[Chronique] CULT OF EIBON – Lycan Twilight Sorcery (EP)

Herbert Al West - Réanimateur Recalé
Les derniers articles par Herbert Al West - Réanimateur Recalé (tout voir)
Rating:

« Car Ubbo-Sathla est la source et la fin. Avant la venue de Zhothaqquah ou de Yok-Zothoth ou de Kthulhut des étoiles, Ubbo-Sathla demeurait dans les marécages écumants de la Terre nouvelle née ; une masse sans tête ni membres, engendrant les têtards gris et informes de l’origine et les hideux prototypes de la vie terrestre… Et toute vie de la Terre, est-il dit, devra faire retour à travers le grand orbe du temps à Ubbo-Sathla. »

Le sinistre ouvrage dont il est ici question est un manuscrit préhistorique rédigé par Eibon, un sorcier hyperboréen. Le livre, dont l’original, rédigé dans la langue perdue d’Hyperborée, a aujourd’hui disparu, est parvenu jusqu’à nous par l’intermédiaire de multiples traductions en grec, latin médiéval (par Philippus Faber), français (par Gaspard du Nord) et anglais. Ces versions restent hélas – ou bienheureusement -, fragmentaires.

Brrrrrrr. Voilà qui fait froid dans le dos… Un volume oublié, traduit dans la langue d’Homère, a donc dû tomber entre les mains de Xa’Ligha, Nyogtha et Porphyrion, trio qui adopta le nom du sinistre Elzévir.

EP, Extended Play, format dont le monde musical – et tout particulièrement le genre qui nous intéresse, le metal -, est friand, permettant aux jeunes (ou moins jeunes) formations de s’exprimer et de tâter du terrain, d’expérimenter. Beaucoup s’y exercent avant de tenter l’aventure de l’album.

J’ai donc mis dans le lecteur le dernier EP de Cult of Eibon, histoire de séduire une succube levée dans un bar près du cimetière local. J’avais plusieurs arguments plaidant en faveur d’une soirée lugubre réussie. Le metal extrême grec, c’est du solide, avec ce côté typiquement ésotérique, occulte, relevant une sauce généralement lourde et craspec. Septicflesh, Varathron, Rotting Christ, Necromantia, Acherontas (Porphyrion en fut le chanteur, tiens donc), Nightfall… que du bon ! Moins agressif que la scène scandinave, mais plus subtil… en général. La Grèce est le berceau de la civilisation latine, d’une partie de l’Europe telle que nous la connaissons aujourd’hui (les troyens exilés sont allés fonder Rome), elle abrite Héphaïstos, maître du métal (elle était facile celle-là) et reste un passage obligé vers les portes des Enfers, recommandé par tout bon GPS.

Bon, la pochette de Lycan Twilight Sorcery, deuxième EP du jeune groupe hellène (naissance en 2015), avec son loup-garou de série Z et ses chauve-souris sur fond de clair de lune, aurait dû m’inciter à y aller avec méfiance, mais j’ai mis la galette dans le lecteur, allumé les bougies et sorti ma robe de bure (avec rien en dessous ! Note du relecteur : Oh le salaud!).

Le premier morceau est une intro, et l’on commence visiblement par la fin, car il s’intitule The Final Transformation ! Ouais, je sais, ça n’a pas fait rire non plus la démone qui était déjà à genoux, prête à me faire grandir. Plic… ploc… de l’eau qui coule, ou du sang peut-être… des claviers nappant l’ouvrage à la truelle… A la fin du morceau, la transformation de mon soc de charrue n’était pas belle à voir… Pas de quoi servir de porte-manteau et nous sommes vite passés à autre chose.

Tout s’est heureusement arrangé avec le début du premier véritable morceau de l’album, The Dweller of the Woods. Un riff heavy du diable donnant une coloration black’n roll fort bienvenue à ce titre accrocheur, sur lequel s’époumone une voix d’abord death, épaisse comme un chêne bicentenaire, avant qu’elle ne mute, peut-être d’épuisement, sur un registre plus black traditionnel, presque Filthien des débuts. Bon, dommage que le titre tourne en rond, répétant sans cesse le même schéma, riff-blasts sur lesquels je m’essouffle à limer ma succube-refrain-riff… Pas le moindre solo pour relever la sauce, dommage. Cult of Eibon propose donc un black somme toute très traditionnel, et ce n’est pas le troisième titre éponyme qui pourra prétendre le contraire. L’originalité vient de l’approche plus heavy, black’n roll. Un riff est trouvé durant ce morceau, mais il se limite à quatre notes répétées à l’envi, ce qui pourrait être bien si le riff était mémorable, mais ce n’est malheureusement pas le cas, et l’ardeur s’éteint vite. La batterie claque bien, mais n’offre rien d’original, si ce n’est l’énergie qui fait défaut au reste.

Et le gros problème de l’album déboule avec Wolf Blood Communion, débutant sur le riff de… The Dweller of the Woods, à quelques nuances près ! A la quatrième minute, ce riff nous est même proposé à la basse, ce qui change la tonalité mais ne relève pas le débat. S’agit-il d’une incantation permettant de se transformer en loup et donc logiquement répétée… ou d’un manque d’inspiration flagrant ? Vu que je n’ai toujours pas plus de poils sur le torse qu’auparavant et que ma succube semble s’ennuyer ferme malgré mes assauts répétés calqués sur le rythme du disque, j’ai bien comme une petite idée…

Xothic Bloodlines offre quelque chose de différent, mais rien de renversant non plus. C’est plus rapide, les vocaux alternent entre le hurlement rauque et celui de le truie que l’on égorge, mais pas de quoi relever mémé la nuit. Puis arrive l’instrumental Lykauges… nous resservant le riff de Dweller et Wolf Blood Communion, mais en acoustique, ambiancé comme un titre d’Empyrium, ode contemplative ou la rythmique est devenue lymphatique. Ma délicieuse invitée me chevauchait alors, mais ne trouvant plus rien de consistant sur lequel s’exciter, elle est partie en pestant, sans demander le moindre pourboire, le moindre morceau d’âme.

L’âme, c’est ce qui fait encore défaut à Cult of Eibon, et l’ultime essai, Dominions of the Serpent Moon, ne parviendra pas à rattraper les erreurs de l’EP : claviers d’un autre âge, batterie se faisant de moins en moins passionnée, offrant des blasts flegmatiques, un peu comme si la frappe sévère des premiers titres avait pompé les forces du cogneur. Inquiétant sur un format de 32 minutes… Notons tout de même sur ce morceau une guitare enfin plus aventureuse (toutes proportions gardées), et l’intervention de quelques gongs.

Attention, il y a du bon dans l’Eibon (eheh !), et qui ne demanderait qu’à être exploité avec plus de sagesse : l’approche black’n roll, digne de secouer les têtes chevelues au sein des fosses, un usage de la rythmique tournant autour de riffs solides (mais sans répéter le même quatre fois au sein du même EP !!!). Il va falloir sérieusement consolider la charpente et travailler les détails, donner plus de variété aux compos, les rehausser de breaks, de solis, donner plus de rage à l’ouvrage, quitte à forcer la voix vers ce côté rugueux un trop court instant exploité. Reste à savoir si le groupe aura les épaules et le talent pour remédier à ces défauts de jeunesse ne permettant pas pour le moment à Cult of Eibon de sortir la tête du lot de ses illustres confrères hellènes.

Facebook

Share This:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *