythmique imparable et d’un beau riff. On y rajoute une sympathique power ballade avec El Poder del Ciego, mêlant force et mélancolie, avec une voix quand même un peu limite et ne pouvant rivaliser sur ce registre avec les cadors du genre. Les claviers, très présents sur l’album – trop dirons certains -, inondent Promesa de Sangre d’un accent presque disco. Mais tout se muscle soudain avec le puissant et épique Alejate, morceau tout bonnement excellent et mixant avec un juste dosage toutes les armes du groupe. Noche Tras Noche est fait pour remuer les foules avec ses chœurs et son accroche rythmique, sans oublier ses soli de rigueur (guitare et clavier, chacun son tour !).
Très intéressants sont les deux inédits, qui se voient donc interprétés aujourd’hui d’après des compositions de 1988 jamais enregistrées. Et le moins que l’on puisse dire est que le relais est bien fait et que ces titres valent le détour. La production, même si on la sent plus moderne, plus claire, colle plutôt bien aux 8 titres originaux et la voix de Paco Mira n’a souffert en rien des 30 ans séparant les deux époques. Detener el Tiempo et Las Hordas del Rock s’avèrent pour le coup être les morceaux les plus virulents de cet album enfin complet, et penser qu’ils devaient à l’origine n’être que de simples bonus confirme l’idée que les pauvres étaient vraiment maudits, même dans leurs choix. D’autant plus louable est le soin laissé par le label de combler cette impardonnable lacune, car les guitares ont gagné en vélocité et nous régalent de ces morceaux enjoués !
Les 3 premières démo, datant de 85 et concernant l’album de 1988 (dont les deux bonus) permettent de constater la marge de progrès entre les deux versions et sont à saluer pour leur caractère historique. C’est un peu jouer à Indiana Jones en découvrant quelque texte ou idéogramme ancien. Puis viennent deux démos datant de 1989, donc montrant des titres inédits, et là on s’engage sur un terrain plus… embarrassant. Media Noche, plus disco que rock, est tout juste digne d’une fin de nuit dans un mariage où la moitié des convives est partie et l’autre bourrée ou endormie. Estamos Hartos est tout autant à oublier, même si le groupe semble s’y amuser, invitant une trompette pour l’occasion.

L’EP (1990) fait son entrée, avec la cover de Dr Feelgood, Esto me Sube, titre rock’n’roll pimenté à la sauce ibérique. Sympathique mais vraiment très daté. Bien plus entraînant est l’autre titre, Vamos Nena, même si celui-ci fait son âge. Je le répète, tout est bien exécuté, mais semble accuser un retard d’une dizaine d’année. En 1990, plus personne ne joue comme ça… à part Excalibur ! Le piano ainsi qu’un saxo donnent une connotation rythm’n blues au morceau fort sympathique, mais nous éloignent considérablement du heavy des débuts.

Les trois titres tirés des splits CD Vilalopop I et II (85 et 88) contiennent une intéressante version de Generación Maldita, un poil plus courte et au son plus garage, tandis que les versions de Promesa de Sangre et El Poder del Ciego ne souffrent pas de différences notables.

Puis viennent les prestations live, témoignages de la véritable carrière du groupe, jouant sur scène ce que peu avaient entendu sur sillon. Et les 5 titres livrés ont d’autant plus  de valeur qu’ils ne font partie d’aucun des 3 albums réalisés (dont celui non enregistré). Ces titres ont été interprétés live en 1991 lors d’un concours organisé par la Maison de la Culture de leur ville natale, Elda (province d’Alicante), concours pour jeunes pousses que gagna Excalibur avec ces nouvelles compositions. Elles apparaissent sur la compilation II Pop Rock Valle 91. A noter que sur le premier extrait, La Antena, c’est Juan Rico, le guitariste, qui donne de la voix. La qualité de l’enregistrement est excellente, peut-être un peu trop, les parasites du live ayant disparu de l’enregistrement (son très clair, pas de voix externes, pas le moindre larsen), hormis sur le très jovial Me Quema la Piel, beaucoup plus authentique. Les 5 titres relèvent considérablement l’intérêt des compositions inédites de 89 et 90, avec un ton heavy rock nettement retrouvé, peut-être toujours hors propos à l’époque où ils sont sortis, mais enfin dotés des éléments qui marquaient Generación Maldita. On remarquera plus particulièrement le riff plus agressif de La Antena, son joli duo guitare/clavier, le refrain entraînant d’El Bar de Blas, relevé intelligemment par le piano, ainsi que la guitare qui traverse Sucio Traidor (morceau qui semble en vouloir aux banquiers !).

Fighter Records a réalisé ici un formidable travail digne d’un archéologue du metal, et donné une jolie opportunité à Excalibur de revenir sur le devant de la scène. Il n’y a pour le moment pas de débat quant à l’édition de ce fameux album jamais édité, Cero, mais de l’aveu même du groupe, si cela devait se faire, ce serait sous le label qui leur a donné cette seconde chance. Nul doute que les résultats des ventes de ce Generación Maldita, au livret gavé de photos et d’infos, jouera fortement dans la balance. Alors l’album original en lui-même n’aurait probablement mérité qu’un 3, mais pour le caractère presque historique de ce double album, la note se voit relevée d’un point amplement mérité, car l’underground, c’est aussi cela, des groupes qui jouent pour l’amour de leur musique, mais parfois aussi d’une incroyable malchance, sans pour autant baisser les bras en prouvant tous les jours qu’ils sont là, dans l’ombre des plus grands.

 

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