[Chronique] ABBATH – Dread Reaver

Bernard-Henri Leviathan

Circonspect. C’est le premier mot qui m’est venu à l’esprit lorsqu’il s’est agi de résumer, au sortir des premières écoutes, mon impression à l’égard de « Dread Reaver », 3ème et nouvel album issu de l’échappée solo d’Olve Eikemo, alias Abbath Doom Occulta, cultissime personnage du grand théâtre du Metal.

Il faut dire qu’en amont, il y eut la découverte de ce visuel peu folichon. Entre ce chapeau cornu fichu de manière biscornue et cette couleur qui – si elle avait été mieux tentée du temps de « Damned In Black » d’IMMORTAL – ne sied pas vraiment au grand panda du Nord, n’y avait-il pas mieux à proposer ? Il est clair que si, au regard des quelques belles et plus sobres photos intérieures. M’enfin, d’autres diront que ce n’est qu’un visuel… (quelle hérésie !)

Circonspect le disque lu car, hormis quelques sursauts que je décrirai ultérieurement, je me suis senti comme englué dans un amas de saturation et de double pédale, distinguant avec difficulté les titres les uns des autres. Qu’allais-je donc bien pouvoir faire de cette masse sonore ? On nous avait habitués à des sons aérés depuis au moins « At The Heart Of Winter », voire bétons dès « Sons Of Northern Darkness ». Ici il faudra plusieurs écoutes pour bien comprendre les riffs, comme les soli d’inspiration Heavy-Thrash d’Ole André Farstad, ensevelis sous une épaisse couche de distorsion et une batterie placée très en avant.

Si ce n’est pour les riffs, quand on écoute IMMORTAL ou le groupe ABBATH, c’est tout de même pour cette fantastique voix de crapaud des ténèbres immédiatement reconnaissable. Malheureusement, suivant les supports d’écoute, elle peine parfois à investir l’espace. D’autant plus dommage qu’Abbath s’aventure encore davantage sur les chemins balisés par l’excellent projet d’un seul disque : I. C’est-à-dire une voix plus proche du clair éraillé, fortement inspirée par Lemmy. Et on connait la passion du Norvégien pour le défunt moustachu anglais.

Quelques éléments, disais-je, ressortaient néanmoins de ces premières écoutes : l’introduction acoustique hispanisante de « Dream Cull », ce « Myrmidon » aux relents très Thrash et à la cassure rythmique du plus bel effet, ou encore « Trapped Under Ice », reprise de METALLICA pour le fun. Même si l’on retrouve une marque de fabrique évidente et réjouissante dans la manière de manier la guitare (décomposition des accords, agencement des dissonances), on peut regretter de ne pas ressentir la précision faisant mouche et la subtilité froide caractérisant le jeu du musicien.

Étrange pour moi qui aime à crier haut et fort qu’on se fiche un peu de la production tant que les chansons sont bonnes ! Cette impression est toutefois renforcée par la linéarité de ces nouvelles compositions… comme si on enclenchait un rythme à toute vitesse pour masquer la moindre ingéniosité de l’instrumentation.

Pourtant, une fois véritablement imprégné du disque, je commence seulement à en discerner les contours et atours, et me voilà enfin disposé à me laisser emporter par la déferlante de décibels. J’y retourne, je persévère et me fraie peu à peu un chemin parmi les ronces noires et acides. Et, au final, j’arrive même à y trouver du plaisir ! Parce que malgré tout ce que j’ai pu évoquer plus haut, l’aura d’Olve Eikemo rayonne toujours quelque part quelle que soit l’épaisseur du brouillard !

Au travers de son parcours musical, Abbath n’a cessé d’évoluer et, ce, même au sein d’IMMORTAL (comparez « Battles In The North » et « All Shall Fall” par exemple…). Le musicien continue d’approfondir avec son projet solo, une recette constituée de ses premiers noirs amours (citons ici « Septentrion » par exemple) et de ses influences de jeunesse les plus Heavy. L’âme de MOTÖRHEAD ne plane jamais très loin (l’édition limitée comporte notamment une reprise du « Make My Day » du groupe précité) et que dire de ce « The Book Of Breath », clin d’œil plus qu’appuyé au « Creatures Of The Night » des maîtres du maquillage… KISS ? Faîtes la comparaison, on aurait même pu croire à une reprise façon Black Metal !

Après un premier album excellent, un second tout de même moins mémorable, Abbath ancre sa formule bien à lui, ayant pris racine il y a déjà un moment dans l’inégalable « Between Two Worlds » de I. Ceci ne peut qu’être une bonne chose tant cette sorte de Black’n’Heavy personnel fait sa place dans le paysage musical fourmillant, cependant « Dread Reaver » peinera sans doute en longévité de part des compositions moins percutantes, sans détours, et desservies par une mise en son trop épaisse pour en tirer les subtilités. C’est un nouvel effort peut-être un peu bancal qui n’aura néanmoins, en dépit des frasques parfois gênantes que le personnage a pu inscrire ces dernières années à son palmarès, pas de prise sur l’attachement que j’ai pour lui. C’est Abbath quand même, merde !

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