[Chronique] ANGRA – Secret Garden

Bernard-Henri Leviathan
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Note : 6/10

« En voulant atteindre l’horizon, j’ai connu l’instant magnifique qui fait pleurer les anges. 
Sur la terre sainte qui restera à jamais gravée dans mon sang, j’ai entendu l’appel à la liberté tandis que les feux d’artifices signaient la fin d’un âge béni. 
La vie n’est que renaissance car le temple des ombres s’efface à chaque matin surgissant. 
J’ai survécu aux eaux tumultueuses pour m’échouer dans le jardin secret… espérant simplement ne pas donner, ici, mon dernier souffle. »
 
C’est pourri hein ? Oui mais on ne me la fait pas à moi.  

S’il ne devait y en avoir qu’un, ce serait ANGRA. ANGRA aux premiers jours et, presque 20 ans après la sortie de « Holy Land », ANGRA toujours. Connaissant son œuvre sur le bout des doigts, elle serait presque devenue une méthode de drague pour gens dans le besoin, parce que, oui, deux secondes suffisent à ce que je vous ponde l’un de ces poèmes pourris avec les titres de la discographie. 
Ultime fan, assurément, je le revendique. Mais, j’y reviens, on ne me la fait pas à moi. Pierre Desproges disait : « La déception profonde, la vraie, ne peut venir que d’un véritable ami ». Et aujourd’hui, me voilà déçu.
 
On ne va pas revenir en détail sur toute l’histoire. ANGRA, c’est au départ l’un des grands acteurs de la scène Metal issue du Brésil. Une période extraordinaire, innovante, magique comme jamais, sous la houlette d’Andre Matos, chanteur inimitable. Un divorce donnant naissance à deux entités : ANGRA d’un côté repris par ses deux guitaristes, SHA(A)MAN de l’autre fondé par le reste du groupe. Une renaissance donc, avec des hauts mais aussi des bas jusqu’au départ d’Edu Falaschi qui avait su remonter le groupe et lui donner une nouvelle identité vocale.
 
J’avoue avoir été très sceptique avec l’arrivée du célèbre italien, Fabio Lione. Non pas que je n’aime pas son timbre mais Fabio, c’est une autre histoire, celle du sympho européen, celle symptomatique d’une époque, celle devenue parodique au fil des ans, là où ANGRA a toujours réussi à aborder la chose avec finesse, sagesse profonde, la conception sud-américaine certainement, sublimée par une certaine magie ancestrale. 

Déjà ce « Angels Cry 20th Anniversary Tour », double album live aux accents fort nostalgiques sorti en 2013, présentait le chanteur alors en intérim offrir des versions somme toute assez caricaturales. Quelques mois plus tard, nous voici face à « Secret Garden », concept album à la réflexion métaphysique, et le mot le plus juste qui me vient à l’esprit est : déconvenue! 

Nouveau chanteur donc mais également nouveau batteur en la personne de Bruno Valverde, après le départ-retour-redépart de Ricardo Confessori. 
D’entrée de jeu, le groupe se situe visuellement en rupture avec ce qu’il a pu proposer auparavant. Exit les ocres et la chaleur exotique, l’atmosphère sombre du graphisme accompagne l’effet presque industriel de l’introduction de « Newborn Me » (oui, la renaissance est un sujet maintenant récurrent chez ANGRA). Jusque là, rien de dramatique, le groupe s’offre une évolution méritée. Cependant, un peu plus tard sur l’album, il y aura comme le sentiment qu’ANGRA s’est perdu en chemin… 

A l’ouverture de l’album, trois titres sauront rassurer quelques fans car la recette n’est pas forcément mal engagée. On y repèrera notamment un lot de percussions tribales et de guitare classique pour tenter de nous rappeler qu’on n’est pas très loin de la maison. « Black Hearted Soul » est un morceau qui aurait d’ailleurs pu figurer sur « Rebirth ». Le savoir-faire unique de la paire de guitaristes reste évident (Kiko Loureiro sait toujours offrir des interventions magistrales et ce, tout au long de l’album) et le travail mélodique est bien présent. Certaines lignes de chant auraient notamment pu être composées pour Edu Falaschi tant Fabio Lione s’applique parfois à l’approcher. Cependant, l’idée de cliché, d’auto-parodie n’est jamais lointaine non plus.  

