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Courant 2019, je vous parlais d’une jeune formation Black Metal folklorique des Hauts-de-France qui sortait son EP. Je terminais la chronique par ces quelques mots :
« Prions SORCIERES, qu’il nous ponde un album complet pour confirmer son écriture et pour rafraichir l’atmosphère d’ici la prochaine canicule ! » (Le reste de la chronique est ici)
Oui, la canicule ! C’est que nous étions en plein été… Mais l’humidité nous a depuis rattrapés. SORCIERES a écouté nos prières puisque juste 2 ans après ce premier effort, le groupe sort « Empoisonné », un album de 9 nouveaux morceaux, élégamment présenté avec un visuel du plus bel effet. Cependant je dois rendre justice au groupe, car si le froid nous a rattrapés, c’est que j’ai surtout traîné à lui rendre mon papier. Voilà en effet quelques mois qu’ « Empoisonné » est né.
Pour me faire pardonner, je sors mes deniers et vous invite à prendre un godet, le temps de me laisser cet album vous conter ! J’entends un air étouffé par le vent et j’entrevois d’ « Anciennes lueurs » dans la brume. Poussons la porte de cette taverne!
Chers amis, Sorcières nous offre ici un nouveau voyage fait de riffs électriques accrocheurs, de tourments et d’instruments d’un autre âge, ne dérogeant pas à notre langue pour dérouler sa poésie noire. Tout au long du disque, on retrouve de la rage caractéristique parsemée toutefois de lueurs d’espoir car les morceaux, évoluant au gré des nombreux changements de rythme et de tempo, sont également traversés de moments de plénitude, orchestrés notamment par le violon, la flûte, le piano ou les arpèges acoustiques.
C’est d’ailleurs sur des titres comme « L’Auberge des Corps Perdus » ou encore « Les Yeux Verts » que SORCIERES trouve sa formule la plus envoûtante et emblématique, celle dans laquelle chaque instrument peut s’exprimer à loisir et où les harmonies progressent et s’entremêlent en une sombre danse. « Les Yeux Verts », « Les Yeux Noirs »… Peut-être peut-on même entrevoir un clin d’œil à la culture jazz manouche et cet héritage cher à Django Reinhardt. Il y plane en tout cas un certain fumet de pays de l’est, jusqu’aux retranchements les plus menaçants de l’orogenèse des Alpes, aux pieds des Carpates.
Si SORCIERES évolue davantage dans un mid-tempo aux ambiances travaillées, le groupe développe également ses racines extrêmes sur certains titres. « Empoisonné » dissémine ses rythmes saccadés tandis que « Cavalière des Ronces » se veut plus foncièrement brut avec quelques riffs plus modernes et le violon utilisé pour souligner des effets d’harmoniques ou de nappage. Je relève également une belle ligne de basse au sein de ce titre, à moins qu’il ne s’agisse du violon pincé… La basse, en tout cas, ouvrira d’une manière lugubre « Dans ces Eaux », le morceau suivant (avant que le violon, utilisé un peu à la manière d’un ukulélé, ne me rappelle ici Thomas Fersen… allez comprendre…). « A Feu et A Sang », lui, s’acoquine avec le Death Metal sur le plan de l’interprétation vocale, alors que l’instrumentation se fait plus « evil » et apporte un grain de folie. J’aurais même pu parler d’ARCTURUS si la voix s’était échappée sur un versant clair.
SORCIERES a le sens de l’épique, sens dans lequel on sent toujours poindre des réminiscences Heavy, notamment dans les interprétations guitaristiques. Me vient en tête notamment « Défloraison » et sa partie instrumentale finale de grande bravoure, ou la longue pièce « Cavalière des Ronces ». Un sens onirique aussi! Pouvant évoquer ALCEST, la longue plainte poétique « Ordalie » en est un bel exemple.
Le groupe sait soigner ses sorties. Régulièrement, au risque d’en faire une formule un peu récurrente, les morceaux accompagnent les auditeurs vers le titre suivant par le biais d’une accalmie, d’arpèges médiévaux, de guitare acoustique, de pizzicati de violon, de claviers gothico-médiévaux façon MORTIIS, ou encore de feu de camp… car beaucoup d’effets sonores parsèment également le disque pour rendre la musique plus visuelle encore.
Dans sa globalité, « Empoisonné » est une oeuvre solide, développant de beaux thèmes, une oeuvre qui a été sérieusement travaillée et mise en son, bien que le traitement de la batterie me gêne un tantinet sur la durée, dans la présence du kick ou la résonance des descentes de toms (mais, attention, c’est ici purement affaire de goût!!!… et sans doute de chipotage) et que « Dans Ces Eaux » présente un solo de guitare un peu déroutant, dénotant tout à coup avec la maturité du propos. Au rang des progressions possibles, je mentionnerais le fait que si la voix de Pierre-Alain incarne très bien les vers torturés qu’il déclame, elle peut se faire un peu monotone au fil du disque. La variation attendue semble venir au dernier titre. Peut-être y a-t-il là un terrain de jeu à explorer par la suite ?
En tout cas, SORCIERES peut être fier de cet album qui renferme une foule de choses à découvrir au fur et à mesure des errances auditives et qui, nous l’espérons, lui ouvrira les portes d’une audience toujours plus large, passionnée et méritée !
Maintenant, il est tard, je vous laisse ici avant que le tenancier ne nous foute à la porte. Je le vois déjà s’impatienter. Je paie les godets, mais pas les pots cassés!
Merci pour cette chronique! 😉