[Chronique] AYREON – Transitus

Bernard-Henri Leviathan

Note : 9/10

 

Dans cette période interminable de crise sanitaire, de confinement, déconfinement, reconfinement, confiture et déconfiture, AYREON – le super projet du multi-instrumentiste de talent Arjen Anthony Lucassen – revient comme un pansement sous le masque ! Moi-même écrasé par les dents longues du virus, ce « Transitus » aura été un bon soutien pendant les longues journées plaintives !

Bien connu pour ses opéras Metal très développés, aux castings de rêve, AYREON n’aura jamais sonné aussi proche de l’exercice de la comédie musicale. Et pour cause, « Transitus » a été imaginé au départ pour le 7ème art. A défaut de pouvoir couvrir les lourds frais de production, ce nouvel album sort accompagné d’une bande-dessinée (offerte avec les éditions vinyle ou coffret). Exit les conquêtes interstellaires, les voyages dans les constellations neuronales de l’être humain, ici nous sommes en plein théâtre shakespearien dans lequel il est question d’amour par delà la mort, de trahison, de condition sociale, de jugement au poids de l’âme. On imagine tout à fait cette pièce prenant vie sur scène à la manière d’un Fantôme de l’Opéra davantage électrique et éclectique.

Dans ce double disque (qui aurait pu être monté en un seul… je ne suis pas un grand amateur de l’écoute interrompue), même si l’on retrouve quelques relents médiévaux à la manière de « The Final Experiment », des arrangements puissants façon « Flight Of The Migrator », ou encore l’utilisation de sonorités aérées de GUILT MACHINE, « Transitus » a une personnalité toute particulière. Dans le pur savoir-faire cinématographique, l’album fonctionne autour de quelques titres phares (le groovy et jazzy « Listen To My Story », le folklorique « Talk Of The Town », l’énergique « Get out ! Now !», etc), de temps posés, feutrés, installant les ambiances et d’une succession de thèmes associés aux personnages ou situations (ah ce fameux thème de l’ange de la mort incarné par Simone Simons (EPICA)!). Ceux-ci réapparaissent donc à diverses reprises au fil de l’histoire, facilitant ainsi l’assimilation de l’œuvre. Moins complexe sur la durée et plus accessible que le reste de la discographie d’AYREON, « Transitus » se fait vite entêtant.

Côté distribution, le livret fait de prime abord moins mouche que les précédentes productions du génie néerlandais, nous retrouvons néanmoins la voix de cristal de Tommy Karevik (SEVENTH WONDER, KAMELOT) qui s’impose comme le personnage principal et pose ci et là de subtiles interventions qu’aurait apprécié Freddy Mercury. Parmi les guests, sont à saluer les prestations habitées de Dee Snider (TWISTED SISTER) qui avait déjà poussé l’exercice de la comédie musicale avec son album « Dee Does Broadway », Paul Manzi (ARENA) convaincant sur fond de flûte et de clavecin, Amanda Sommerville ou encore Michael Mills (dans le rôle un brin inutile d’une statue animée). Mais surtout, je ressors marqué par les interventions très typées de Tom Baker (le fameux « Docteur Who ») à la narration (alors oui, bien sûr, mieux vaut ne pas être allergique à l’exercice des ruptures narrées), Johanne James (batteur de THRESHOLD) pour qui je découvre ici une voix qui mériterait amplement de prendre davantage position dans de futures productions, et Cammie Guilbert (OCEANS OF SLUMBER) qui restera LA révélation du disque. Loin des habituelles vocalises des chanteuses de Metal dit symphonique, l’Américaine développe un timbre suave et soul des plus originaux.

Comme dans toute œuvre d’Arjen, l’album est parsemé d’interventions lumineuses de guitares. Ici, le compositeur poussera même le vice en s’adjoignant les brefs mais mémorables services de Joe Satriani et Marty Friedman !

S’il y a une faiblesse à pointer, je la situe au niveau de l’histoire, qui manque d’une intrigue bien plus aboutie. Au-delà de cela, fort de ses 22 titres, si tant est que l’on sait se laisser porter par l’idée de la comédie musicale, le nouveau chef d’œuvre de Monsieur Lucassen est un voyage progressif aux harmonies touchantes, aux orchestrations très développées, au lyrisme puissant et majestueux, dont il faudra peut-être un peu de patience pour en dompter toutes les subtilités… mais vu la période, il semblerait que vous ayez encore un peu de temps à tuer… alors bienvenue dans cette étrange dimension entre paradis et enfer : Transitus !

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2 commentaires sur “[Chronique] AYREON – Transitus”

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