[Chronique] ANAAL NATHRAKH – The Whole Of The Law

Bernard-Henri Leviathan
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Page Metal Blade Records

Note : 9/10

« Nous allons vivre des heures sombres » qu’il disait le vieux. Mais qu’en savait-il du fait qu’on ne s’y trouvait pas déjà ? Notre monde englué dans une triste obscurité, intoxiqué lentement par le fric, le pouvoir, la mauvaise « foi », les idées reçues…

Les Britanniques d’ANAAL NATHRAKH l’ont bien compris, eux, depuis 1999 qu’ils montent progressivement leur grande fresque, sorte de B.O. minutieusement orchestrée pour coller à notre ère…. une musique dans laquelle on retrouve toute la violence, le régime carnassier de notre humanité. Seulement parfois, et parfois seulement, la violence humaine peut être jouissive et c’est l’objet de cette dernière pierre que le groupe pose à son édifice : « The Whole Of The Law », un titre résonnant comme un tour d’horizon de la question.

Neuvième album donc et à nouveau, en prenant pour référence les évolutions du duo sur cette dernière décennie, ce « The Whole Of The Law » divise des fans, en récupère de nouveaux et fait parler de lui. Quand certains crient au génie, d’autres le réduisent à la caricature…. Vous avez déjà vu la note, vous savez dans quel camp je me situe. Rien qu’au regard du visuel d’une sombre beauté, je suis sous le charme.

Pour ceux qui viennent d’arriver, ce nouvel album réaffirme le « necro-metal » typique du groupe, fait du mariage incestueux ou contre-nature de sous-genres extrêmes tels que – grossièrement – le Black, l’Indus, le Grind, le Death, le Hardcore dans leurs formes les plus old-schools ou modernes avec une science de la brutalité et du bruitisme rarement égalée. Le groupe fait peu de quartier de son auditorat entre pilonnage de chantier, climat glauque, sépulcral et oppressant mais sait également proposer quelques surprises avant-gardistes çà et là.

Pour ceux qui suivent depuis un moment, vous l’avez sans doute déjà lu ailleurs, ce « The Whole Of The Law » poursuit le chemin amorcé par les précédents albums : un peu moins électro, un peu plus « conventionnel » (oui, toutes proportions gardées…) dans ses mélodies, avançant sur le terrain des voix claires… Certes, et pourtant outre le raffut balancé par la paire de musicos, c’est bien cette finesse distillée de manière éparse dans les morceaux qui fait, à mon sens, la réussite de ce nouveau chapitre. Le travail sur les voix est remarquable. Il y a, bien sûr, cette large palette extrême mais les passages clairs se diversifient également et s’intensifient, se faisant tour à tour habités, presque angéliques, déments ou encore possédés. Aussi, sur le très Horror Black « In Flagrente Delicto », on pourrait croire à l’intervention du facétieux SNOWY SHAW et comment ne pas penser à la grandiloquence de KING DIAMOND sur les excellents sur-aigus d’« Extravaganza ! », voire d’un GARM peinant à se dégager des saturations sur « Of Horror, And The Black Shawls » ? Même les machines chantent parfois de leur timbre étrange et désincarné (« Depravity Favor The Bold », « Of Horror, And The Black Shawls »).

Et lorsque tout se mêle entre instrumentation électrique, synthétique, saturation vocale, dans un tapage, une nébuleuse sonore où le discernement n’est plus une évidence, la guitare s’extirpe le temps d’un solo un peu fou-fou (« … So We Can Die Happy », « On Being A Slave ») ou d’un chorus mélodique, laissant entrevoir quelques références plus « mainstream » comme CRADLE OF FILTH (« We Will Fucking Kill You », « Depravity Favours The Bold »)… oui, je sais que je risque gros à tenter ce type de comparaison…

Pour le reste, c’est à dire la grande majorité de l’album, on est pris dans le foutras brutal de ces esthètes nihilistes tel un étaux menaçant nos esgourdes à chaque instant. Bien que la mise en son soit plus contrôlée et très compacte, elle donne à l’ensemble un effet écrasant dans lequel les fréquences se mêlent telle une boue épaisse. Parfois difficiles à pénétrer, elles dessinent des formes en sur-couches – comme sait si bien les manipuler DEVIN TOWNSEND – que l’on découvre au fur et à mesure des écoutes. Il faudra alors attendre les toutes dernières minutes du disque pour que le groupe concède à laisser quelques arpèges (presque) clairs dépouillés sur lesquels un dernier lead de guitare conclura sur une note fort mélodique. Ce qui peut s’avérer éprouvant, notamment de par les espaces infimes laissés à la respiration entre les morceaux, le groupe le contrecarre par des formats de chansons courts.

Sachez tout de même que la version Deluxe propose également 2 reprises assez marrantes (oui, il est possible de rire aussi, non pas d’ANAAL NATHRAKH mais avec ANAAL NATHRAKH… comme dirait Mr Keating…), enfin surtout la première puisqu’il s’agit du fameux « Powerslave » d’IRON MAIDEN dans une version Death Metal grandiloquente aux soli joyeux. La seconde, au tempo plus modéré, rendra hommage au groupe de Ska, THE SPECIALS, le temps d’un « Man At C&A ». Deux titres valant tout de même le coup et prolongeant encore un peu la claque, si d’aventure le groupe ne vous avait pas encore fait assez mal !

Au final, ANAAL NATHRAKH nous offre avec « The Whole Of The Law, un album à l’intensité rare, terrifiante, personnelle, où délicatesse ponctuelle et pure sauvagerie se côtoient de manière toute naturelle. En cette période de fêtes de fin d’année et de bons sentiments, si la misanthropie ou le gris du monde vous guettent, il ne vous reste qu’à vous trouver une bonne cave où vous enfermer, ANAAL NATHRAKH fera le reste.

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