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Un nom d’album comme une promesse, celle d’époux échangeant leurs vœux pour la vie, leurs yeux baignés d’un amour véritable. Un patronyme chargé de symbole lorsque les clés nous sont livrées. Puis la voix résonne et le doute n’est plus permis, Dream Child livre l’album qu’attendaient les fans depuis la mort du regretté Ronnie James Dio, livrant un mix parfait entre Rainbow et Dio. Plus besoin de se raccrocher aux wagons des premiers Astral Doors (pas interdit non plus !). Les sentiments inévitablement fuser à toute vitesse, mêlés d’une force inimaginable lorsque l’on touche à ces trois simples lettres. Qui donc encore vient profaner la tombe de l’elfe à la voix magique ? Entreprise mercantile ? Vol d’ancien matériel ? Joie pure tout simplement quand vient l’écho de ce qui nous avait tant manqué ? Sachez tout d’abord que derrière Dream Child se cache Craig Goldy, ami et guitariste du célèbre chanteur, qui l’avait d’ailleurs affublé de ce surnom de rêveur. Car oui, Craig Goldy a toujours fait la course à ses rêves, et il en a touché plus d’un, comme par exemple jouer avec le maestro sur Dream Evil, Master of the Moon et Magica. Ronnie fut l’homme qui le sortit d’une voiture dans laquelle le gosse dormait, à San Diego, fuyant une famille brutale, et lui offrit son premier ampli. Craig fut très vite intronisé membre de la famille Dio, même si ce ne fut pas toujours à temps plein.
Saisissant la balle au bond tendue par Serafino, patron du label Frontiers, qui proposait de lancer un projet dans la veine de ce que jouait Craig lorsqu’il était au sein de Dio au vu des commentaires figurant sous des liens You Tube dénonçant la disparition de ce type de musique, ce dernier a vite répondu que tout était possible. Simon Wright (batterie) et Rudy Sarzo (basse), tous deux ayant déjà collaboré avec Dio, rejoignirent aussitôt le navire. Wayne Findlay (MSG, guitare et claviers) ayant déjà travaillé à la composition avec Goldy, ce dernier le ramena très vite dans le giron de ce all star band en devenir, format fréquent chez Frontiers. Quant à la voix, elle revint du passé, sous forme d’un souvenir inoubliable pour le six-cordiste : un simple enregistrement du titre Push (Killing the Dragon), reprise par l’argentin Diego Valdez (Helker), et qui hantait sa mémoire depuis 7 ans déjà. Un coup de fil et le navire avait déjà fait le plein de son équipage. Rajoutez à cela une production moderne et au cordeau assurée par Alessandro del Vecchio et vous obtenez un produit qui a de quoi faire saliver.
Avant d’entrer plus avant dans le sujet, notez une nouvelle fois la très belle pochette, signée du décidément très prolifique Stan W. Decker, déjà cité sur le dernier Impellitteri (là encore signé chez Frontiers) et frenchie pour lequel notre cher Bernard Henri Leviathan avait réalisé en 2015, pour le compte de votre webzine préféré, une belle interview. J’insiste car l’artwork a toujours été un élément fédérateur du metal, attirant l’attention et faisant souvent préférer le format physique aux fichiers téléchargés.
S’agissant d’une lettre d’amour au regretté lutin, on peut tout de suite dire que la déclaration est généreuse. 70 minutes réparties sur 12 titres dont certains oscillent entre 7 et 9 minutes ! Voilà qui va nécessiter plusieurs écoutes, et promettre dès le début que l’exploit ne sera pas difficile à réaliser. Back to the Future en musique, destination Long Live Rock’n Roll et Dream Evil. Le meilleur de Dio sur album ne jouant jamais la facilité d’une reprise inutile, tout est dit ! Amoureux du hard rock mélodique des années 80, vous allez être servis. Tout commence très fort avec l’entraînant Under the Wire, démarrant sur des notes faisant étonnamment penser au thème de l’Exorciste, Tubular Bells, alternant échanges de guitares inspirées du style Blackmore (Goldy ne l’a jamais nié) et claviers fort bien venus, sans oublier cette voix râpeuse née ainsi, qui rappelle évidemment, terriblement, le timbre de Ronnie sans jamais forcer le trait ‘écoutez Helker, il était évident que ce chanteur était fait pour avoir sa place ici !). Le guitariste a toujours aimé ce style de voix, elle était celle dont il rêvait, et celle de Diego Valdez était celle lui permettant le mieux de continuer à sa façon l’aventure. Je vous parlais hier du schredder ultra rapide qu’est Chris Impellitteri, et de la force vive qu’il amenait par sa vitesse aux compositions, mais ici, on parle de toute autre chose, d’un toucher devenu rare, purement hard-rock, servant les compositions sans chercher à leur faire de l’ombre (même si Impellitteri a un ego moins surdimensionné que celui de Malmsteen et qu’il sait laisser un peu de place aux autres). C’est un autre style que le guitariste tenait à préserver, en fier gardien de l’héritage qu’il est (adoubé par Ronnie lui-même). Et comment résister aux riffs simples et efficaces du pourtant long You Can’t Take Me Down, mené de bout en bout par une aura surhumaine, jouant sur les intonations plus douces du chanteur avant que la rage ne revienne et que n’éclate un superbe et pourtant discret solo. Ne jamais trop en faire tout en ressuscitant la flamme, voilà le travail de composition auquel Goldy et Findlay se sont attelés avec brio. Les morceaux s’enchaînent avec un entrain communicatif, un véritable plaisir coupable, comme au bon vieux temps. De petites touches de renouveau, comme Ronnie savait en mettre ici ou là, apportent un vent frais à l’ouvrage, comme le groove qui saisit le catchy Playing With Fire, fort de sa basse bien relevée. Laissez-vous ensuite envoûter par les sombres passages mal éclairés du bien nommé Light of the Dark, sublime à mourir avec cet héritage palpable que l’on sent, bien vivant, comme un fantôme donnant corps aux nouvelles compositions. Goldy s’éclate comme un petit fou sur Midnight Song, l’un des titres les plus concis de l’album, certes léger au vu des sorties actuelles, daté peut-être, mais fort rafraîchissant. Le title-track est bien évidemment un message non voilé au grand Ronnie, lui promettant cet amour voué bien par delà la mort. Fervent croyant en l’au-delà, Goldy promet ni plus ni moins « jusqu’à ce que la mort fasse qu’on se retrouve« , l’un de ces messages positifs dont la maestro aimait parsemer ses œuvres. Washed Upon the Shore et ses claviers vintage nous ramènent à un certain Deep Purple, avec cette ligne de guitare qui enchante le tout, emballé par une batterie très en forme. One Step Beyond the Grave, dernier morceau de l’album, enfonce le clou avec ses presque 9 minutes au compteur, jouant dans un registre beaucoup plus progressif en même temps que heavy. A travers le thème intime de l’expérience de vie après la mort, connue brièvement par Goldy, et qui peut aussi résumer cet album, le morceau donne à chaque instrument le temps de s’exprimer, enlaçant guitare et clavier, qui s’enroulent elles-mêmes autour de la voix de Valdez pendant que monte la rythmique. Imparable et superbe final.
Alors on reprochera peut-être à l’album d’être un peu long, et il est vrai qu’ôter un ou deux titres n’aurait pas été une mauvaise idée, histoire de rajouter plus d’impact à ce disque, mais l’envie de tout donner est tellement palpable qu’il est difficile d’en vouloir aux musiciens, qui espèrent bien par là ouvrir le chemin d’un véritable groupe en devenir, et ne surtout pas signer une aventure sans lendemain. Arrive bientôt la sortie du premier album de Dio Disciples, super groupe tenu par Craig Goldy, Simon Wright et Tim « Ripper » Owens, qui promet de continuer l’aventure, mais différemment (au chant, ce sera effectivement autre chose). Tout cela peut paraître beaucoup et risque emmêler les pinceaux de pas mal de fans, mais selon Goldy, tout reste cohérent et bien cloisonné, aucun groupe n’apportant de l’ombre à l’autre. Au vu du matériel fourni en septembre dernier avec ce sublime Until Death Do We Meet Again, je ne demande qu’à le croire, et vous entraîner à faire de même !