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Ziggurat… un nom qui fait penser à la sombre et antique Babylone, aux sumériens, aux dieux et démons anciens de ce fabuleux panthéon, Nergal et Marduk en tête. Un nom qui servit de patronyme à maints groupes d’horizons assez divers… mais pas trop. Prenons les ricains death-heavy-thrasheux forcément nommés The Ziggurat, passionnés deLovecraft et d’histoire des… sumériens. Puis les turcs black-gothic-death de…Ziggurat. Il y en a probablement d’autres mais il faudra désormais compter avec les israéliens de… Ziggurat ! Vous suivez ? Inutile de tergiverser, il ne s’agit pas ici non plus de metal atmosphérique ou de hard FM. Non, Ziggurat version hébraïque, c’est du black/death bien virulent qui débouche les cages à miel. Deux hommes sont derrière ce projet, né en 2014, et qui nous sort aujourd’hui son premier EP, Ritual Miasma : Mørk, qui se charge des guitares et du chant… enfin,… du growl, et Tohu – aussi connu sous le nom de Ido Harmen Noy (Nihilistic Legion) –, qui se charge quant à lui de l’autre guitare et de la basse. Et même s’il ne semble être qu’un musicien de session, n’oublions surtout pas de mentionner Menthor à la batterie, car il réalise ici un travail particulièrement mis en avant, même si le résultat paraît parfois un peu trop… organique !
Si vous attendez de cette offrande opiacée une ambiance orientale à la Orphaned Land ou encore Melechesh, deux groupe israéliens à forte personnalité, vous serez un brin déçu. Mais après tout, pour quelle raison l’origine géographique devrait déterminer le style musical, sa déclinaison ? Il y a bien des américains jouant du death à forte consonance égyptienne (Nile), des grecs attirés par les démons mésopotamiens (ils se nommaient encore Septic Flesh et leur somptueux Sumerian Daemons résonne encore dans les mémoires), alors pourquoi pas des israéliens jouant une musique trouvant ses racines dans un black/death quasiment scandinave (il n’est pas interdit de penser aux première œuvres d’Emperor) ?
L’étiquette black/death d’ailleurs, comment cela se traduit-il chez Ziggurat ? Il faut tout d’abord rajouter le mot “occult”, car l’oeuvre est indubitablement sombre, lourde, poisseuse, prenant à la gorge avec des doigts griffus et vous soufflant au visage, l’haleine chargée de relents de fosse commune. L’artwork de Boris Haimov, est à ce titre clair : trois ombres encapuchonnées, ça ne va certes pas vous conter une berceuse ! Les textes sont également clairs sur le sujet, même s’il est préférable d’avoir le livret sous les yeux ou d’avoir une Maîtrise en growl des cavernes, car sinon, le gaillard qui s’époumone pourrait tout aussi bien vous réciter le bottin ou une liste de courses.
Pour la musique, le black metal est clairement représenté à travers la lourdeur hypnotique des riffs, les guitares délaissant les solis typiques du death au profit de ces sortilèges savamment tissés afin d’envoûter l’auditeur. Les nappes de claviers présentes en multiples couches sur l’intro sont également typiques du genre, propres à créer une atmosphère d’emblée étouffante, renforcée par un son de brasier marquant probablement les portes de l’Enfer.
Pour ce qui relève du death, la voix rugueuse de Mørk se passe de commentaire. Puissante, rauque à souhait, elle se lance parfois dans des cris plus aigus dignes d’un esprit forcené (דיבוק). Les blasts frénétiques, ralentissant parfois sur des rythmiques plus martiales (Summoning the Giant Serpent), couvrent la palette habituelle du death metal, avec toujours cette approche organique, un peu artificielle hélas, ce qui est d’autant plus préjudiciable que l’instrument est largement mis en avant, souvent au détriment des guitares – on regrette alors les solis techniques, surtout quand les quelques velléités à ce sujet sont noyées dans le fracas des blasts.
Pour un premier effort, Ziggurat nous donne un aperçu de son potentiel, mais aussi de ses carences. Sur cinq morceaux, soit vingt minutes de zique, il faut tout de même compter une intro (courte et ambiante), et une ultime piste instrumentale – logiquement limitée par le manque d’orientation technique et de solis -, ce qui laisse peu d’espace aux “véritables” morceaux. Sur ceux-ci cependant, il faut bien avouer que le mix des genres black et death devient vite quelque chose d’unique, de vraiment personnel, qui s’avère assez addictif, malgré un aspect quelque peu répétitif – mais c’est là le propre des incantations, et Ritual Miasma en est indéniablement une… On passe du blasting typé black de דיבוק aux riffs plus typiques du death mélodique de Summoning the Giant Serpent.
A recommander à ceux que le mélange des genres black et death ne repousse pas, et à tous ceux que l’occulte en général attire, en espérant juste très fort que le prochain effort des israéliens offrira plus de variété et de prise de risques côté guitares.
Pour les collectionneurs, une édition limitée en version cassette est déjà sortie chez Caligari Records. Ceux qui préfèrent les vinyles ou les galettes argentées, il leur faudra se diriger vers le label Blood Harvest et attendre le mois de mars.
29 janvier 2018