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Numenor ! Par la barbe de Tolkien – que celui-ci ne portait pas d’ailleurs ! -, encore un groupe de metal devant son nom à la Terre du Milieu ! Pas très original donc, mais le procédé est devenu tellement commun qu’il ne sert à rien de gratter avec le couteau sous la viande pour relancer le débat. Admettons alors que le Seigneur des Anneaux soit en quelque sorte la Bible, le Coran ou le Talmud des metalleux, et tant pis si c’est loin d’être pour moi mon livre de fantasy préféré. Howard, Gemmell, je vous adore !!!
Les chevelus de Numenor nous viennent tout droit de Serbie, comme je vous le disais d’ailleurs sur la chronique de leur second album, Sword and Sorcery. Ce ne sont plus aujourd’hui de jeunes loups peu aguerris face au fracas des armes, mais de véritables vétérans aux vêtements couverts de sang noir d’Uruk-Haï traînant leurs guenilles sur les champs de bataille depuis déjà dix ans !
Alors qu’en est-il aujourd’hui, après un précédent effort qui avait su séduire votre serviteur avec son mélange franc du collier de power metal épique et de black symphonique, rappelant les plus belles heures des premiers Rhapsody et Bal-Sagoth ? Direction les sombres et vastes couloirs de la Moria ! Une silhouette émerge des ombres, un chevalier bardé d’acier, à la cape de velours, au bouclier d’airain et à la lame affûtée. Et ça démarre fort avec Heart of Steel, titre direct, pas du tout novateur mais efficace à souhait ! On regrette la prise de risques, l’absence de ponts et de soli fouillés, mais l’attaque est frontale, efficace, mêlant en un duel fratricide la voix claire de Zeljko Jovanovic au grunt de Despot Marko Miranovic, l’humain affrontant le gobelin des cavernes, avec une victoire de l’humain au final. Puis… arrive Carvenstone, et la silhouette entre enfin dans la lumière de tout cet or entassé par les rois nains et gardé par le terrifiant Smaug ! Et là, patatras : l’armure s’avère être de plastique, l’épée de fer blanc, le bouclier en plaqué et la cape en laine pelée. Sacrilège ! Dès les premières vocalises, on reconnait celles de Land of Immortals, des dieux transalpins de Rhapsody, et là je dis NON ! pas touche ! Ils avaient déjà plagié quelques notes sur le précédent opus (écoutez Dragon of Erebor et ses premières secondes). Une fois, allez, on peut se dire « hommage », mais deux, et de façon aussi éhontée, je crie carrément au scandale !!! Le ton a beau être différent, les paroles aussi, ce n’est plus de la parodie mais de la copie pure et simple. Alors forcément, une fois le fond du navire raclé par ce redoutable récif, mon écoute ainsi que celle de l’auditeur maîtrisant un tant soit peu son power metal sur le bout des ongles, elle coince un peu aux entournures et vous chatouille désagréablement les oreilles. Rajoutons quelques incohérences, comme cette voix féminine – magnifique au demeurant ! -, d’elfe chantant au cœur du morceau Moria. Mais que fait donc cette voix de cygne au sein des vastes cavernes des héritiers de Durin ? Et les claviers de Mladen Gosic, dont le parfum « old school » (ouais, Rhapsody a 20 ans quand même !) avait quelque chose d’attrayant sur Sword and Sorcery, propres à créer de délicieuses ambiances féeriques, deviennent soudain datés, empâtés, et alourdissent un propos de plus en plus embarrassant. On sent moins l’influence de Bal-Sagoth pour le côté épique et obscur – tout juste quelques envolées byroniennes ici ou là, côté vocaux ou claviers – les ombres se faisant plus Dimmu Borgiennes. Bon, pourquoi pas ? Les nains et les orques sont brutaux, et leurs affrontements sur les ponts enjambant de vertigineux gouffres ne peuvent que sortir grandis de voix plus rugueuses et d’envolées violentes. Mais tout cela reste bien trop sage, bien trop linéaire, sans la moindre prise de risque alors que sifflent les flèches et tombent les rocs au fond de l’obscurité où se terre le Balrog. Alors ok, il y a une surprise de fin, avec la reprise du Valhalla de Blind Guardian, fort bien adaptée au style plus rugueux des serbes. Mais c’est bien peu, même si voilà peut-être une direction à prendre – le style, pas le jeu de la reprise !
Alors ici ou là, on aura bien sûr pris un peu de plaisir, notamment avec The Last of the Dragonlords et Over the Mountains Cold, certes ultra prévisibles à tout moment mais fort agréables à écouter, mais on aura aussi regretté le manque de moyens sur l’instrumental Realms Beyond, terriblement pompeux et cheap, sur lequel il me plait cependant à penser que le tout joué à l’orgue d’église, voire de cathédrale, aurait pu donner quelque chose de monstrueux. Bon, après tout, si des fois vous n’avez jamais écouté de Rhapsody, de Dimmu Borgir ou de Bal-Sagoth, parce que vous vous êtes par exemple retrouvé échoué sur une île déserte il y a de cela 20 ans, Numenor pourrait devenir pour vous source de coupable plaisir. Mais dans les autres cas, ce troisième opus des serbes risque fort représenter un faux pas au sein de l’écurie Stormspell Records, qui nous a habitués à tellement mieux dans le domaine « groupes naviguant sur des eaux déjà connues ».
Allez, on se dit que la prochaine sortie sera plus enthousiasmante !