« Storm Of Emotions », la ballade inlassablement placée en 4ème piste, introduite par la basse de Felipe Andreoli, commence de belle manière par une tension émotionnelle palpable à la manière de DREAM THEATER sur un album comme « Awake » mais le refrain nous rappelle qu’il s’agit juste, en fin de compte, d’une ballade de plus. Si l’on reconnaît le style, on ne reconnaît pas la classe et c’est bien cette dernière qui définissait ANGRA. Notons néanmoins, une intervention vocale de Rafael Bittencourt (au timbre ici proche de celui de Jasper Steverlinck dans le GUILT MACHINE d’Arjen Lucassen) qui sera l’une des belles surprises de l’album puisque nous le retrouverons sur plusieurs autres titres en duo ou en solo. 

Rafael qui emprunte le micro ce n’est pas nouveau mais, alors qu’on le sent encore hésitant à prendre le devant de la scène, j’en viens à me demander si ANGRA n’aurait pas mieux fait de l’employer à ce poste à temps complet plutôt que d’aller chercher du grand nom pour attirer le regard. Parce que, au delà de Fabio Lione, cet album fera également office de lieu de rencontre avec des guests qui ne me semblent pas foncièrement indispensables. Ainsi, Simone Simons débarque sur « Secret Garden », un titre qui aurait rejoint ce qu’avait initié Andre Matos avec « Moonlight » du temps de VIPER (cette chanson au lyrisme incroyable) s’il ne retombait pas rapidement dans le simple piège du Metal à chanteuse comme sait si bien s’embourber EPICA (forcément!). Un peu plus loin, c’est Doro la prêtresse qui vient partager le micro avec Rafael pour un « Crushing Room » sympathique mais sans grand intérêt non plus. 

L’impression qu’ANGRA se cherche est ressentie également à l’écoute de cette reprise du « Synchronicity II » de THE POLICE ou d’un titre comme « Violet Sky ». Si l’ambiance légère du premier n’aurait pas dépareillé sur « Fireworks », là où Andre Matos aurait certainement brillé par sa faculté à transformer le commun en exceptionnel, l’alchimie avec Fabio ne prend pas et tourne même au ridicule. Le second titre lorgne davantage vers du ALMAH (on ne s’éloigne quand même jamais trop de la famille) avec son gros riff bien gras et pataud. Un titre dans lequel je ne me retrouve pas. Les couplets aux relents PAIN OF SALVATION, le break vocal et la brillante subtilité de Kiko tentent le sauvetage du titre mais le rendu général reste assez fade.  

Heureusement, à la huitième piste arrive « Upper Level » est comme son nom l’indique, on repasse au niveau au dessus, celui que n’aurait jamais dû quitter ce groupe. Le morceau présente un visage très jazzy et progressif. Une intro de basse, des percussions typées lounge et le ton se réchauffe. Plus lyrique, les chœurs fragiles typiques de l’âge d’or du groupe reprennent du service, notamment sur ce passage a capella de toute beauté faisant suite à un break en polyrythmie. Ca, c’est du ANGRA ! On retrouve la sensibilité du groupe l’espace d’un instant.  

Le temps d’un « Perfect Symmetry », plus symmetry que perfect d’ailleurs, on vogue en pleine speederie caractéristique. Très technique et mélodique, la chanson renferme un intense passage symphonique mais peine à sortir des sentiers battus. L’album se termine sur « Silent Call », une ballade agréable à l’esprit gospel, plus pop, et non éloignée de l’esprit d’un certain Roger Waters, signée Rafael Bittencourt. 

Si « Secret Garden » déçoit, il ne s’agit pas non plus d’un album foncièrement mauvais. Je suis d’ailleurs certain que bon nombre de fans de power, de prog sympho et autres appellations à rallonge l’apprécieront car il propose également quelques trouvailles. Cependant, il suffit de se remettre par derrière un inimitable « Holy Land » ou « Aurora Consurgens » pour se rendre compte que le gage de qualité, auquel ANGRA prétendait auparavant à chacune de ses sorties, n’est plus… « Secret Garden » restera, pour moi, anecdotique et à la saveur superficielle, notamment de par l’interprétation de Fabio Lione. 

Entre un Andre Matos coincé dans ses tournées hommage à VIPER et ANGRA, un Edu Falaschi poussif dans ALMAH et un ANGRA qui perd de sa superbe et continue à se chercher, il semblerait que personne ne soit actuellement en mesure de combler le vide laissé par cette formation au potentiel incroyable à l’aube des années 2000. Déconvenue je vous dis et ce n’est pas donné à la légère…
Fabio dans Angra m’aura au moins permis d’écrire toute une chronique en gras et en italique.

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