[Chronique] AZARATH – In Extremis (2017)

Herbert Al West - Réanimateur Recalé
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En ces temps de violences perpétrées au nom des religions, beaucoup d’états souverains regardent avec sévérité le moindre signe d’agressivité à connotation religieuse. Et le monde du metal extrême, notamment le black metal, n’est pas en reste de cette tendance (censure ?), même si l’époque où de magnifiques églises scandinaves étaient brûlées par des fanatiques sataniques décérébrés paraît pour beaucoup révolue, quand elle n’est pas tout simplement considérée comme un mythe par les plus jeunes d’entre nous. Et en cette matière, la justice polonaise n’est pas des plus conciliantes, puisqu’elle a récemment condamné les producteurs du groupe norvégien Gorgoroth au motif d’avoir montré dans l’une de leurs vidéos (Carving a Giant pour vous éviter de chercher, et c’est vrai qu’ils ont fait fort) des femmes nues et crucifiées, ainsi qu’un Jésus tout nu et en érection (à ce qu’il me semble, car elle est toute petite !). Ils auraient peut-être alors pu leur coller un burkini, mais je crois que le résultat eut été similaire, sinon pire !

Et comme le metal extrême polonais n’est pas avare en groupes talentueux – citons pèle-mêle Behemoth, Vader, Decapitated, Crionics, Thy Disease, Kataxu et Lox Occulta -, on peut se dire que les choses ne sont pas simples, et Nergal, leader de la grosse bébête blasphématoire qu’est Behemoth (ouais, c’est plus ou moins la traduction biblique de la chose !), d’avouer se sentir plus à l’aise hors de ses propres frontières. Et oui, cela a beau ne rester que de la musique, les préjugés restent tenaces. C’est peut-être un peu pour cela que le metal extrême servi par le groupe qui nous intéresse, Azarath, a évolué depuis sa dernière livraison, l’époustouflant et apocalyptique Blasphemer’s Malediction (2011).

Si vous ne connaissez pas ce groupe, soyez maudit tout d’abord, et sachez ensuite, après avoir vomi toute votre bile dans d’atroces douleurs abdominales, qu’il s’agit du camp de vacances d’Inferno, batteur de Behemoth, et ce depuis déjà 1998. Entre deux sorties et tournées du géant polonais – d’où le faible nombre de sorties, In Extremis étant le sixième long en près de 20 ans -, le « blasteur » se régale à concocter des trucs plus frontaux, vraiment violents et carrément sacrilèges. Tout commença en effet par Demon Seed, s’enchaîna avec le bien nommé Infernal Blasting (quel jeu de mots !), avant que déboulent Diabolic Impious Evil (le meilleur selon les « true »), Praise The Beast et Blasphemer’s.

Azarath, c’est du blackened death délicieusement ou atrocement evil, crade et parfumé aux ambiances délétères, baignant jusqu’alors dans les thèmes rémanents du satanisme volontairement bas du front, des orgies allant de pair et de l’outrance anti-chrétienne. Mais attention, cela reste du décorum, tout comme Il Faut Sauver Le Soldat Ryan était un film de guerre et pas la guerre elle-même, soulignant juste ses atrocités, les petites histoires derrière la grande, montrant aussi qu’une génération s’était sacrifiée pour donner une chance à la suivante de connaître enfin la paix (ouais j’aime le cinoche aussi, mais pas le jardinage, vous êtes sauvés !). Par les temps qui courent, il est presque plus salvateur de s’adonner aux passions d’En-Bas qu’aux lectures des Grandes Écritures, et c’est peut-être aussi pour cela qu’est né In Extremis, ou du moins qu’il a pris un non négligeable changement de direction. Oh, rassurez-vous, ça blaste toujours aussi sévère, ça descend les toms à un rythme forcément infernal, mais les ambiances sataniques qui faisaient tout le charme d’un jusqu’au-boutiste Blasphemer’s – œil sur le sommet de leur pyramide selon votre humble serviteur -, se sont évaporées comme un encens chassé par un violent courant d’air, faisant place à une fougue implacablement destructrice. La voix de Necrosodom – qui entre parenthèses vient de claquer la porte après ce qui n’était que son deuxième opus avec le groupe, et c’est bien dommage car le bonhomme a apporté un sacré plus au groupe, tant par son timbre abrasif que par les accords de sa guitare – est ainsi moins crade, moins black, et donc plus death, presque du Glen Benton sur certains morceaux. Les guitares – celle de Bart surtout, c’est lui le soliste, fidèle depuis Demon Seed -, tranchent avec violence, se taillant un passage en force dans la mêlée, privilégiant moins les ambiances que sur Blasphemer’s. La six-cordes aura pourtant de beaux moments, comme sur le final apaisant du premier titre, The Triumph of Ascending Majesty, calme enjôleur après la tempête, le soli de At The Gates of Understanding, celui de Into The Nameless Night, ou encore la mélodie de Parasu Blade. Le death metal servi est véritablement sans concessions, rappelant Morbid Angel par moments (le ravageur et terriblement réussi The Slain God a par instants de faux airs d’Existo Vulgore) ou carrément Nile (sans les trémolos égyptiens : écoutez Annihilation, avec ses blasts outranciers). On retrouve évidemment un peu de l’ombre de Behemoth, comme sur Annihilation et The Slain God, mais sans la pompe mortifère des dieux polonais. Inferno a voulu plus de sobriété, de violence frontale aussi, au sein de son groupe, et plus particulièrement sur cet opus, délivré des subtilités de son prédécesseur. Il propose, avec sa force de frappe digne d’un Kollias (Nile) et le talent de compositeur de Bart, des morceaux certes peu variés mais dévastant tout sur leur passage, aidés en cela par un vocaliste de poids, dont il est bien dommage d’apprendre que le groupe vient de se séparer. Ce dernier évoque le meilleur de Marduk dans ses agressions les plus virulentes, éructe comme pas un sur certains passages, et délivre également un étonnant passage incanté en voix claire (même si emplie de rage) sur le final de The Slain God (encore lui, ce sacré morceau !).

En bref, je laisse la phrase finale à ce cher Michel Audiard, qui ciselait ses textes comme Azarath ses blasts et riffs : « J’ai connu une Polonaise qu’en prenait au p’tit déjeuner. Faut quand même admettre : c’est plutôt une boisson d’homme » (Les Tontons Flingueurs).

Morceau préféré : The Slain God ! 

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