[Chronique] THE FERRYMEN – The Ferrymen

Herbert Al West - Réanimateur Recalé
Les derniers articles par Herbert Al West - Réanimateur Recalé (tout voir)
Rating:

Facebook

Quelle magnifique pochette que celle que nous offre l’artiste montant Stan W. Decker (Awacks, normal, c’est son groupe, mais aussi Timo Tolkki’s Avalon, Thrashback, Blackmore’s Night, Vanden Plas, Stryper, Nephren-Ka… ouais, il est très éclectique le gaillard !). Un sinistre vieillard, impassible nocher, manœuvre un frêle esquif, éclairé par une antique lanterne, sa barque chargée de deux squelettes dont les orbites de l’un brillent encore d’un feu ancien. Une rive se découpe dans le fond, sous l’œil éteint d’une lune blafarde masquée par des nuages d’orage, et nul doute n’est plus permis, nous sommes sur le Styx, autrement dit sur le point de passer de l’Autre Côté,… crossing the dark river, promess I will deliver your soul to the other side… comme le dit si bien la chanson presque éponyme. Tremblez pauvres mortels !!!

The Ferrymen, pour ceux qui se demanderaient à ce moment de la découverte de l’album, au détour d’un bac de disquaire (ça existe encore !), ce que cache ce nouvel arrivant dans le monde du metal, c’est simple, c’est marqué en dessous du nom, bien visible, en sous-titre pour les malentendants (qui auront d’ailleurs bien du mal à profiter du disque, les pauvres) ! Magnus Karlsson, Ronnie Romero, Mike Terrana. Et là, on comprend mieux, surtout après avoir écouté une première fois la chose. Le sens de la composition de Karlsson (Starbreaker, Primal Fear, Allen/Lande, Last Tribe, Place Vendôme…), le timbre si précieux de Romero (Lords of Black, LA nouvelle voix de Rainbow sur les concerts en forme de revival orchestrés par Mister Blackmore himself et sans le reste du line-up d’origine, ouais, un peu frustrant d’être la voix d’un groupe qui ne compose plus – pour le moment, mais qui sait… – et joue avec les échos du passé…) et la frappe de colosse de Terrana, le mec en marcel avec la banane blonde, « jeune » brute (57 ans !) ayant officié chez Malmsteen, Tarja, Axel Rudi Pell, Vision Divine, Hardline, Terrana (ben tiens !), des milliers d’autres formations, la légende prétendant même qu’il était aux côtés de Léonidas dans le défilé des Thermopyles pour frapper à coup de massue les hordes perses, les fauchant par centaines… Avec un tel line-up, signé chez Frontiers, the label of the metal mélodique, et en sachant que Karlsson fut recruté en premier pour orienter le son du groupe, nul doute que l’on sait un peu à quoi s’attendre. Le groupe est d’ailleurs ici ou là annoncé comme une version bis d’Allen/Lande avec un mec avec la voix de Ronnie James Dio au chant. Un peu réducteur, mais pas totalement faux non plus.

Dès le début de End of the Road, on sent la différence… et la ressemblance. Une intro toute en finesse, légère, avec du piano et des chœurs d’anges, puis l’entrée MASSIVE de la rythmique, bien plus pesante que chez l’autre all star band du sieur Karlsson. La production vient carrément de Jupiter, imposant une gravité tellement élevée qu’elle pourrait bien en briser plus d’un dès les premiers assauts de la guitare sursaturée et des frappes de colosse martyrisant les fûts. Il fallait au moins ça pour Terrana, libre ici de développer sa puissance naturelle tout en se concentrant sur la précision des toms, qui vont descendre en rafale. Puis la voix de Romero déboule, imposant vite sa personnalité, avec ce timbre plus proche de celui de Jorn Lande (tiens donc…) que de Ronnie James Dio (bon, en même temps, comme on dit que Lande a la voix de Dio…). Ce mec-là est carrément incroyable et va vite s’imposer comme un nouveau maître étalon en terme de puissance et de véhicule d’émotions. J’ai longtemps cherché comment le définir et j’ai finalement refilé le taf à mon fils de 13 ans, à tout hasard, et le bougre a tout de suite trouvé le terme que je traquais en vain : le chilien a un timbre « en-ve-lop-pant », merci fiston ! Ecoutez le titre presque éponyme : ça saute aux oreilles, ça vous attrape le cœur d’une main et ça vous laisse la même tronche que lorsque la nana que vous visiez étant jeune vous a répondu pour la première fois d’un sourire à vous tâcher le devant du caleçon (si c’est derrière que ça vous l’a fait,… nul doute qu’elle vous a d’un coup rayé de sa liste !!!). La voix sort, elle prend de la puissance, comme une tempête qui enfle et se nourrit d’elle-même, elle avance comme un mur, un tsunami, écrase le moindre obstacle, te heurte et te soulève, embrassant la moindre fibre de ton corps et ne te lâchant que lorsque l’orage est passé… c’est à dire à la fin du morceau, de l’album, et malheur à toi si tu as appuyé sur la touche replay, t’es pas prêt de retomber ! Le mec m’avait déjà bluffé sur Lords of Black, avec une voix sur le premier opus rappelant, outre les grands Ronnie James Dio et Jorn, les capacités d’un certain Tim « Ripper » Owens, et là il me cueille à nouveau, moins agressif que sur son groupe espagnol (surtout le II, carrément jouissif tant il s’y montre féroce), mettant en avant l’émotion, aidé par la formidable capacité que possède Karlsson à ficeler des mélodies à tomber.

