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Retour sur la chronique d’un premier album auto-produit et sorti en 2014.
Un petit voyage, dépaysement assuré, cela vous dit ? Allez, suivez-moi, c’est parti !
Nous allons pour l’occasion nous rendre en Norvège. Terre d’illusions, où la brume se lève sous un soleil blafard, où des êtres légendaires prennent au matin une forme de pierre, où le vent froid caresse l’écorce des arbres comme s’il s’agissait de la peau d’un géant assoupi et où les gens savent que la magie des temps anciens est loin de s’être à tout jamais tarie.
Illusion se dit Synkvervet en norvégien, vocable issu des sagas nordiques, et cela tombe bien car c’est justement le nom du groupe dont je vais chroniquer l’œuvre ce soir. Avouez que le hasard fait bien les choses !
Qui dit illusion dit forme changeante. Synkvervet fut à l’origine conçu comme un projet solo et instrumental pensé par le guitariste, bassiste et compositeur Ingemar. Nous étions alors en 2011. Mais il apparut vite évident que des voix devaient se joindre à la musique en train de naître. Ingemar fit alors appel à son ami Truls et prit alors forme quelque chose de nouveau, mêlant le black caverneux à une atmosphère mélancolique et angoissante, un folk agressif tressé dans le fil des légendes nordiques. Durant l’hiver 2013 sort le premier effort du groupe, Vår Avmakt. Mais le projet ne correspond pas encore à ce que les musiciens ont en tête et quelques mois plus tard ils travaillent déjà sur le nouvel effort, recherchant un batteur et une guitare supplémentaire. Deux chanteurs sont également invités, Niclas et Christina, afin d’assurer la voix claire masculine et le chant soprano nécessaires pour donner de la féerie à l’ensemble. L’osmose est telle que ces invités vont vite devenir des membres à part entière du groupe désormais au complet.
Illusion ensuite sur le plan musical, Synkvervet se plaisant à brouiller les pistes, créant des atmosphères aux multiples influences. La rage du black primal se heurte aux mélodies du death metal, constante sur l’ensemble des pistes. Nous sommes en Norvège, et c’est comme si quelque troll hirsute se plaisait à sortir de son domaine souterrain pour nous conter de terribles histoires. L’œuvre est parcourue de puissantes vagues orchestrales et traversé de relents folk fort agréables, comme sur « Breathtaking » et « Angelfall« . Le piano traversant comme un fantôme « Ektet i Elven » mêle adroitement enchantement pur et forte mélancolie. Lorsque la voix angélique de Christina intervient, brisant l’écueil agressif du chant rageur, on pense à la musique du défunt groupe Siebenbürgen. L’ensemble se colore parfois d’accents gothiques lorsque Niclas intervient, sa belle voix claire tranchant avec la rugosité des hurlements infernaux. Les orchestrations sont habiles, et m’ont tout de suite évoqué – même si elles sont beaucoup moins complexes et basées sur moins de variété au niveau des instruments -, la musique de Lumsk, groupe également norvégien et dont je suis particulièrement friand. Je pense plus particulièrement à celle déployée sur leur premier album Åsmund Frægdegjevar. La ressemblance est essentiellement dans la capacité du groupe à tisser avec leurs instruments et leurs voix une ambiance propre à l’univers magique des fjords et forêts scandinaves. Comme chez Lumsk d’ailleurs, le chant s’exprime dans la langue natale du groupe – même si quelques passages sont interprétés en anglais -, choix judicieux renforçant l’approche féérique et permettant au groupe d’affirmer une forte personnalité – les passages dans la langue de Shakespeare lui laissant cependant une ouverture vers l’international.
La force du groupe est de brouiller les pistes, de faire s’interroger sans cesse sur ce à quoi nous sommes confrontés. On bascule d’un écho à la Tristania aux vagues tranchantes et acérées du black symphonique à la Dimmu Borgir (« Horns of Vengeance » et son approche frontale, brutale), on confronte le gothique au black rageur (« Inner Sanctum« ) pour ensuite peindre un merveilleux paysage avec « Hulderlokk » et la voix lyrique de Christina (qui devrait à mon sens pousser un peu plus loin son talent, jouant trop ici en deçà de ses capacités).
Les arrangements sont habiles et somptueux, la production parfaite. Et quand on sait qu’aucune major n’a signé ces norvégiens-là, on peut se demander comment les lascars en sont arrivés à produire une musique aussi complexe et variée, si parfaitement mise en valeur. La preuve s’il en était besoin que la réussite ne se jauge pas à l’argent mis en jeu. M’est cependant avis que Synkvervet devrait prochainement trouver un label s’intéressant à leur jeu…
1 commentaire sur “[Chronique – album 2014] SYNKVERVET – Trollspeil”