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Ah, le genre ultra élitiste du pirate-metal ! Que voilà bien belle occasion de sortir quelque bouteille de rhum ambré ! En 2018 (2017 pour être exact, j’ai quelques semaines de retard par rapport à la sortie de ce dont je vais vous parler !), il se pratique toujours : de façon thrash et féroce, comme chez les fous furieux de Swashbuckle, boucaniers endiablés puant la bière et la sueur ; ou de façon plus festive et second degré, comme le pratiquent les écossais d’Alestorm ; ou mieux encore, à l’ancienne, selon la digne tradition des Frères de la Côte, à la façon de Running Wild depuis son mythique Under Jolly Roger, sorti en 1987. Par les tibias croisés et le crachat des putains, rien de tel qu’une rageuse bordée envoyée au niveau des mâts pour couper l’avance du riche galion désormais en phase d’abordage !
C’est ainsi que les suédois de Blazon Stone assurent la relève et suivent le même sillage que leur aînés depuis déjà 2008 – sous le patronyme initial de Störtebeker jusqu’en 2011 -, puis en ne cachant en rien leur source d’inspiration principale, le nom actuel du groupe étant celui de l’une des plus célèbres œuvres des allemands de Running Wild, lorsque celui de leur premier album, Return To Port Royal, fait bien évidemment référence à une autre pierre angulaire de la discographie des teutons.
Down in the Dark représente la quatrième salve du groupe – à laquelle on peut rajouter un EP sorti en 2016 – et ce depuis seulement 2013 ! Autant dire que les boucaniers ont trouvé quelques îlots riches en rades et caches permettant de lancer leurs fulgurantes attaques. Et le moins que l’on puisse dire est que l’inspiration reste au rendez-vous, chargeant ses canons de boulets à rouge ou de mitraille à la façon de la bande à Rock N’ Rolf durant les années 80 et 90. C’est à vrai dire à s’y méprendre tant la science des riffs est respectée, la rythmique métissée de speed et de folk, les soli véloces comme des frappes en coupe de sabres ébréchés. On pourrait lancer le vain débat de montrer du doigt un groupe en mal d’inspiration et adoptant le son d’un autre, mais ce serait mal connaître l’homme derrière Blazon Stone, Cederick « Ced » Forsberg. Ce nom vous dit forcément quelque chose si vous suivez les pages de ce webzine. Il est lié à celui d’autres groupes fréquemment cités dont la musique se décline comme une forme d’hommage à celle des Grands Anciens : Breitenhold pour Blind Guardian, un mix de Judas Priest, Iron Maiden, King Diamond et Gamma Ray pour Rocka Rollas, un autre mélange parfait de NWOBHM sur Cloven Altar. Et Ced maîtrise l’exercice à la perfection, en véritable passionné qu’il est. Car c’est bien de passion qu’il s’agit, celle d’une musique ayant forgé sa personne, celle qu’il aimerait encore écouter aujourd’hui, au rayon « nouveautés ». Et partant de l’adage selon lequel « on n’est jamais mieux servi que par soi-même », l’artiste s’est mis en devoir de continuer l’oeuvre de ces groupes, non pas comme un vulgaire copycat, mais bel et bien comme s’il était le légataire universel de ces aînés pas encore décédés ayant au passage oublié le secret de cette musique que nous avions tous appris à aimer (en mode, « c’était mieux avant… »).
Les derniers skeuds de Mister Kasparek vous ont laissé de marbre, surtout face à l’écho des anciennes cales chargées d’or qu’étaient Port Royal, Death of Glory, Blazon Stone ? Qu’à cela ne tienne, les suédois ont du sang vif dans les veines et s’imposent comme une continuité de ce que l’on peut trouver de mieux dans les plus beaux albums de Running Wild, à savoir un power speed metal hyper dynamique, frontal comme une charge de corsaires bardés de crochets et de jambes de bois, gavé d’hymnes claquant comme des voiles au vent, avec des ailerons de requins qui percent l’océan tout autour du navire. Tout y est pour ravir l’amateur : une intro saisissante, donnant envie d’aller plus avant, comme la bande-annonce d’un film dans la lignée des aventures de Jack Sparrow, des tueries speed comme Into Victory et Eagle Warriors, du mid tempo nimbé de claviers fantomatiques comme Hanged Drawn and Quartered, la rythmique blindée d’un skeud hard-rock comme l’irrésistible Rock Out, et des chœurs saisissants comme sur Watery Graves.
Alors peut-être n’y a t-il rien de neuf, puisque l’on navigue sur des mers déjà explorées, peut-être, en effet, mais l’intelligence d’exécution est telle que l’on ne peut s’empêcher de taper du pied et se repasser l’album en boucle pour peu que l’on soit friand du genre et nostalgique de sa grande époque. Et quand on sait qu’une fois de plus, Ced maîtrise quasiment tout, guitare rythmique et solo, basse frénétique, la batterie, les claviers et les chœurs, sans oublier les compositions et les paroles, on ne peut que rester sur le cul ! C’est à un autre Forsberg, Erik (aucun rapport familial, j’ai interrogé le leader du groupe pour être sûr et de son aveu même, Forsberg est aussi commun dans son pays qu’un Dubois ou un Martin chez nous !), que les vocaux ont été confiés, pour la troisième fois en comptant le précédent album War of the Roses et l’EP, autre élément contribuant à l’indéniable réussite de l’album. La performance est à la fois suffisamment proche de l’inimitable Rolf (euh… du coup plus si inimitable que ça !) pour s’inscrire dans la continuité (en plus jeune pour le coup), et dotée d’une sensibilité propre lui permettant d’acquérir une indéniable personnalité, ample, généreuse, agressive.
Du fabuleux Into Victory au flamboyant et épique Captain of the Wild, pas un instant le rythme ne se relâche, montant et descendant au rythme de la houle. On aimerait peut-être un peu plus d’ambiance, pourquoi pas quelques interventions louchant vers le progressif, quitte à rallonger le propos de certaines compositions (allez, un morceau à la Rime of the Ancient Mariner, ce serait parfait pour relever l’intérêt de ce genre d’album !), mais il faut bien avouer que tout cela vous donne le sourire et la banane sans jamais avoir à forcer.
Le danger qui guette Blazon Stone est alors le suivant : Ced n’en fait-il pas trop ? Dort-il suffisamment ? N’oublions pas que dans la majorité de ses projets, le musicien surdoué s’occupe de tout de A à Z, à se demander s’il n’est pas devenu quelque incontrôlable machine à riffs, un sorte de traducteur en langage moderne et parfaitement produit (autre grande satisfaction de ce nouvel album) de ce qui se faisait dans notre prime jeunesse (je m’adresse à ceux qui écoutaient déjà du metal dans les années 80 !). Et difficile en ce cas de ne pas faire abstraction du sabordage rendu nécessaire du flamboyant vaisseau qu’était Rocka Rollas, stoppé net en son élan alors même qu’était déjà préparée la maquette du successeur du pourtant superbe Pagan Ritual, Celtic Kings, faute de musiciens suffisamment motivés pour s’intégrer au projet et en faire autre chose qu’une oeuvre de studio, un simple projet solo. J’ai relancé il y a quelques jours encore, en tant que fan acharné qui ne lâche pas facilement le beefsteak, Ced sur le sujet, et le verdict est tombé au bout de quelques secondes (vive les réseaux sociaux !), sans appel, Rocka Rollas est mort. Alors vive Blazon Stone,… en attendant le prochain Breiteinhold, le dernier Cloven Altar ne datant pour sa part que d’il y a quelques mois !