[Chronique] CARTHAGODS

Bernard-Henri Leviathan
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Note : 7,5/10

Être metalleux pratiquant et venir de Tunisie comporte son lot de bonnes difficultés mais également ses avantages. Imaginez d’abord CARTHAGODS, groupe créé en 1997, sortant son premier album en 2015… entre problèmes de stabilisation du line-up inhérents à bon nombre de groupes, réceptivité culturelle balbutiante pour ce courant musical et contexte politique mouvant, tous deux relatifs au pays, il en faut de la passion et de la ténacité pour aboutir à ses fins 18 ans plus tard. On se croirait en plein trip ANVIL !

La scène Metal tunisienne est très réduite sur le plan international. On a bien sûr MYRATH en tête et bien qu’il ait maintenant largement dépassé les limites de son pays, né en 2006 il n’en ait que le cadet de CARTHAGODS. Il faut dire qu’en 1997, jouer du Heavy Metal en Tunisie est chose qui relève de l’exception. CARTHAGODS prend alors des airs de pionnier… Au-delà de cela, les recherches sur le net ne me donnent pas plus d’une cinquantaine de noms sur le territoire. Dans ces conditions, on peut se dire qu’il peut être plus évident, le talent en plus faisant, de se positionner sur des événements locaux majeurs et partager son art avec des têtes d’affiches imposantes. C’est alors que le groupe a pu jouer sur les événements « Rock Tunisia », ouvrir pour ANATHEMA, EPICA, DARK TRANQUILLITY, jammer avec Kiko Loureiro, Fabio Lione, rencontrer Bumblefoot, Tim ‘Reaper’ Owens, Max Cavalera, etc. Et ceci explique la présence de plusieurs guests sur cet album.

Si j’ai d’abord cru à un gros effet d’annonce quant à leur présence, me méfiant de ce type d’entreprise annonçant souvent du grand nom pour vendre un contenu qui a du mal à se vendre par lui-même, le groupe dit avoir voulu sortir un disque à l’image de son histoire. Un premier album, signé sur le label allemand « Hands Of Blue », résumant donc ce qu’est CARTHAGODS avec les rencontres faites en chemin. Si certains apportent un petit plus, tous ne sont véritablement pas indispensables.

Première petite déception : après 18 ans de vie (interruptions comprises) et la découverte d’un artwork plutôt bien fichu (œuvre de Niklas Sundin de DARK TRANQUILLITY), 8 titres dont une reprise et une version acoustique d’une des 6 autres chansons, avouez que ça fait très léger !

Commençons par ces 6 morceaux originaux. CARTHAGODS pratique un Heavy Metal assez costaud dont les accents lourds me rappellent des groupes comme ICED EARTH (les accords clairs sur « Shadows » renvoient directement au « Horror Show » mais il y a également la manière d’appréhender les harmonies vocales, les accords et arpèges sur des titres comme « A Last Sigh »), SYMPHONY X dans le choix de rythmiques incisives (« My Revenge ») ou encore KENZINER (« Eater Of Sin »), clavier en moins. Cette dernière référence, c’est notamment à la voix de Mehdi Khema qu’on la doit : puissante, rocailleuse avec ce grain caractéristique. Au-delà de Stephen Fredrick (KENZINER), on pensera également à Tim Aymar (CONTROL DENIED) ou encore Jeff Scott Soto mais ça, j’y reviendrai.

Le côté néo-classique, lui, viendra de Tarak Ben Sassi et Marcel Coenen, guitaristes au jeu impeccable et à l’approche harmonique solide, qui ont certainement pris leurs enseignements des maîtres du genre première génération comme Yngwie J. Malmsteen mais ça, j’y reviendrai aussi. Cependant, sur ce point, il est regrettable qu’un son craquant (peut-être dû à la prise de son initialement trop élevée) et le sous-mixage de la piste (peut-être en conséquence) noient parfois les subtilités solistes sous le reste des instruments. Au-delà, la production a cette chaleur du fait-maison avec les intentions d’un gros son.

Sur une base à tendance mid-tempo, CARTHAGODS sait varier son propos et les guests y aident parfois…. Et parfois non ! En ouverture, « My Favorite Disguise » se présente comme un titre très classique, voire commun, de part notamment la présence de Tim Reaper (ex-JUDAS PRIEST, ex-ICED EARTH, ex-MALMSTEEN, ex-plein de trucs) qui n’en fera pas plus que ce qu’il fait ailleurs. La composition n’est pas mauvaise, le timbre de Timmy non plus mais voilà un titre qui peine à sortir du lot et, à la limite, je préfère entendre Mehdi reprendre le micro.

Je ne suis pas fan d’EPICA, cependant, la présence de Mark Jansen venant poser quelques growls sur le lourd et presque Doom « A Last Sigh » permet de bien étayer la chose. Ron Thal (BUMBLEFOOT, GUNS’N’ROSES) apporte également un véritable plus en venant poser un solo à la folie qui n’a d’égal que lui-même (et Steve Vai… et Zappa… et…) sur « My Revenge ». Et il faut aussi dire que le solo de Marcel ou Tarak arrivant après ne fait pas tâche.

« Memories Of Never Ending Pain » n’a pas de guest mais part sur une ballade au solo très très long emmenant le morceau au-delà des 8 minutes. CARTHAGODS sait y trouver un contrepied en proposant un morceau bien plus speed et à l’âme néo-classique avec « Eater Of Sin ».

Les mélodies vocales ne sont pas forcément identifiables tout de suite et il faut parfois plusieurs écoutes pour les ancrer solidement en tête. Certains morceaux gagnent même en intérêt dans l’assiduité de l’écoute.

Je vous parlais d’une reprise. Assez logiquement, et semblant naturelle, « I Am A Viking » d’Yngwie J. Malmsteen s’intègre complétement dans le registre de CARTHAGODS. Même manière d’appréhender le mid-tempo, enseignements guitaristiques suivis par de bons élèves vous disais-je et voix ressemblant à s’y méprendre à celle de Jeff Scott Soto (exceptée dans la note aiguë du refrain qui coince malheureusement ici), ceci pour une reprise totalement similaire à l’originale, tant qu’on pourrait croire à une version de ’85 !

Enfin, l’album se termine par la reprise acoustique de la ballade « Memories Of Never Ending Pain » où Zuberoa Aznarez (DIABULUS IN MUSICA) apporte son concours au refrain pour un résultat ne m’émouvant pas spécialement. Le principal intérêt que je vois à cette version est d’avoir la variation de la guitare acoustique, notamment dans ce magnifique solo, et des percussions (par Hans T’ Zandt (MADMAX)) apportant un peu de racines à cet album, percussions qui pourraient être intéressantes à exploiter à l’avenir sur des compositions électriques.

Voilà un album fait par d’excellents musiciens qui n’ont jamais lâché leurs rêves. Et s’il est dommage d’avoir un produit un peu maigre, manquant parfois de grosse accroche et étouffé par l’aspect, même si non voulu, marketing de tous ces noms, CARTHAGODS a aussi des arguments solides pour le faire reconnaître au-delà des frontières de sa Tunisie natale. A vous de jouer votre rôle en l’aidant à grimper. Et puis, reconnaissons que l’histoire est belle.

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1 commentaire sur “[Chronique] CARTHAGODS”

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