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Diablerie ! Le groupe d’un album culte, Seraphyde, sorti en 2001 dans l’univers fermé de l’electro-metal ou indus-metal, un album somme épicé de parfums extrêmes. Alors que ce genre musical a souvent accouché de brûlots efficaces mais supportant mal les outrages du temps – un comble pour un genre qui se veut plus moderne, nourri de technologie – Diablerie a su à l’époque accoucher d’un enfant ne perdant jamais de sa superbe, même 16 ans après sa sortie. Morceaux accrocheurs et autres plus novateurs, expérimentaux, l’album était un parfait équilibre de construction, chaque pièce trouvant sa place dans l’ensemble pour former un diabolique et éternel puzzle que l’on se plait encore à défaire et refaire encore et encore. Puis Diablerie disparut du circuit, aussi subitement qu’il était apparu, comme si tout avait été dit, comme s’il était inutile d’y revenir. Il faut dire que le frontman du groupe finlandais, Henri Villberg, HV pour les intimes, ne manquait pas d’activités. Citer ici la liste de ses ex pourrait vite se révéler fastidieux. Contentons nous de citer Rapture, Scorngrain et Hateflesh.
16 ans de silence,… ou presque. Car on percevait quelque chose d’anormal dans le circuit musical, comme d’étranges soubresauts montrant qu’il y avait encore de la vie quelque part, de la vie, ou quelque chose y ressemblant. Deux EP estampillés Diablerie virent le jour en 2007 et 2012, respectivement intitulés Reactivation et Transition, des titres annonçant la couleur, contenant entre autres l’excellent White Collar Privilege, ou la reprise de Dismantled, Extirpation.
Puis arriva 2017, sorte de Jugement Dernier, d’avènement des Machines pour les finlandais ayant enfin décidé de sortir du silence. Quand sort The Catalyst, vol 1, Control, on sait d’emblée où était passé le talent de son compositeur principal : il avait été absorbé durant toutes ces années dans le magma chaotique des machines, des séquenceurs, et avait fusionné façon Tetsuo pour devenir un hybride, mi-humain, mi-machine. Les veines et artères étaient devenues circuits, les organes processeurs, et la voix miracle de synthèse. Le Diablerie 2017 n’a rien perdu de sa force, mais il a muté. Difficile de le qualifier de moderne, car déjà en 2001 le prototype était en avance sur son temps, dépassant de la tête et des épaules The Kovenant, Samael, et autres Demimonde. La version 2.0 est plus carrée, moins dispersée, plus rentre-dedans, c’est certain. Ceux qui aimèrent les morceaux comme Astronomicon, Dystopia Show et Death-Wired to the Bleak seront à nouveau servis, la voix extrême de HV n’ayant rien perdu de son caractère abrasif, la nouveauté venant de la distorsion imposée, comme si l’organe était prisonnier, quelque part, de la machine et de sa logique inébranlable. Les riffs sont toujours aussi incisifs et l’on passe souvent de l’embuscade à la charge massive, comme au bon vieux temps de Dystopia Show. Le premier morceau, Hexordium, est à ce titre révélateur, montrant en moins de trois minutes toute l’ambition de l’album : la voix cherche à sortir de son cocon électronique, balbutiant en assauts syncopés, montant sur des notes à la King Diamond avant de prendre une tonalité claire (HV s’est bien amusé, c’est certain). Les hits vont se succéder, de Selves à Wear My Crown en passant par le furieux et blackissime (dans l’esprit) Odium Generis Humani. On pourrait alors reprocher à Diablerie de manquer de nuances, mais ce serait sans compter avec l’imparable Grey (et ses nuances obligées, mouhahahaha !), véritablement irrésistible avec son refrain méritant d’exister aussi bien en version extrême que claire, la symbiose avec la machine devenant véritablement orgasmique. Il y a du recul avec le bel interlude You Stop You Die, qui prend enfin le temps de respirer, avec de belles expérimentations sur les claviers. C’est beau, tout simplement, et l’on pense à l’autre référence de l’indus-metal depuis pas mal d’années, Neurotech, capable de passer de l’agressif au contemplatif d’un titre à l’autre, de changer d’approche selon l’humeur. L’ombre de Vangelis n’est pas loin non plus, comme sur certains passages planants du final I Am The Catalyst, plage de 10 minutes à l’ambiance rétro-futuriste à la Blade Runner et culminant sur un ultime riff déchirant. Entre temps, il y aura eu Osiris, perle electro-metal déjà présente sur la démo de 2013, enivrante et furieuse à la fois.
La production est peut-être le seul défaut de l’album, peut-être aussi le résultat voulu de l’hybridation avec la machine : le tout est lissé, mis à niveau, se détachant en cela du premier opus, beaucoup plus chaotique, abrasif, avec des basses vraiment mortelles. Il y a aussi moins de variété, moins d’expérimentations, que sur le phénoménal et inusable Séraphyde, mais ne boudons pas notre plaisir d’avoir entre les mains (et les oreilles surtout) un must de l’electro-metal, une perle qui elle aussi aura du mal à vieillir tant son « époque » se situe toujours hors de portée de notre présent. Et croisons les doigts, car le titre de cet album laisse à penser un futur beaucoup plus proche, déjà pensé, et qui révélera à coup sûr une autre facette des géniaux finlandais.