De nouveauté, de personnalité, il n’est point ici question, car on évolue en terrain parfaitement balisé, connu. C’est simple, on a plus d’une fois l’impression d’entendre un quatrième volet des aventures d’Allen/Lande. Mais attention, Fool You All (ah, ce mot fool, tel qu’il est chanté, renvoie sans cesse au grand Ronnie !), Still Standing Up, How The Story Ends et Enter Your Dream n’ont rien de chutes des albums précités et possèdent les mêmes qualités qui ont fait le succès de leurs aînés. Et même si l’on se dit qu’ils auraient pu être interprétés sans peine par Lande, Romero ne souffre jamais la comparaison tant sa puissance et sa maîtrise sont ici évidentes. Il se montre d’un appétit sans nom sur le mid-tempo Cry Wolf, probablement le meilleur titre de l’album et single en puissance dans la possible future discographie du groupe (mais avec un all star band, allez savoir ce que futur veut dire…), enrichissant le titre de son timbre chaud et d’une force qui parait sans limite. Sur la power ballade One Heart, il se révèle aussi ravageur qu’une étincelle jetée en plein cœur d’une forêt de pins asséchée (cherchez pas, j’ai travaillé cette chronique non loin des massifs qui ont flambé cet été !), resserrant son étreinte sur le refrain, sauvage en diable, délivrant la passion qui en temps normal tait les voix et laisse les corps se parler. Une sacrée réussite que cette chanson, dans un genre délaissé – si ce n’est par de fades sentiments – et trop souvent bâclé (on en reparlera bientôt sur une prochaine chronique, celle du nouveau House of Lords, Saint of the Lost Souls !).

Côté construction des morceaux, c’est très classique, un brin redondant. Une intro courte et séduisante (hormis celle de The Darkest Hour, avec son horloge diabolique faite pour te faire trembler !), une lancée de la rythmique (Karlsson s’occupe au passage de la basse et de la guitare… et aussi des claviers), l’arrivée du refrain, la venue d’un break (batterie sur Ferryman, claviers sur Still Standing Up…), renfort de la basse à ce moment précis (Cry Wolf), puis livraison du solo de la mort qui tue, tantôt rock (Cry Wolf, encore, Welcome to my Show), tantôt néo-classique (Ferryman).

Il y a cependant comme une envie de trop en faire dans cet opus, et des titres comme How the Story Ends et Eyes on the Sky auraient aisément pu être écartés de la set-list tant ils répètent le même schéma, en moins bien, prenant le risque de vider la liqueur de sa saveur. Mais The Ferrymen contient suffisamment de bons ingrédients pour emporter le combat, nous rendant amoureux avec Eternal Light, deuxième ballade belle à pleurer, légère comme un nuage d’été au sein d’un ciel céruléen, et nous donnant un sacré coup de pied au cul avec le bien nommé Welcome to my Show, bizarrement situé en dernière piste et propre à réveiller une salle tant il paraît taillé pour la scène, très « Ronnie James Dio » dans ce que ce diable d’homme avait de plus rock.

The Ferrymen n’est probablement pas l’album de l’année, et il n’y prétend pas, mais il est une incontestable réussite dans le monde du heavy mélodique, grâce à l’alliance d’un compositeur de talent, d’une voix de génie – n’ayons pas peur des mots -, et d’un frappeur qui sait ici enfin canaliser sa force. Y’a plus qu’à croiser les doigts pour qu’une suite à ces aventures déboulent !

Morceaux phares : Ferryman, Cry Wolf et One Heart

Faiblesse : deux titres de trop, pas vilains ni ingrats, mais de trop quand même : How the Story Ends et Eyes on the Sky. L’album puisant une part de son inspiration dans les années 80 (Rainbow, au hasard) devrait se rappeler qu’en ce temps les titres se limitaient à 10… ouais, je sais, c’est aussi parce qu’à l’époque y’avait pas la place sur un vinyle… mais quand même…

Share This:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *