[Chronique] DIRTY SHIRT – Dirtylicious

Bernard-Henri Leviathan
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Note : 9/10

2013… « Freak Show », le précédent et troisième album des roumains de DIRTY SHIRT, n’avait pas  fait  semblant d’arriver dans mon humble foyer puisque, me frappant de plein fouet, il s’était        immédiatement immiscé au rang de Révélation de l’année, d’Album de l’année, etc. et le tout avec des    grands « R » et des grands « A »… ce qui n’est pas rien vous en conviendrez.
En toute cohérence, l’album avait récolté un 10/10 de ma part et, fait hautement historique dans nos  rangs encore jeunots, avait même raflé le droit d’être doublement chroniqué par ma collègue  Metalmama et de récupérer par la même occasion la même note. Il y a des choses qui ne s’inventent pas.
Quand de plus, pour en rajouter, le groupe propose des shows faisant très aisément fondre le public en quelques minutes, il n’y a plus de place pour le hasard. DIRTY SHIRT, c’est le groupe à suivre maintenant de peur qu’il n’y ait plus de place pour vous ensuite.
Seulement voilà, il arrive toujours un moment dans la vie d’un groupe émérite où, le talent faisant, on s’interroge tout de même sur la suite qui pourra être donnée. Mihai (Tivadar, guitares, claviers) nous avait prévenus. Il y aurait une grosse surprise sur cette nouvelle livraison et ceux qui avaient accroché précédemment à l’aspect le plus traditionnel du groupe au travers de chansons comme «Bad Apples », « Freak Show », « Saraca Inima Me » ou la reprise du « Rocks Off » de Daniel Bedingfield, en auraient pour leur argent.

La surprise la voici : avec « Dirtylicious », le groupe s’offre les services du Transylvanian Folkcore Orchestra afin de donner amplement corps (core ?) à un ensemble de chansons adaptées, réarrangées ou simplement inspirées des traditionnels roumains. Violons à foison, clarinette, percussions et cymbalum se marient donc au fil des 11 titres avec l’instrumentation Metal des sept gaillards.

De l’entraînant « Ciocârlia » au frénétique « Căluşarii », l’invitation à la danse et à la liesse populaire est omniprésente. Le violon frivole est l’élément fort de ce nouvel album, le fil rouge, celui qui nous fait entrer en transe, voyager d’un titre à l’autre mais toujours davantage vers l’Est. L’accordéon et la clarinette arrivent également à se faire une petite place le temps d’une partie soliste (« Mental Csárdás », « Dirtylicious » et le solo à l’influence yiddish, «Hoţii »).

Les voix caractéristiques, complémentaires et inséparables de Robi et Rini forment toujours l’un des éléments forts de la personnalité de DIRTY SHIRT et il semblerait qu’il y ait encore eu du travail dans l’approfondissement de ces deux tessitures. Sur un album comme « Dirtylicious », les deux compères ont tous deux un rôle important à jouer. Jonglant entre growls et graves pour l’un, aigus et mélodies pour l’autre, ils partagent (ou s’entremêlent) sur un modèle assez récurrent les couplets plombés et les refrains plus aériens, la facette Metal, la facette folklorique. Sur « Maramu’ », le timbre féminin et orientalisant de Rini fait une forte introduction a capella alors que sur « Dulce-i vinu’ », il quitte la scène sur une plainte emprunte d’ivresse… ou de tristesse. « Cobzar » prend la place d’un titre comme « Saraca Inima Me » dont la mélancolie prendrait presque les airs de nos chants de marins. Cependant, le trait « populaire » parfois forcé de certaines mélodies vocales accompagnées d’accordéon, je pense à « Dirtylicious », m’apparait comme moins digeste.

Les textes oscillent entre anglais, roumain et l’on peut même percevoir un petit passage en français sur « Balkanique », histoire de les attendre encore davantage de pied ferme pour un nouveau rendez-vous dans nos contrées. Et là, ça risque de bouger sévèrement encore car « Dirtylicious » comporte son lot de titres fauteurs de trouble, « Moneyocracy » n’en est qu’un exemple.

Côté électrique, on peut toujours faire confiance aux grosses rythmiques sous-accordées pour apporter cette adrénaline propre au Metal et alourdir les ambiances. On retrouve alors les riffs caractéristiques inspirés de groupes comme KORN, SYSTEM OF A DOWN (« Maramu’ », « Dulce-i vinu’ »), quelques sonorités propres au Thrash/Death très moderne (« Mental Csárdás » et les growls de Robi, « Hoţii »), voire à la musique complexe de Devin Townsend : après une introduction sonnant comme du THERION, « My Art » (à mon sens bijou de l’album) se déroule comme un titre assez progressif, surtout de par son interlude. Après un cri de Robi qu’aurait pu pousser le Canadien, guitare acoustique et nappes électro forment un plancher sur lequel des voix multipliées renvoient à certains patterns de ce qu’a pu faire le Devin Townsend Project en compagnie d’Anneke Van Giersbergen.
Il y a des rythmes chaloupés, quelques restes de loops et effets indus rappelant que DIRTY SHIRT vient aussi de ce terrain-là mais, de manière générale, j’ai ce sentiment que les aspects purement Metal servent surtout à accompagner les mélodies folkloriques. C’est la logique de « Dirtylicious ».

Même s’il est difficile, pour moi, d’égaler « Freak Show » tant par sa qualité que par l’attachement que je lui porte, DIRTY SHIRT nous livre un nouvel album mature, qui perd peut-être un peu de sa folie adolescente, celle qui le voyait pondre un Metal barré, touche-à-tout, tantôt électro, tantôt acoustique, tantôt Metal, tantôt Rock, tantôt… Tout en étant immédiatement reconnaissable par le son qu’il s’est construit (d’ailleurs la mise en boîte est excellente, donnant une véritable impression de profondeur à la troupe jusqu’à entendre le frottement de l’archer sur les cordes), DIRTY SHIRT, en constante mouvance, se concentre sur ses racines et passe d’un Metal éclectique à un Metal folklorique d’excellente facture. Et même si l’album est court (36 minutes), il est intense et il n’en faudrait pas forcément plus car tout est là. « Dirtylicious » porte bien son nom, il se déguste avec délectation.

A POSSEDER nécessairement.

 

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